L'Arabie saoudite a franchi cette semaine une bonne étape sur la voie de la rationalisation de son infrastructure financière nationale avec la fusion de deux entités de fonds de pension et de sécurité sociale.
L'Agence des pensions publiques (APP) s'associera à l'Organisation générale des assurances sociales (Gosi) pour créer une organisation qui détiendra des participations substantielles dans certaines des sociétés parmi les plus cotées du Royaume, ainsi que des participations importantes dans des sociétés étrangères et des biens immobiliers et financiers.
La fusion, approuvée par le cabinet saoudien, vise plus d'efficacité et de rationalisation, étant donné que la PPA et la Gosi occupaient pratiquement le même espace sur la scène de l'investissement, qu’il s’agisse de la gestion des retraites et d’autres fonds du personnel civil et militaire ou des investissements dans ce qui est considéré comme une infrastructure sociale essentielle, notamment pour les soins de santé et le financement de l'immobilier résidentiel.
Certains observateurs se sont demandé si cette fusion pouvait annoncer les débuts d'un autre méga-investisseur pour le Royaume comme le Fonds d'investissement public (PIF). Avant d'être relancé en tant que «super-fonds souverain» en 2015, le PIF gérait des actifs de retraite dormants du secteur public, un peu comme la PPA et la Gosi. La liaison PPA-Gosi n'en est qu'à ses débuts et la stratégie d'investissement est toujours en cours de finalisation, mais cela ne s’apparente pas à la préparation d’un autre PIF.
D'une part, les actifs sous gestion sont considérablement plus petits. À environ 29 milliards de dollars [1 dollar = 0,84 euro], la PPA-Gosi est très loin des 430 milliards de dollars réclamés par le PIF, et elle sera éclipsée par l'ambition déclarée du PIF d'atteindre plus de 2 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion d'ici à 2030.
Le PIF possède un mandat beaucoup plus étendu que tout ce qui est actuellement envisagé pour la PPA-Gosi. C’est un investisseur mondial dynamique, comme nous l'avons appris pendant la crise pandémique, qui prend des participations dans des entreprises du monde entier et les négocie activement.
Le PIF joue également un rôle clé en tant qu'agent de changement économique à la pointe de la stratégie Vision 2030 afin de diversifier l'économie et de la détourner de la dépendance au pétrole et aux dépenses gouvernementales.
Ce fait nous a encore été rappelé cette semaine par le nouveau classement du Sovereign Wealth Fund Institute [SWF Institute, une société mondiale qui analyse les propriétaires d’actifs publics tels que les fonds souverains et d’autres investisseurs gouvernementaux à long terme, NDLR] des grands investisseurs publics mondiaux. Le PIF est devenu le septième plus grand SWF au monde; une fois de plus, il a remonté dans le classement.
Le «classement» des fonds souverains nous en dit long sur la forme historique de ces super-investisseurs, mais il révèle également une ou deux éléments sur la direction qu'ils pourraient prendre.
Le PIF, malgré l'ampleur de son ambition, se classe derrière les principaux fonds souverains de Norvège, qui arrivent en tête du classement par la valeur des actifs sous gestion, ainsi que les fonds souverains de Chine, de Singapour, des Émirats arabes unis et du Koweït.
Toutefois, ces organisations existent depuis bien plus longtemps que le PIF dans sa forme post-2015. La plus ancienne, la Kuwait Investment Authority, existe depuis les années 1950; l'Abu Dhabi Investment Authority (Adia) des Émirats arabes unis a été créée en 1976; elle est actuellement référencée comme la plus grande du Moyen-Orient. Il est également important de faire la distinction entre les fonds souverains basés sur les bénéfices du négoce de matières premières, le pétrole dans le cas des fonds régionaux, et d'autres, en Chine, à Singapour et ailleurs, qui sont essentiellement les dépositaires des bénéfices commerciaux et d'exportation de leurs pays.
Le PIF pourrait également dépasser la Norvège en tant que fonds souverain le plus important du monde. Le fait que le Government Pension Fund Global du pays scandinave, avec près de 1,3 billion de dollars en banque, soit à l’heure actuelle le plus élevé témoigne de la part du gouvernement d'Oslo d’une gestion prudente des excédents de revenus qui proviennent du pétrole de la mer du Nord au fil des ans. Vous pourriez vous demander pourquoi le Royaume-Uni – doté de la même manière d'actifs de la mer du Nord dans les années 1980 – n'a jamais réussi à mettre de côté cette aubaine en banque, mais cela nous entraînerait dans la sphère controversée de la politique.
Vous pourriez aussi vous demander ce qu'il adviendrait des billions de Norvège si le pays – qui compte des militants écologistes avant-gardistes – décidait un jour de se retirer complètement du secteur des hydrocarbures. Mais il s’agit encore une question politique, que les Norvégiens devront trancher eux-mêmes.
Frank Kane est un journaliste d'affaires plusieurs fois primé et qui habite à Dubaï.
Twitter : @frankkanedubai
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