Un affrontement PKK-Peshmergas nuit à la cause kurde

Un drapeau de la région autonome du Kurdistan flotte à côté de combattants peshmergas kurdes irakiens debout sur un char. (AFP/Fichier)
Un drapeau de la région autonome du Kurdistan flotte à côté de combattants peshmergas kurdes irakiens debout sur un char. (AFP/Fichier)
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Publié le Samedi 19 juin 2021

Un affrontement PKK-Peshmergas nuit à la cause kurde

Un affrontement PKK-Peshmergas nuit à la cause kurde
  • Le ministère de la Défense du GRK indique sur Twitter que cinq Peshmergas ont été pris en embuscade et tués par les forces du PKK, tandis que quatre autres ont été blessés
  • Il faudra attendre de voir si l'affrontement militaire à Amedi est un signe avant-coureur d’incidents similaires ou s'il sera oublié

Un affrontement militaire mineur qui s’est déroulé le 5 juin entre les Peshmergas – les forces militaires du gouvernement régional du Kurdistan (GRK) en Irak – et les combattants du Parti proscrit des travailleurs du Kurdistan (PKK) suscite un débat sur la question de savoir si divers mouvements indépendantistes kurdes peuvent se nuire mutuellement.

Les affrontements ont eu lieu à Amedi, une petite ville de la province de Duhok au nord de l'Irak où sont actifs l'armée irakienne, les Peshmergas, l'armée turque, les Unités de mobilisation populaire soutenues par l'Iran et le PKK.

Amedi se situe entre 15 et 20 kilomètres de la frontière turco-irakienne à vol d'oiseau. La raison de la présence militaire de la Turquie sur le territoire irakien remonte à des décennies. Au cours d'une bataille acharnée en 1997 entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani, la Turquie a coopéré avec M. Barzani tandis que Saddam Hussein a combattu M. Talabani, soutenu par l'Iran. Cette coopération a permis à la Turquie d'établir une présence militaire en Irak. Cette présence existe toujours, et la Turquie l'utilise pour combattre les combattants du PKK sur le territoire irakien.

La Turquie veut contrôler la zone car elle se trouve sur la route des combattants du PKK entre leur base principale dans les montagnes Qandil et une autre concentration du PKK à Sinjar.

Le ministère de la Défense du GRK indique sur Twitter que cinq Peshmergas ont été pris en embuscade et tués par les forces du PKK, tandis que quatre autres ont été blessés. Le PKK, pour sa part, déclare qu'il ne voulait pas que les Peshmergas pénètrent dans la zone d'affrontement entre eux et les soldats turcs et que c'est ce qui explique l'incident.

L'une des raisons pour lesquelles un tel affrontement s’est produit entre deux entités qui défendent a priori la même cause kurde, réside dans les différentes manières dont l'activisme kurde a évolué dans les quatre pays à forte minorité kurde: la Turquie, l'Irak, la Syrie et l'Iran.

Nous pourrions être témoins de différents types de solutions pour la promotion de la cause kurde adaptés à la réalité des pays où existent des mouvements indépendantistes kurdes.

Yasar Yakis

En Turquie, des militants kurdes fondent en 1978 le PKK. Son nom s'inspire de l'idéologie communiste, il est motivé par les idéaux pankurdes et vise à unir les Kurdes de tous les pays. Au fil du temps, cependant, il est devenu clair qu’un seul parti ne pouvait répondre aux attentes de tous les Kurdes. Ainsi, le mouvement kurde dans chaque pays a suivi son propre chemin.

Bien que les Kurdes de Turquie aient dirigé le mouvement pankurde, les progrès les plus concrets ont été réalisés en Irak. À la suite de la dure répression des Kurdes par Saddam Hussein et de la protection fournie par les États-Unis, qui ont instauré une zone d'exclusion aérienne dans le nord de l'Irak, les Kurdes irakiens ont pu consolider leur autonomie dans le nord du pays et ont même organisé en 2017 un référendum pour proclamer leur indépendance. Plus de 92 % des électeurs ont soutenu l'indépendance, mais le GRK s'est abstenu de la proclamer en raison des circonstances internationales qui prévalaient à l'époque. Par conséquent, la cause kurde en Irak est en avance sur des mouvements similaires dans d'autres pays, mais elle ne vise pas une cible pankurde.

L'objectif déclaré du GRK est de transformer la nature tribale de la société kurde en Irak en un État fondé sur des principes nationaux libéraux, tandis que l'approche du PKK continue d'être pankurde mais repose sur des cantons décentralisés pour gérer les villes au sein d'un État plus large.

En raison de cette différence et de bien d'autres, les deux mouvements kurdes – le GRK et le PKK – en sont venus à s'entretuer le 5 juin.

En Syrie, la cause kurde a suivi un chemin différent. Lorsque le président syrien, Bachar al-Assad, a été confronté à une réelle menace pour sa survie, il a passé un accord implicite avec les Kurdes du nord-est du pays. Cet accord consistait à accorder la citoyenneté à de nombreux Kurdes qui en avaient été déchus en 1962 et à retirer ses soldats de la région, ainsi qu’à consentir à la mise en place d’une administration plus ou moins cantonale.

Les Kurdes syriens n'ont pas pris leurs distances avec le PKK, bien qu'ils affirment ne pas avoir avec lui de liens institutionnels. Même les États-Unis, qui apportent toutes sortes de soutiens aux Kurdes syriens, admettent discrètement que le parti politique kurde le plus puissant en Syrie, le Parti de l'union démocratique (PYD), n'est rien d'autre que l'extension syrienne du PKK. 

En Iran, le séparatisme kurde date de l'après-guerre. Les Kurdes iraniens ont proclamé en 1946 l'indépendance sous le nom de «République de Mahabad», qui a duré moins d'un an. Leur mouvement politique n'est pas institutionnellement lié aux mouvements kurdes en Turquie, en Irak et en Syrie.

À l'avenir, nous pourrions être témoins de différents types de solutions pour la promotion de la cause kurde adaptés à la réalité des pays où existent des mouvements indépendantistes kurdes.

Il faudra attendre de voir si l'affrontement militaire à Amedi est un signe avant-coureur d’incidents similaires ou s'il sera oublié.

 

• Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AK au pouvoir. Twitter : @yakis_yasar

 

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