À la fin du mois de juin, les électeurs français vont élire leurs présidents de régions et de départements. Vu de l’extérieur, il s’agit d’une élection très secondaire, sans grande importance. La France reste un pays très centralisé, où les treize régions et la centaine de départements n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre. Ils ne disposent souvent que de compétences très techniques, qui paraissent assez bureaucratiques.
En temps ordinaire, il n’y aurait donc aucune raison de parler de ces élections en dehors du territoire national. Sauf que, l’an prochain, nous serons en 2022, année où se jouera la présidentielle. Ces élections régionales sont donc la dernière occasion de voir où en sont les forces politiques françaises, avant qu’Emmanuel Macron ne remette son mandat en jeu.
Un observateur extérieur pourrait penser que le parti d’Emmanuel Macron, qui jouit d’une bonne cote de popularité, pourrait montrer sa force lors de ces régionales. Il aurait tort: a priori, La République en marche (LREM) ne devrait gagner aucune région et ses candidats ne devraient pas vraiment peser.
À l’inverse, trois des leaders de la droite classique vont se représenter au sein des trois plus grandes régions françaises. Celle-ci pourrait donc être l’animatrice de cette campagne. Selon les estimations, Valérie Pécresse, en Île-de-France (Paris et sa région); Laurent Wauquiez, en Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon et Grenoble notamment); et Xavier Bertrand, dans les Hauts-de-France (Lille, et toute la partie au nord de la région parisienne) devraient être facilement réélus. La gauche, où se présentent des personnalités plus connues localement, devrait également garder quelques régions. En définitive, on se dirigerait donc vers une classique opposition droite/gauche, dont le parti présidentiel ne serait, au mieux, qu’une force d’appoint.
Or, tous les sondages montrent paradoxalement que, si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu demain, les deux qualifiés pour le second seraient, de très loin, Marine le Pen, pour le Rassemblement national, et Emmanuel Macron. Ce dernier l’emporterait avec une marge assez réduite au second tour (il obtiendrait entre 53 et 56% des voix, selon les instituts de sondage).
Le parti de Marine Le Pen, le Rassemblement national, que l’on peut qualifier de «populiste», serait en mesure de remporter entre une et trois régions, ce qu’il n’a jamais été capable de faire par le passé. En Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Marseille et Nice notamment), en Bourgogne-Franche-Comté (Dijon et une partie de l’est de la France) et en Centre-Val-de-Loire (Orléans, Tours et le sud-ouest de la région parisienne), les listes du parti classé à l’extrême droite pourraient l’emporter, et gérer des exécutifs régionaux.
C’est le principal enjeu de ces élections. Marine Le Pen semble de plus en plus proche de battre Emmanuel Macron en cas de duel en 2022. Les Français s’étaient détournés d’elle en 2017, à la suite notamment du débat de l’entre-deux tours, où elle avait commis de grosses maladresses, permettant à Macron de l’emporter assez largement avec plus de 66% des voix.
Les Français ont tendance à exprimer leur mécontentement au premier tour en votant pour le Rassemblement national, mais ce dernier arrive rarement à approcher de la majorité absolue au second tour. Ce parti ne compte paradoxalement qu’une dizaine de députés à l’Assemblée nationale sur 577, alors que sa candidate est estimée totaliser au minimum 25% des intentions de vote sur le plan national.
Que se passerait-il si, pour la première fois, le plafond de verre explosait, et que des régions françaises étaient dirigées par le RN? Sans doute pas grand-chose concrètement, puisque les régions n’ont pas énormément de marges de manœuvre politique en France.
En revanche, cela donnerait une visibilité et une crédibilité au parti de Marine Le Pen, qui, jusqu’ici, lui ont cruellement manqué, pour passer d’une excellente candidate de premier tour, à une candidate crédible de second tour. Plusieurs régions passant au RN permettraient-elles à Marine Le Pen de combler son retard pour 2022?
Voilà pourquoi il faut s’intéresser aux élections régionales françaises. L’enjeu du scrutin va bien au-delà de la gestion de quelques régions. L’avenir du paysage politique français, et donc européen, pourrait bien connaître des développements inédits dans trois semaines.