Les principaux acteurs du conflit en Libye ont accepté, dans des communiqués publiés vendredi dernier, un cessez-le-feu suivi d'élections anticipées, une nouvelle qui a été reçue par un soupir de soulagement collectif. Le Gouvernement d’union nationale (GNA) a annoncé la cessation des hostilités dans tout le pays et la démilitarisation de Syrte et d’Al-Jufra, deux zones très disputées. Son rival, la Chambre des représentants basée à Tobrouk, a publié un communiqué similaire sur le cessez-le-feu et a appelé à « des élections présidentielles et parlementaires anticipées en mars prochain ».
Certains ont appelé à tourner la page et à lancer un processus de « réconciliation nationale globale », faisant ainsi de Syrte une base temporaire pour le nouveau conseil présidentiel et réclamant que la capitale Tripoli soit « protégée par une force policière officielle de toutes les régions du pays en préparation à l’unification des institutions de l’État ». Les deux communiqués ont également appelé à mettre fin à l’embargo sur le pétrole qui a été imposé au début de l’année. Bien que le cessez-le-feu n’était pas prévu pour le moment, il semblait tenir et les Libyens ont donc profité d'un rare week-end calme.
Les initiatives des deux rivaux libyens ont été accueillies par un quasi-consensus mondial, avec des appels à saisir l’occasion et à essayer de faire avancer le processus de paix. Plusieurs pays clés impliqués dans le rétablissement de la paix dans ce pays en difficulté, ainsi que l'ONU, la Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), ont salué l'initiative de cessez-le-feu. Dans un communiqué publié vendredi, le CCG a demandé à toutes les parties en Libye d’ « adhérer à cette étape constructive » et de s'engager d'urgence dans un dialogue politique, par le biais de la médiation de l'ONU, « en vue de parvenir à une solution permanente et globale pour mettre fin au conflit en Libye et atteindre la sécurité et la stabilité ».
Les initiatives des deux rivaux libyens ont été accueillies par un quasi-consensus mondial, avec des appels à saisir l’occasion et à essayer de faire avancer le processus de paix.
Abdel Aziz Aluwaisheg
Le président égyptien Abdel Fattah El-Sissi faisait partie des premiers à soutenir cette nouvelle décision, la qualifiant d’ « étape importante vers un règlement politique ». Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tous publié des communiqués en signe de soutien. Quant à la Turquie, l’Italie et la France, qui soutenaient différentes parties du conflit, elles ont considéré le cessez-le-feu comme une étape positive.
Il est important que cet accord positif entre le GNA et le parlement libyen soit soutenu par toutes les puissances extérieures.
L’Arabie Saoudite a également soutenu cette déclaration et appelé à un dialogue interne afin de parvenir à une « solution permanente » qui « garantit la sécurité et la stabilité de la Lybie ». Les Émirats arabes unis ont rapidement exprimé leur soutien au cessez-le-feu, soulignant que la seule façon de mettre fin au conflit est une solution politique sous la supervision de l’ONU. Ils ont considéré cette annonce comme une « étape importante vers la solution politique et la réalisation des ambitions du peuple libyen de construire un avenir de stabilité, de paix et de prospérité, conformément avec les résultats de la Conférence de Berlin, avec la Déclaration du Caire et avec l’Accord de Skhirat ».
Bien que le maréchal Khalifa Haftar ne se soit pas prononcé sur le cessez-le-feu, certains communiqués attribués à son Armée nationale libyenne ont indiqué un manque de confiance et de scepticisme quant au fait que ses rivaux honoreraient l'accord. Le fait que l’accord soit soutenu universellement, y compris parmi certains de ses principaux alliés, pourrait persuader Haftar de ne pas s’y opposer si l'autre partie reste attachée à la déclaration de cessez-le-feu.
De même, quoique le porte-parole présidentiel de la Turquie, Ibrahim Kalin, ait salué le cessez-le-feu annoncé, certains comptes sur les réseaux sociaux considérés comme proches d'Ankara ont exprimé des doutes à ce sujet.
D'autres ont exprimé leur scepticisme à cause de ce qui s'est passé lors des tentatives précédentes de faire respecter un cessez-le-feu. Par exemple, en avril, une trêve a été annoncée mais elle est rapidement tombée à l’eau car il n'y avait pas d'alignement entre les pouvoirs extérieurs et les acteurs locaux. Il est donc important que cet accord positif entre le GNA et le parlement libyen soit soutenu par toutes les puissances extérieures. Le rôle de l'ONU est crucial pour assurer la mise en œuvre du cessez-le-feu et pour le compléter avec des étapes vers des élections.
La démission soudaine de l’envoyé spécial de l’ONU Ghassan Salamé en mars a causé une pause dans les efforts de médiation de l’ONU et aurait contribué à aggraver la situation sur le terrain, surtout après l’intervention brutale de la Turquie. Il est donc impératif que le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres désigne un nouveau médiateur. Entre-temps, la Mission d'appui de l’ONU en Libye devrait jouer le rôle de médiateur et concrétiser l’accord fragile annoncé vendredi dernier, selon les lignes tracées par les deux groupes rivaux.
Le consensus mondial et régional a été clairement exprimé à travers le processus de Berlin et la Déclaration du Caire. En janvier, la chancelière allemande Angela Merkel a organisé une conférence dans le but de « créer une nouvelle impulsion politique et mobiliser le soutien international afin de trouver une solution au conflit » et d’ouvrir la voie à « un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens qui pourrait mettre fin aux hostilités et instaurer une paix durable ». Des chefs d'État et des hauts représentants de 12 pays, y compris les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, et plusieurs organisations internationales et régionales y ont pris part. Ils ont souligné que le conflit en Libye représentait une « menace à la paix et à la sécurité internationales car il fournit un terrain fertile aux trafiquants, aux groupes armés et aux organisations terroristes », dont Al-Qaïda et l’EI. Les participants se sont engagés à « s'abstenir de toute ingérence dans le conflit armé ou dans les affaires intérieures de la Libye et exhortent tous les acteurs internationaux à faire de même ».
La Conférence de Berlin a approuvé un plan élaboré par l'ONU. Selon des documents envoyés à l’ONU, elle a réaffirmé le « fort attachement des participants à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye ».
Le plan présenté par l’ONU elle-même lors de la Conférence de Berlin a été approuvé par toutes les parties. Cette proposition a été clairement façonnée par des consultations que l'organisation a tenues avec tous les partis libyens et, en tant que telle, représentait un consensus national libyen. Outre les modalités de cessez-le-feu, le plan soulignait la nécessité de la mise en œuvre de l'embargo sur les armes, d'un retour au processus politique et de l'introduction de réformes économiques et politiques. Il a également mis en valeur le rôle clé que les Libyens devraient jouer dans ce processus, avec le soutien de l'ONU. La Déclaration du Caire a indiqué une approbation régionale du processus de Berlin.
Avec les déclarations de cessez-le-feu de vendredi, et avec un consensus clair sur la forme de la solution politique que veulent les Libyens, la balle est maintenant dans le camp de l’ONU pour traduire ce consensus national, régional et international en mesures pratiques selon les modalités convenues dans le processus de Berlin et la déclaration du Caire.
Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation, et un chroniqueur pour Arab News.
Twitter : @abuhamad1
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com