L'Iran ne peut pas prôner la paix tant qu'il fournit des armes à la milice houthie

De la fumée se dégage des installations d'Aramco à Abqaïq après une attaque de drone revendiquée par la milice houthie, le 14 septembre 2019. (AFP)
De la fumée se dégage des installations d'Aramco à Abqaïq après une attaque de drone revendiquée par la milice houthie, le 14 septembre 2019. (AFP)
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Publié le Mardi 11 mai 2021

L'Iran ne peut pas prôner la paix tant qu'il fournit des armes à la milice houthie

L'Iran ne peut pas prôner la paix tant qu'il fournit des armes à la milice houthie
  • Si le Yémen ne menace en aucun cas la sécurité de la République islamique, il constitue en revanche une menace pour l'Arabie saoudite
  • Les attaques des Houthis semblent s’être intensifiées depuis l'entrée en fonction, au mois de janvier dernier, de l'administration Biden

Le gouvernement iranien déclare vouloir ouvrir un nouveau chapitre avec l'Arabie saoudite. Il espère que le mois sacré du ramadan sera le prélude au rétablissement de la sécurité et de la stabilité dans la région.

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Saïd Khatibzadeh, a déclaré le mois dernier: «Parce que ce sont deux pays importants au niveau de la région et du monde musulman, l’Iran et l’Arabie saoudite peuvent ouvrir un nouveau chapitre d’interaction et de coopération pour parvenir à la paix, à la stabilité et au développement régional, en adoptant des approches constructives et fondées sur le dialogue.»

Pour concrétiser cet objectif essentiel, Téhéran devra toutefois aller au-delà des mots et revoir en profondeur sa politique à l'égard du Royaume. Si le gouvernement iranien souhaite véritablement améliorer ses relations avec l'Arabie saoudite, l'une des mesures les plus déterminantes qu'il doit prendre consiste à cesser d’apporter son soutien au groupe terroriste du Yémen, en l'occurrence la milice houthie.

En effet, si le Yémen ne menace en aucun cas la sécurité de la République islamique, il constitue en revanche une menace pour l'Arabie saoudite, compte tenu des frontières qu'il partage avec cet État du Golfe. Les dirigeants iraniens doivent donc reconnaître et assumer le rôle qu'ils jouent dans le conflit meurtrier qui ravage le Yémen.

Mais, malheureusement, plutôt que de reconnaître le rôle dévastateur de l'Iran, Khatibzadeh suggère que «la République islamique d'Iran joue le rôle d’un pionnier sur la voie de l'amitié et de la coopération régionale grâce aux propositions et aux initiatives de dialogue et de coopération qu'elle a présentées dans la région du Golfe, notamment la Hormuz Peace Endeavor [Initiative de paix d’Ormuz, ou Hope]».

Une multitude d’indices permettent en effet d’associer le régime iranien à la guerre au Yémen. Le plus récent rapport annuel des Nations unies révèle que les Houthis ne sont pas uniquement armés par le régime iranien, mais qu'ils sont également entraînés par ses services militaires. Le rapport indique que «de plus en plus de preuves montrent que des individus ou des entités de la République islamique d'Iran fournissent des quantités substantielles d'armes et de composants aux Houthis.

Le groupe d'experts enquête également sur des individus qui se sont rendus à Oman sur des «vols de charité» en 2015 et, de là, en République islamique d'Iran. Par la suite, l'un de ces individus a publiquement affirmé avoir suivi une formation navale à Bandar Abbas et avoir facilité «des actions de contrebande en mer au profit des Houthis». Par ailleurs, des cargaisons d'armes iraniennes à destination d’un Yémen déchiré par la guerre font l’objet de saisies fréquentes.

La milice houthie se sert des armes fournies par l'Iran pour mener des offensives. Par exemple, le mois dernier, la milice a lancé un drone contre une base aérienne militaire dans la ville de Khamis Mushait, dans le sud de l'Arabie saoudite, et la semaine dernière, elle a employé ses missiles et ses drones pour attaquer la ville de Najran ainsi que la King Khalid Air Base (base militaire du roi Khaled).

Pour le seul mois de février, les Houthis auraient lancé plus de quarante drones et missiles en direction de l'Arabie saoudite. Auparavant, ils ont revendiqué la responsabilité des attaques de 2019 contre deux usines d'Aramco implantées au cœur de l'industrie pétrolière du Royaume: la plus importante installation de transformation de pétrole du monde, à Abqaïq, près de Dammam, et le deuxième plus grand champ pétrolifère du pays, à Khurais.

Par ailleurs, les attaques des Houthis semblent s’être intensifiées depuis l'entrée en fonction, au mois de janvier dernier, de l'administration Biden, qui a adopté un ton plus souple à l'égard du gouvernement iranien.

Même les responsables des pays occidentaux reconnaissent la recrudescence des attaques, comme l'a déclaré un haut responsable de la défense américaine à NBC News: «Nous sommes certes conscients de la montée inquiétante des attaques transfrontalières perpétrées par les Houthis à l'aide d’une série de dispositifs, notamment des missiles de croisière, des missiles balistiques, ainsi que des drones ou des UAV [Unmanned Aerial Vehicles, “véhicule aérien non habité”].»

 

Téhéran doit aller au-delà des mots et revoir en profondeur sa politique à l'égard du Royaume.

Dr Majid Rafizadeh

Il incombe au gouvernement iranien de contraindre le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) à suspendre le soutien militaire qu'il apporte aux Houthis. Ce groupe, désigné comme terroriste par les États-Unis, apporte un soutien et un parrainage déterminants aux Houthis et il les approvisionne en armes, leur fournissant notamment des missiles guidés antichars, des fusils de précision et des lance-roquettes.

Autrement dit, le régime iranien est tenu de revoir en profondeur sa principale mission, selon laquelle «l'armée de la République islamique d'Iran et le Corps des gardiens de la révolution islamique [...] ont pour mission de garder et de préserver les frontières du pays, mais aussi de réaliser leur mission idéologique qui est le djihad comme Dieu le souhaite, c’est-à-dire le fait d’étendre la souveraineté de la loi de Dieu partout dans le monde».

Pour conclure, les dirigeants iraniens doivent renoncer à prendre le contrôle du Yémen comme ils ont cherché à le faire dans d'autres pays, comme le Liban – par le biais de son groupe mandataire, le Hezbollah –, mais aussi la Syrie et l'Irak.

Le gouvernement iranien ne peut pas prôner la paix et le rétablissement des liens avec l'Arabie saoudite tant que son groupe mandataire, la milice houthie, continue à lancer des drones contre le Royaume. Si les dirigeants iraniens souhaitent véritablement ressouder leurs relations avec l'Arabie saoudite, ils devront d'abord renoncer à soutenir et à armer les Houthis.

 

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com