Dans un discours prononcé le 21 mars, premier jour de l'an 1400 en Iran, Khamenei a déclaré : "Malheureusement, le cyberespace du pays n'est pas contrôlé. Tous les pays du monde gèrent leur propre cyberespace. Ce n’est pas un insigne d’honneur de laisser libre cours à notre cyberespace ; le cyberespace doit être géré."
À son avis, "les services de renseignements étrangers tentent de saper les élections de juin." Il a accusé les organisateurs de faire des choix ingénieux ou de décourager le peuple en laissant entendre que leurs votes n’amélioreront pas la situation. Khamenei, comme d'habitude, accuse les États-Unis et Israël d'être à l'origine d'un possible manque de participation du peuple à l'élection présidentielle de juin 2021 en Iran.
Le régime iranien est dans un état instable et bouleversant. Les dirigeants se sont donc tournés vers une politique de contraction. Comme tout autre dictateur, Khamenei tente de rassembler son peuple le plus loyal pour prolonger la vie de son régime et retarder sa chute inévitable. Lors des élections parlementaires de mars 2020, son Conseil des Gardiens a disqualifié tous les candidats des factions les plus reculées, dont beaucoup occupent encore des postes au sein du gouvernement, et a formé un parlement unifié à partir de sa coalition et ses alliés proches.
Il est maintenant déterminé à nommer une personne totalement loyale à l'élection présidentielle de fin juin. Il a déclaré que le prochain président devrait avoir foi en Velayat-e-Faqih (le chef suprême).
Comme tout autre dictateur, Khamenei tente de rassembler son peuple le plus loyal pour prolonger la vie de son régime et retarder sa chute inévitable
Cette élection sera sans l’ombre d’un doute, l'une des plus risquées pour Khamenei. Lors des élections de 2008, un soulèvement important a eu lieu. Il a secoué les piliers du régime iranien à la suite des protestations de l'ancien Premier Ministre et candidat à la présidentielle Mousavi contre la fraude électorale et pour écarter Ahmadinejad des urnes. La nouvelle élection présidentielle aura lieu lorsque les deux grands soulèvements de 2017 et 2019 auront sévèrement affaibli le régime et l'auront isolé aux niveaux national et international. Selon Khamenei, la gestion du cyberespace supervise ce qui met en danger la sécurité et l'existence du système et, si nécessaire, déconnecte l'Internet. La principale crainte de Khamenei est la formation d'un nouveau soulèvement, qui cette fois pourrait être celui qui mettra fin au régime.
Malgré les inquiétudes du Guide Suprême, Azari Jahromi, le Ministre des Communications, n'a pas tenu compte des remarques de Khamenei sur le contrôle du cyberespace et a déclaré que la censure et le filtrage ne fonctionnent plus et sont obsolètes. Trois jours plus tard, Salami, le commandant des Gardiens de la Révolution, a parlé de "resserrement du cyberespace". C'est ainsi que les Gardiens de la Révolution sont entrés dans le domaine de la "gestion du cyberespace". Le chef du CGRI, Mohammad Rasolullah, a annoncé le mardi 18 novembre que la division cybernétique du CGRI, composée de 144 bataillons cybernétiques, s'employait à "accroître la perspicacité", en supprimant "les ambiguïtés et les mensonges des dissidents" dans le cyberespace.
Khamenei considère le cyberespace comme un obstacle à l'ingérence électorale du régime. Il reconnaît que la cyber-armée de plusieurs milliers de soldats du régime des mollahs, a aussi lamentablement échoué face à la présence de millions d'Iraniens dans les activités anti-gouvernementales du cyberespace. Cette défaite a été démontrée dans le cyberespace lors de l'exécution de Navid Afkari sur la scène nationale et internationale.
Si l'affirmation de Khamenei sur une élection populaire était juste et concise, il n'était pas nécessaire de faire mention de la menace du cyberespace. Ce faisant, Khamenei a montré qu'il risque d'être renversé par le peuple et l'opposition. La "gestion du cyberespace" est dorénavant devenue un champ de bataille entre le peuple iranien et le régime des mollahs.
Pourtant, la décision de Khamenei montre que les campagnes des gens qui cherchent le changement en Iran, sont plus fortes que le cyberespace du régime. Du point de vue de Khamenei, des milliers de personnes dans des cyber-bataillons ne peuvent pas résoudre les problèmes du régime. C'est la peur des activités de résistance qui avait auparavant contraint Javad Zarif à écrire au directeur de Twitter pour lui demander de fermer les comptes des Moudjahidines (les ennemis jurés du régime iranien) : "Bonjour Jack. Twitter a fermé de vrais utilisateurs iraniens, y compris des présentateurs de télévision et des étudiants, en supposant qu'ils faisaient partie d'une opération d'infiltration. Quel regard portez-vous sur les vrais robots de Tirana qui défendent le programme de propagande de Washington pour un changement de régime en Iran ?"
Reza Farajipour, le successeur de la base de cyber-défense du régime, a mis en garde contre les menaces croissantes visant le régime à la Télévision d'Etat, le lundi 30 novembre 2020, déclarant : "Nous sommes un pays qui est exposé à plus de menaces que tout autre pays dans le monde. Ces jours-ci, nous faisons face à une grande variété de nouvelles menaces qui, par exemple, ne sont pas du tout comparables à celles des cinq dernières années. Les menaces sont devenues plus avancées et plus soutenues, et il existe de nouveaux types de menaces dans le cyberespace qui ont la capacité d'échapper aux processus de surveillance."
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.