Enfant, mon père me disait que si je voulais changer quelque chose, le moyen le plus efficace était de le faire de l’intérieur. Je m’en suis souvenu lorsque les Israéliens sont retournés aux urnes mardi pour tenter de sortir de l'impasse électorale que connaît le pays depuis ces deux dernières années. L'élection de cette semaine était la quatrième depuis avril 2019 pour tenter d’élire un leadership fort.
Les citoyens palestiniens d’Israël qui représentent environ 20 % de la population, constituent un électorat clé. Si les électeurs arabes sont nombreux, ils peuvent influencer considérablement la formation d'un gouvernement et faire de la question des droits de l'homme une priorité nationale.
C'est là qu'intervient Jérusalem-Est occupée. Israël a annexé illégalement Jérusalem-Est à la suite de la guerre de juin 1967, qu'il a déclenchée mais déguisée en provocation arabe grâce à sa puissance médiatique et son alliance avec les États-Unis. Malgré le nettoyage ethnique et les restrictions imposées par Israël aux non-juifs, en particulier aux Palestiniens chrétiens et musulmans, plus de 60 % de la population de Jérusalem-Est (plus de 350 000 habitants) est aujourd'hui arabe. Mais la plupart des Palestiniens ne peuvent pas voter aux élections nationales israéliennes parce qu’ils ne détiennent pas la nationalité. La citoyenneté palestinienne leur permet en revanche de voter aux élections locales de Jérusalem et aux élections palestiniennes en Cisjordanie.
Au lieu d'être à l'intérieur, là où ils peuvent initier un changement, de nombreux Palestiniens de Jérusalem-Est restent à l'extérieur par fierté et à cause de préjugés alimentés par la colère. Pour beaucoup d’entre eux, avoir la nationalité israélienne serait une insulte à leur dignité, même si, franchement, je ne vois pas comment cela pourrait être plus insultant que d’être un peuple occupé, privé de droits sur sa propre terre.
La citoyenneté israélienne ne garantit pas leurs droits civils ou leurs droits humains immédiatement. Mais elle les rapproche de la réalité. Jérusalem-Est est contrôlée par Israël depuis plus d’un demi-siècle maintenant. Je comprends la réticence de nos parents et grands-parents à reconnaître Israël, mais les jeunes générations doivent faire face à la réalité de leur vie.
Certains Palestiniens ont demandé la nationalité israélienne, mais seulement un nombre relativement restreint. Entre 2001 et 2010, seuls 7 000 Palestiniens sont passés du statut de résident à celui de citoyen. Imaginez si les 350 000 Palestiniens de Jérusalem-Est ajoutaient leurs noms aux listes électorales israéliennes – ils renforceraient le vote arabe et changeraient probablement la donne.
Israël est une nation divisée à bien des égards. La population juive est divisée entre les religieux et les non-religieux, ainsi qu'entre les libéraux et les conservateurs. Lorsque vous superposez tous ces éléments, cela explique en partie pourquoi le Premier ministre de droite, Benjamin Netanyahou, a réussi à conserver ses fonctions, mais uniquement dans le cadre d'une coalition à très faible majorité. Il ne faudrait pas grand-chose pour pousser Benjamin Netanyahou vers la sortie, entamer un processus de changement, et repositionner Israël de l'extrême droite vers la gauche, qui dirigeait autrefois le pays avec les travaillistes.
Cela semble un rêve, voire une fatalité, pour de nombreux Palestiniens plus âgés, qui croient qu'il n'y a aucune différence entre la droite et la gauche israéliennes quand il s’agit de leurs droits. Pour être honnête, ce sont les Israéliens qui craignent les droits des Palestiniens. Ils savent que si les Palestiniens s’unissent un jour, ils pourraient changer le visage d’Israël et de la Palestine.
Je crois que la plupart des Israéliens ne veulent vraiment pas d’un accord de paix avec les Palestiniens. Ils préfèrent maintenir un conflit perpétuel parce que cela garantit la suprématie des juifs israéliens sur les Palestiniens. S'il y avait la paix, la société palestinienne prospérerait, et de nombreux juifs israéliens craignent qu'une population palestinienne libre et florissante ne prenne le contrôle d'Israël. Et peut-être même élise un Premier ministre non juif.
Cependant, plutôt que de progresser lentement vers un État, les Palestiniens ont tendance à exiger «tout ou rien». Ils veulent tout maintenant, tout de suite. Mais c’est impossible. Les Israéliens, d'un autre côté, ont toujours pris tout ce qu'ils pouvaient obtenir, sachant que ce qu'ils prennent se développera lentement et sûrement.
De nombreux Palestiniens de Jérusalem-Est restent à l’extérieur par orgueil et à cause de préjugés alimentés par la colère
Ray Hanania
Aucun Palestinien ne semble avoir cette vision de l’avenir, et c’est pourtant nécessaire pour saper le système d’apartheid d’Israël. Les Palestiniens, devenant des citoyens, changeraient l’équation israélienne lentement et régulièrement.
En écrivant cela avant que le résultat des élections ne soit connu, je ne peux pas prédire ce qui va se passer, mais je suis sûr de deux choses: premièrement, le scrutin sera de nouveau indécis; deuxièmement, une forte participation des citoyens palestiniens permettrait aux Arabes de peser dans la balance. Si le vote arabe baisse, c’est aussi leur influence qui en pâtit.
Si les Palestiniens avaient une vision stratégique intelligente, et un peu de cette clairvoyance israélienne à long terme, ils pourraient modifier la face d’Israël beaucoup plus rapidement de l'intérieur qu'ils ne le feront jamais en tant qu'étrangers.
- Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de l'hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania
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