Ceux d’entre nous qui vouent un amour profond et indéfectible pour le Liban sont catastrophés de voir ce pays magnifique, qui a reçu tant de dons de Dieu, tomber à genoux, en particulier parce que la descente du Liban dans les ténèbres n’est due à aucune catastrophe naturelle.
Nous pleurons pour la belle et trépidante capitale du Liban, Beyrouth, dont une grande partie est maintenant détruite ou endommagée par une explosion si importante que son effet était similaire à celui d’une petite bombe nucléaire. Nous pleurons pour les familles et les amis de tous ceux qui ont perdu la vie et pour les blessés graves dans les hôpitaux. Nous pleurons pour les parents qui souffrent de la perte d'un enfant. Nous sommes tristes pour les églises, les mosquées et les hôpitaux détruits par l'explosion et nous sommes désolés pour ceux qui ont vu leurs maisons et leurs entreprises entièrement rasées.
Le Liban était autrefois décrit comme le paradis sur terre. C'est un pays qui favorise la culture, les activités artistiques, le sens des affaires et les inébranlables liens familiaux. C'est une terre qui a donné naissance à des artistes, des poètes, des écrivains, des acteurs, des designers et des entrepreneurs de renom, dont beaucoup sont partis à la recherche de meilleures opportunités. Mais ceux qui ont quitté le pays ont vite découvert que le Liban ne pouvait jamais être effacé de leur cœur.
Les Libanais de tous âges qui se trouvent hors du pays se sont tenus aux côtés de leur patrie, soutenant leurs compatriotes, indépendamment de leur religion. En temps de crise, ils sont unis et ils devraient être fiers de cela. Je salue tous ceux qui ont offert une aide matérielle, selon leurs moyens. Nombreux parmi ceux qui ont fait des donations ne sont pas riches, mais ils sentaient que c’était de leur devoir d’apporter une contribution. Je rends hommage à ces personnes, même si les milliardaires et multimillionnaires libanais, à quelques exceptions près, ne se sont pas encore manifestés.
J'ai également été touché par la façon dont les Libanais ont ouvert leurs maisons à des étrangers, de sorte que personne ne soit obligé de dormir dans la rue. J’ai un immense respect pour les jeunes qui ont pris l’initiative de nettoyer les zones qui ont souffert de l’explosion. L’état d’esprit des Libanais après cette tragédie est tout à fait édifiant.
Des gens aux quatre coins du monde ont récemment exprimé leur amour pour le Liban, ainsi que leur admiration pour la façon dont les Libanais refusent de laisser les coups de la vie, aussi durs soient-ils, étouffer leur joie de vivre naturelle.
Cela dit, les jeunes sont fatigués d'avoir à se montrer courageux; ils en veulent plus. Ils réclament un nouveau système politique capable de leur offrir un avenir construit sur une base solide de stabilité et de sécurité, qui pourrait uniquement être atteint lorsque les allégeances sectaires passeront après le patriotisme. Le jour où chaque fils et chaque fille du Liban uniront leurs armes et diront à l’unisson: ‘’Nous sommes tous fiers d’être Libanais,’’ sera l’aube de l’épanouissement du pays.
J’écris depuis de nombreuses années des articles pour implorer les Libanais de faire passer leur amour du pays avant toute chose, et de travailler afin de se débarrasser de leur système politique confessionnel obsolète qui crée des divisions. Les Libanais savent ce qui doit être fait, mais ils ont été manipulés par la vieille garde.
Les réformes sont toujours à l’ordre du jour, mais elles ne restent que des promesses et des engagements aisément oubliés. C'est la raison pour laquelle les négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) sur un prêt de 10 milliards de dollars ont échoué, et une conférence virtuelle des donateurs organisée par la France et l'ONU n’a été qu’une simple goutte d’eau dans l'océan. Le pays a un besoin immédiat de milliards, cependant que les pays donateurs insistent sur le fait que l’aide est conditionnée par la mise en œuvre de réformes.
C'est le moment pour le monde de faire pression sur le Liban pour qu'il se libère de son système politique cancéreux, tout en exigeant un remaniement constitutionnel. Cela permettrait des élections libres et transparentes et la nomination de citoyens honnêtes et travailleurs de tous rites et confessions, basée uniquement sur leurs qualifications et leur expérience, plutôt que sur l'endroit où ils se rassemblent pour prier.
Les Libanais doivent être prêts à échapper à une distorsion temporelle politique paralysante qui a inextricablement lié religion et État; et qui les maintient enfermés dans des camps différents - et parfois rivaux. Les élections devraient être étroitement surveillées et vérifiées par des organismes internationaux.
Lundi, le Premier ministre libanais Hassan Diab et son cabinet ont démissionné en réponse aux manifestations de rue qui ont eu lieu. Pourtant, ils resteront en tant que gouvernement intérimaire jusqu'à ce que le peuple puisse à nouveau voter. Espérons que des élections seront bientôt programmées et, que cette fois, les Libanais choisiront des personnes compétentes avec un bilan irréprochable.
Aucun nouveau gouvernement n'a de solution miracle pour résoudre les problèmes mais, à condition que ses membres soient ouverts à des réformes et soient prêts à travailler avec des nations amies comme la France et de nombreux autres pays du monde qui ont à cœur les intérêts du Liban, ainsi que le FMI et la Banque mondiale, le pays atteindra de nouveaux sommets.
Une nouvelle constitution en prélude à de nouveaux visages dignes de confiance au sein du Cabinet et du Parlement ouvrira la porte à des investissements massifs si importants que le Liban n'aura besoin que de prêts à court terme pour commencer à reconstruire ses infrastructures et son économie.
Le soutien financier des pays étrangers est nécessaire à ce stade, mais ce n'est qu'un simple répit. À moins que le système et ceux qui en profitent depuis des décennies ne changent, le Liban pourrait se retrouver seul. Je crois fermement que les gens ont soif de changement ; leur patience a atteint ses limites et les pouvoirs en place l’ont compris.
Je suis certain qu'une fois que le premier échelon aura été gravi, sous la forme d'une constitution révisée et de nouvelles élections, selon la première éventualité, le monde entier sera aux côtés du Liban. Nous devons tous aider le pays à renaître en tant que nation unie toute entière sous le drapeau du cèdre.
J’attends avec impatience le jour où mon Liban bien-aimé se remettra sur pied, permettant aux meilleurs de briller. J’ai hâte de retrouver l’ambiance insouciante de Beyrouth et de célébrer sa reconstruction, comme je l’ai fait lorsque feu le Premier Ministre Rafic Hariri - un grand homme que je considérais comme un ami - a reconstruit le magnifique centre-ville de la capitale. Dans ce cas, nous qui regardons de l'extérieur, devrions nous préparer à être étonnés. Mon instinct me dit que des jours meilleurs restent à venir, et qu’ils viendront bientôt.
Khalaf Ahmad Al-Habtoor est un homme d'affaires et une personnalité publique éminente des EAU. Il est réputé pour ses opinions sur les affaires politiques internationales, ses activités philanthropiques et ses efforts pour promouvoir la paix. Il a longtemps agi en tant qu'ambassadeur officieux de son pays à l'étranger.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com