Le monde a été surpris le 7 novembre par la déclaration de l'ancien président américain Barack Obama lors d'une interview accordée à l'émission Pod Save America à propos de la guerre à Gaza: «Nous devons admettre que personne n'a les mains propres dans ce qui se passe (entre le Hamas et Israël) et que nous sommes tous complices dans une certaine mesure.»
Cette déclaration a coïncidé avec une autre surprise: un groupe de membres du Congrès américain a adressé une lettre au secrétaire d'État américain, Antony Blinken – bien qu'ils soutiennent le droit d'Israël à la «légitime défense» – soulignant l'importance de l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza et l'engagement du gouvernement israélien à respecter les lois internationales dans ses opérations militaires afin d'éviter de nouvelles violences et d'ouvrir la voie à des efforts diplomatiques intensifs pour parvenir à une paix durable.
Les bonnes positions sont porteuses d'espoir, mais si l'on considère la réalité sur le terrain, elles ne sont que des paroles en l'air, dépourvues d'action. Le dicton américain «talk is cheap» (il est facile de parler) peut servir de titre temporaire à la crise de violence non conventionnelle dont nous sommes témoins.
En réalité, «les actes parlent plus fort que les mots». Les positions de l'Occident et des États-Unis sont sans appel, et leur parti pris absolu pour Israël s'affiche sans honte et sans hésitation.
Une semaine après le déluge d'Al-Aqsa du Hamas, le 7 octobre, les États-Unis ont envoyé deux des porte-avions les plus grands et les plus puissants du monde, l'USS Gerald R. Ford et l'USS Dwight D. Eisenhower, pour fournir une assistance à leur premier allié, comme l'a décrit l'agence Associated Press. Ils ont été rejoints le 6 novembre par un sous-marin à propulsion nucléaire de classe Ohio, capable de transporter des ogives nucléaires, comme l'a annoncé le commandement central américain sur les médias sociaux.
Ces mesures ont été suivies d'un soutien sans précédent de l'Occident à Israël. Les images de la vidéo du Premier ministre britannique, Rishi Sunak, arrivant en Israël à bord d'un avion militaire transportant des armes et du matériel de soutien sont présentes dans nos mémoires.
Quarante jours après le début du génocide mené par Israël contre les Palestiniens, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a confirmé, lors de sa récente visite à Tel-Aviv mardi, que son pays «n'a qu'une seule place, dans les moments difficiles que traverse l'État juif, et c'est aux côtés d'Israël».
Nous assistons à une guerre de dualité sans précédent. Elle indique même l'ampleur du fanatisme caché de certains Occidentaux à l'égard des Arabes et des musulmans, un modèle traditionnel pour gagner des voix, et même une stratégie optionnelle aux États-Unis, employée par Donald Trump, le candidat républicain Ron DeSantis et d'autres. Ils menacent d'empêcher les Arabes et les musulmans d'intégrer les universités et de leur interdire l'accès aux États-Unis.
La situation sécuritaire en Palestine ne se stabilisera pas tant que son peuple ne pourra vivre dans la dignité, l'indépendance et la sécurité.
Khalaf Ahmad al-Habtoor
Quant aux Européens, ils ne sont pas moins obstinés, puisque plusieurs footballeurs européens d'origine arabe font face à des vagues de persécution pour leur sympathie à l'égard du peuple palestinien. L'équipe allemande de Mayence a résilié le contrat de son joueur Anwar el-Ghazi en raison de son soutien au peuple de Gaza. En France, des hommes politiques ont demandé que Karim Benzema soit déchu de son Ballon d'Or et de sa nationalité française. Où est la liberté d'expression que les Européens et les Américains défendent? L'Occident, qui sanctifie ce droit, ne croit-il pas que les actions de ses gouvernements relèvent désormais du «deux poids, deux mesures»?
La catastrophe humanitaire dont nous sommes les témoins quotidiens en Palestine aggrave la douleur de ces positions en Occident. En outre, de nombreuses villes et capitales sont le théâtre d'importantes manifestations électorales contre les politiques de leurs gouvernements et leur soutien absolu aux actions du gouvernement israélien. L'argument de la «légitime défense» que les parties de la communauté internationale utilisent pour soutenir Israël s'applique-t-il également dans ce cas?
Le discours du ministre israélien du Patrimoine, Amichai Eliyahou, dans lequel il a déclaré qu'une frappe nucléaire sur Gaza était une «possibilité», a été largement condamné par le monde. Toutefois, M. Eliyahou n'aurait pas fait ces déclarations extrémistes et brutales s'il n'avait pas eu confiance dans le gigantesque soutien occidental apporté à son pays jusqu'à ce jour.
Quel est le secret du «soutien absolu» de l'Europe et des États-Unis à Israël? Sont-ils touchés par la culpabilité historique? La guerre que le gouvernement israélien mène contre le peuple palestinien à Gaza est sans doute aussi brutale que celle menée par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale, et elle se déroule sous le regard et l'étrange silence de l'Occident. Le chancelier Scholz a expliqué la position de son pays en déclarant que «l'histoire de l'Allemagne et sa responsabilité dans l'Holocauste nous obligent à contribuer au maintien de la sécurité et de l'existence d'Israël». Mais les Palestiniens doivent-ils continuer à payer le prix de ces péchés?
Nous savons qu'Israël est le premier allié des États-Unis et de l'Occident et le protecteur de leurs intérêts dans la région, et nous constatons chaque jour que le monde se mobilise contre tout ce qui menace la sécurité d'Israël. Mais personne ne nie l'existence de l'État israélien. Les efforts s'intensifient chaque jour pour vivre en paix avec l'existence d'Israël. Les Palestiniens, grands perdants de cette région, se voient-ils interdire de jouir d'une sécurité et d'une stabilité dans un État doté d'une entité indépendante?
À l'ONU, 139 des 193 États membres ont reconnu les territoires palestiniens comme un État palestinien, tandis que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont refusé de reconnaître un État palestinien pacifique tant que le conflit avec Israël n'est pas résolu. Peut-on traiter pacifiquement entre les deux entités avec cette énorme différence de pouvoir?
La situation sécuritaire en Palestine ne se stabilisera pas tant que son peuple ne pourra vivre dans la dignité, l'indépendance et la sécurité, et tant que son pouvoir de décision lui sera retiré. Il se bat contre un géant qu’il ne peut pas forcer à écouter ses demandes.
Face à ce déséquilibre entre les parties, les États-Unis et l'Occident sont tenus de mettre fin à cette effusion de sang qui a fait des dizaines de milliers de morts. Ils doivent superviser les élections palestiniennes qui aboutiront à un gouvernement d'hommes honnêtes et patriotes, capables de négocier avec Israël et de parvenir à une paix durable.
Khalaf Ahmad al-Habtoor est un homme d'affaires et une personnalité publique de premier plan des Émirats arabes unis. Il est connu pour ses opinions sur les affaires politiques internationales, ses activités philanthropiques et ses efforts pour promouvoir la paix. Il joue depuis longtemps le rôle d'ambassadeur officieux de son pays à l'étranger.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com