S’il y a une saga qui occupe autant les responsables que les citoyens français en cette période estivale, c’est bien la saga des masques.
Elle s’égrène par épisodes depuis des mois, renforçant à chaque péripétie la suspicion à l’égard du pouvoir et de sa gestion de la pandémie du Covid-19.
Considérés comme inutiles au tout début, les masques s’avèrent être aujourd’hui nécessaires et même obligatoires dans les lieux publics, y compris des lieux publics ouverts comme les parcs et les quartiers animés des villes françaises, dont la capitale, Paris.
Cette contrainte imposée par le biais d’arrêtés préfectoraux suscite l’opposition de nombreux Français et alimente différentes thèses complotistes. Comment en est-on arrivé là ?
Durant le mois de février, le virus entamait sa progression en France au milieu de l’incrédulité de certains Français et de l’anxiété des autres qui ont pris d’assaut les pharmacies à la recherche de masques. Le raisonnement de ces derniers est simple : puisque le virus se propage dans l’air, le masque peut donc protéger de la contamination.
Les pharmaciens sont pris au dépourvu car ils n’ont pas de stock de masques. Pire encore, ils n’ont pas de masques tout court. Les rares boîtes de masques qu’ils réussissent à obtenir chez certains fournisseurs doivent être strictement destinées aux médecins et au personnel soignant.
Face à cette ruée, les responsables politiques et sanitaires multiplient les déclarations affirmant que le port du masque est inutile, voire inefficace, sauf pour le personnel hospitalier. Mais malgré tout, le secrétaire général de la santé, Jérôme Salomon, tout comme d’autres responsables, affirme qu’une pénurie de masques n’est pas à craindre et que les pharmacies ne tarderont pas à être approvisionnées.
La fiabilité de ces assertions s’est vite effritée, la réserve d’un milliard de masques qui constituait un stock de précaution n’ayant pas été renouvelée par les différents gouvernements depuis le mandat de l’ancien président de la République François Hollande.
La négligence ajoutée à la lourdeur administrative a fait que la réserve de masques en France se limitait à peu près à 140 millions d’unités, une quantité dérisoire par rapport aux besoins réels.
Les hôpitaux saturés par le nombre croissant des cas de Covid-19 dès le mois de mars avaient besoin de 40 millions de masques par semaine.
Face à cette pénurie, il a fallu avoir recours à un pont aérien qualifié d’inédit depuis la Chine, qui a permis à la France fin juin la reconstitution d’un stock de 2 milliards de masques.
Pendant ce temps, les autorités, dont le ministre de la Santé Olivier Véran, étaient catégoriques : « Rendre obligatoire le masque là où on nous dit que ça ne l’est pas serait excessif ». Il suffisait de respecter les gestes barrières et la distanciation sociale pour se protéger du virus, toute mesure supplémentaire étant donc superflue.
La négligence ajoutée à la lourdeur administrative a fait que la réserve de masques en France se limitait à peu près à 140 millions d’unités, une quantité dérisoire par rapport aux besoins réels.
Les hôpitaux saturés par le nombre croissant des cas de Covid-19 dès le mois de mars avaient besoin de 40 millions de masques par semaine.
Ces propos tenus alors que le nombre des victimes augmentait quotidiennement étaient loin de calmer l’inquiétude croissante. De nombreux français se sont tournés vers Internet pour se fournir en masques à prix d’or alors que d’autres ont adopté les masques en tissus fabriqués artisanalement par de petites mains en France.
Chacun se protégeait de son mieux en se posant mille et une questions lancinantes : ils ne nous disent pas tout, ils nous cachent des choses, pourquoi nous affirmer que les masques sont inutiles alors qu’en réalité il n’y en avait pas… Certains sont mêmes allés jusqu’à élaborer des scénarios farfelus avançant par exemple que la propagation du virus est une machination des laboratoires pharmaceutiques qui veulent faire de nous tous des cobayes.
Dans ce climat de défiance et de doute, le changement de la position officielle concernant les masques était loin de calmer le jeu.
Après la levée du confinement imposé du 17 mars au 11 mai, le port du masque était vivement recommandé pour les personnes à risque et dans les endroits clos comme les enseignes commerciales ou les moyens de transport.
Cette recommandation s’est vite transformée en obligation et le même Olivier Véran qui au début fustigeait le masque incitait fin juillet au port du masque dans les lieux où il est difficile de garder la distance sociale.
L’ultime péripétie est intervenue récemment avec la décision de rendre obligatoire le port du masque dans une grande partie des espaces publics ouverts. Cette mesure a été prise à la suite de signaux alarmants concernant une possible seconde vague de Covid-19 à l’automne prochain. Son objectif est selon le Premier ministre Jean Castex de « nous protéger du virus sans faire arrêter la vie économique et sociale », comme lors du confinement printanier.
Il s’avère donc que le masque réduit les risques de contamination contrairement à tout ce qui était dit auparavant et aux propos qualifiant le port du masque de superflu.
De couacs en cafouillages, ainsi va la vie en France depuis la pandémie, soulevant au passage de la colère, parfois des sarcasmes et dans certains cas la désobéissance et le refus d’obtempérer.
Si le port du masque protège, l’Etat nous a donc exposés volontairement au risque de contamination et des vies auraient pu être épargnées si le stock de précaution avait été renouvelé. Cette hypothèse relayée par certains est développée par d’autres : et si demain ils décident d’imposer les masques dans les appartements familiaux ou même aux personnes habitants seules ?
D’autres ont affiché leur volonté de refuser le port du masque, mais l’amende de 135 euros qui leur en coûtera dans les prochains jours viendra à bout de leur résistance.
Il est vrai que les revirements successifs concernant les masques ont déstabilisé les Français, mais au fait que sait-on exactement de ce virus ? Chaque jour qui passe apporte son nouveau lot d’informations concernant son mode de propagation et sur les lésions qu’il provoque chez les personnes contaminées.
Il semble donc évident que les responsables politiques, les responsables sanitaires apprennent à connaître le virus et à le traiter sur le tas, et en l’absence de connaissances et de certitudes fiables, il est normal que le doute et la crainte s’installent.