Tunisie: Kaïs Saïed, un président «atypique»

Le président tunisien Kais Saied donne une conférence sur le droit constitutionnel lors d'une visite d'État au Qatar, dans le cadre d'un événement organisé par l'université Lusail. Les autorités tunisiennes ont ouvert une enquête après l'interception d'une lettre suspecte destinée au président tunisien Kais Saied, ont déclaré des sources proches de la présidence. (Karim JAAFAR / AFP)
Le président tunisien Kais Saied donne une conférence sur le droit constitutionnel lors d'une visite d'État au Qatar, dans le cadre d'un événement organisé par l'université Lusail. Les autorités tunisiennes ont ouvert une enquête après l'interception d'une lettre suspecte destinée au président tunisien Kais Saied, ont déclaré des sources proches de la présidence. (Karim JAAFAR / AFP)
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Publié le Jeudi 11 février 2021

Tunisie: Kaïs Saïed, un président «atypique»

  • «J’ai le sentiment parfois que je viens d’une autre planète.» C’est Kaïs Saïed qui parle et il ne croit pas si bien dire
  • Kaïs Saïed s’est distingué durant la première année de son mandat par un comportement en décalage total avec celui d’un président «normal»

TUNIS: Son comportement atypique a valu au locataire du palais de Carthage d’être traité par certains de «malade mental». Accusation que réfute un psychiatre de ses amis. Cependant, le vainqueur de la présidentielle de 2019 ne fait rien comme ses prédécesseurs. 

«J’ai le sentiment parfois que je viens d’une autre planète.» C’est Kaïs Saïed qui parle et il ne croit pas si bien dire. Bon nombre de ses concitoyens sont désormais convaincus que leur président est «atypique». Il ne fait rien comme ses prédécesseurs. Au bout de sa première année de présidence, il est assuré d’occuper une place à part dans la galerie des locataires du palais de Carthage. 

Le contraste est particulièrement saisissant avec son prédécesseur, feu Béji Caïd Essebsi, que les Tunisiens aimaient à désigner d’un affectueux «BCE». Dans le cœur de métier d’un président, il y a d’abord la politique. 

Outre qu’ils appartiennent à deux sphères idéologiques aux antipodes l’une de l’autre, Essebsi se présentait comme le disciple et digne héritier du premier président de la république tunisienne, Habib Bourguiba, qui modernisa et bâtit la Tunisie.

Même s’il ne le clame pas sur les toits, l’actuel président est un disciple de Mouammar Kadhafi dont il veut calquer le modèle de Jamahiriya («État des masses») où le peuple pratique la démocratie directe. 

Béji Caïd Essebsi était un virtuose de la politique, même s’il lui est arrivé de commettre des erreurs. Kaïs Saïed est un novice et cela s’est clairement  vu durant la première année de son mandat. Les deux hommes ont toutefois commis la même gaffe, celle de réussir le tour de force de jeter dans les bras de leur pire adversaire, le mouvement islamiste Ennahdha, les deux chefs de gouvernement à qui ils ont mis le pied à l’étrier: Youssef Chahed (2016-2019) et Hichem Mechichi, en poste depuis septembre 2020.

Le décalage entre Essebsi et Kaïs Saïed est au moins tout aussi grand – voire abyssal – dans ce qui constitue le principal outil de travail d’un homme politique et a fortiori d’un chef d’État : la communication. BCE était un charmeur au verbe haut et à l’impressionnant sens de la répartie. Bref, c’était une bête de scène, il était passé maître dans l’art de tenir son auditoire en haleine, en usant notamment d’anecdotes et de formules dont les Tunisiens se délectaient. 

À l’inverse, quand il parle, Kaïs Saïed ennuie à mourir. Durant ses discours, il n’est pas rare de tomber sur des invitations à venir à l’essentiel sur la page Facebook de la présidence. 

Pour toutes ces raisons, parmi d’autres, la présidence a été – presque – un jeu d’enfants pour Béji Caïd Essebsi et un exercice très mal maîtrisé et un trop lourd fardeau pour M. Saïed. C’est particulièrement vrai lors des rendez-vous bilatéraux ou internationaux. 

Les Tunisiens se rappellent avec délectation les prestations d’un Béji Caïd Essebsi traitant d’égal à égal avec les grands de ce monde lors de sommets internationaux, et plus particulièrement lors du sommet du Groupe des huit (G8) de Deauville en mai 2011, auquel il avait assisté lorsqu’il était Premier ministre. Une aisance que Kaïs Saïed est loin de posséder.

En plus de ces lacunes, Kaïs Saïed s’est distingué durant la première année de son mandat par un comportement en décalage total avec celui d’un président «normal», si l’on se réfère notamment à la Constitution tunisienne de 2014. Dans son article 72, cette dernière fait du président le symbole de l’unité de l’État, donc du pays. Ce qui impose à Kaïs Saïed de se tenir au-dessus de la mêlée politique. Lui a choisi, au contraire, de s’y engager à fond, endossant la double casquette de chef de l’État et d’opposant suprême à l’establishment politique. 

Exemples édifiants d'un positionnement antisystème

Au lieu d’un point de ralliement des Tunisiens, il a fait de la présidence «une rampe de lancement de missiles» – Kaïs Saïed a lui-même utilisé cette expression – en direction de ses adversaires, en l’occurrence les trois partis de la coalition soutenant l’actuel gouvernement (Ennahdha, Coalition de la dignité et Qalb Tounes («Cœur de la Tunisie»). 

M. Saïed pousse sa logique et son positionnement antisystème jusqu’à en ignorer complètement le protocole, les us et coutumes. En voici deux exemples édifiants.

Alors que son prédécesseur ne s’est jamais permis d’humilier en public ses ennemis – dont l’ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui s’était retourné contre lui, et le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi –, Kaïs Saïed, lui, ne s’en prive pas. 

En février 2020, il a osé adopter face au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, la posture du professeur face à l’élève pour lui expliquer, en réaction aux ingérences de ce dernier dans la diplomatie (son domaine réservé), que c’était lui le président. En septembre de la même année, il a réprimandé le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, parce qu’il envisageait de nommer, comme conseillers, d’anciens ministres de Ben Ali. Dans les deux cas, la présidence de la république a diffusé des extraits des enregistrements vidéo des deux rencontres.

Ce comportement atypique a valu au locataire du palais de Carthage d’être traité par certains de «malade mental». Pour Lotfi Mraïhi, médecin et ancien candidat à la présidentielle de 2019 qui s’est rallié à Kaïs Saïed entre les deux tours, l’actuel président est «un psychopathe». Ce que réfute le Dr Sofiane Zribi, psychiatre et, affirme-t-il, ami du chef de l’État depuis vingt-cinq ans. 

M. Saïed a toutefois un point commun avec Béji Caïd Essebsi: l’appétit du pouvoir. Tout comme le premier président démocratiquement élu au suffrage universel, l’actuel titulaire du poste se sent à l’étroit dans le costume taillé par la nouvelle Constitution de 2014. Laquelle a instauré un régime parlementaire dans lequel le président a peu de pouvoir, faisant du chef du gouvernement le chef de l’exécutif. Tout comme BCE, Kaïs Saïed veut devenir un président «augmenté». 


L'envoyé spécial de l'ONU au Yémen rencontre des responsables houthis à Oman

L'envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, Hans Grundberg, a rencontré des responsables des rebelles houthis jeudi à Oman pour discuter de "la nécessité de stabiliser la situation" dans ce pays de la péninsule arabique en guerre depuis 2014. (AFP)
L'envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, Hans Grundberg, a rencontré des responsables des rebelles houthis jeudi à Oman pour discuter de "la nécessité de stabiliser la situation" dans ce pays de la péninsule arabique en guerre depuis 2014. (AFP)
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  • Les discussions étaient centrées "sur la nécessité de stabiliser la situation au Yémen pour permettre à tous les Yéménites de vivre dans la dignité et la prospérité, et répondre aux inquiétudes légitimes de toutes les parties"
  • Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, les Houthis - qui font partie de "l'axe de résistance" contre Israël piloté par Téhéran - ont multiplié les attaques de missiles contre Israël

MASCATE: L'envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, Hans Grundberg, a rencontré des responsables des rebelles houthis jeudi à Oman pour discuter de "la nécessité de stabiliser la situation" dans ce pays de la péninsule arabique en guerre depuis 2014.

Dans un communiqué sur X, les services de M. Grundberg ont indiqué qu'il "avait rencontré ce jour (jeudi) à Mascate des haut responsables omanais, des membres de la direction d'Ansar Allah (nom officiel des Houthis, NDLR) et des représentants de la communauté diplomatique".

Les discussions étaient centrées "sur la nécessité de stabiliser la situation au Yémen pour permettre à tous les Yéménites de vivre dans la dignité et la prospérité, et répondre aux inquiétudes légitimes de toutes les parties, dont la région et la communauté internationale", indique le communiqué.

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, les Houthis - qui font partie de "l'axe de résistance" contre Israël piloté par Téhéran - ont multiplié les attaques de missiles contre Israël, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens.

Ils mènent aussi des attaques contre des navires accusés de liens avec Israël en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, perturbant le trafic international en mer.

Depuis le 15 mars, les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont lancé contre eux une campagne de bombardements, avec des raids quasi quotidiens, au lourd bilan humain selon les Houthis.

Les entretiens de l'envoyé spécial à Mascate interviennent deux jours avant un troisième cycle de pourparlers indirects entre les Etats-Unis et l'Iran sur le nucléaire iranien.

M. Grundberg a également réitéré la demande de l'ONU d'"une libération immédiate et sans condition des personnels diplomatiques ou appartenant aux Nations unies, à des ONG et à la société civile détenus au Yémen".

Au moins de juin 2024, les Houthis détenaient 13 employés de l'ONU, dont six du bureau des droits de l'Homme, plus de 50 membres d'ONG et un employé d'une ambassade.

Les rebelles les ont accusés de faire partie d'"un réseau d'espions américano-israéliens" opérant sous couvert d'action humanitaire, des allégations rejetées par le Haut-commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU.


Gaza: 55 morts dans des frappes, Israël menace d'une offensive «plus vaste»

Plus tôt jeudi, l'armée a appelé les habitants des localités de Beit Hanoun et de Cheikh Zayed, dans le nord de la bande de Gaza, à évacuer avant "une frappe puissante", ciblant une zone accusée d'abriter "des opérations de snipers et des activités terroristes". (AFP)
Plus tôt jeudi, l'armée a appelé les habitants des localités de Beit Hanoun et de Cheikh Zayed, dans le nord de la bande de Gaza, à évacuer avant "une frappe puissante", ciblant une zone accusée d'abriter "des opérations de snipers et des activités terroristes". (AFP)
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  • Plus tôt jeudi, l'armée a appelé les habitants des localités de Beit Hanoun et de Cheikh Zayed, dans le nord de la bande de Gaza, à évacuer avant "une frappe puissante"
  • La Défense civile et des sources hospitalières palestiniennes ont fait état de leur côté de 55 morts depuis le début de la journée

GAZA: Israël a menacé jeudi de lancer une offensive "plus vaste" à Gaza si les otages n'étaient pas libérés du territoire palestinien, où au moins 55 personnes, dont des enfants, ont été tuées dans des bombardements israéliens, selon des sources palestiniennes.

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

"Si nous ne constatons pas de progrès dans le retour des otages dans un avenir proche, nous étendrons nos activités à une opération plus vaste", a dit le lieutenant général Eyal Zamir lors d'une visite aux troupes israéliennes dans le territoire assiégé.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas en Israël, lors de laquelle plus de 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza.

Plus tôt jeudi, l'armée a appelé les habitants des localités de Beit Hanoun et de Cheikh Zayed, dans le nord de la bande de Gaza, à évacuer avant "une frappe puissante", ciblant une zone accusée d'abriter "des opérations de snipers et des activités terroristes".

La Défense civile et des sources hospitalières palestiniennes ont fait état de leur côté de 55 morts depuis le début de la journée.

L'hôpital indonésien à Jabalia a dit avoir reçu les corps de neuf victimes après une frappe sur un commissariat de police de cette ville du nord.

"Chaque jour, la mort" 

L'armée israélienne a confirmé avoir frappé dans le secteur, précisant qu'elle ciblait "des terroristes opérant dans un centre de commandement et de contrôle du Hamas et du Jihad islamique", un groupe allié.

"Le bombardement était extrêmement intense et a secoué toute la zone", a expliqué un témoin, Abdel Qader Sabah, à l'AFP. "Tout le monde s'est mis à courir et à crier".

Un autre bombardement sur une maison du nord de la ville de Gaza (nord) a tué une famille de six personnes, un couple et ses quatre enfants, a indiqué la Défense civile.

"La destruction n'épargne personne", s'est lamenté le cousin du père de famille, Nidal al-Sarafiti, auprès de l'AFP.

Plusieurs autres frappes ont tué au moins 40 personnes ailleurs, dont 12 dans une maison familiale à Jabalia.

Des images de l'AFP tournées dans une maison touchée à Khan Younès (sud) montrent des personnes éteignant les flammes et d'autres inspectant des décombres à la lumière de torches.

"On était assis en paix quand le missile est tombé", a déclaré un témoin, Mohammed Faris.

Des corps gisaient au sol, dont une jeune femme et un garçon, dans des housses mortuaires, entourés de proches en pleurs, embrassant et caressant leurs visages.

"Ses enfants et elle ont été tués et réduits en morceaux", se lamente Rania al-Jumla, en évoquant sa soeur tuée dans le bombardement. "On n'en peut plus. Chaque jour, c'est la mort".

"Excuses officielles" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 1.978 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars.

Ce bilan porte à 51.355 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de l'offensive israélienne lancée en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023.

Cette attaque a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes alors enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

Jeudi, l'armée israélienne a annoncé qu'un employé --bulgare-- de l'ONU tué le mois dernier dans le territoire palestinien avait été victime d'un tir d'un de ses chars, selon des conclusions provisoires d'une enquête interne.

Elle a dit "regretter cet incident grave".

"Le bâtiment a été visé en raison d'une présence ennemie présumée et n'a pas été identifié par les forces comme une installation de l'ONU", a-t-elle indiqué dans un communiqué.

La Bulgarie a dit avoir "reçu des excuses officielles" d'Israël.

Le 19 mars, l'ONU avait annoncé la mort d'un employé dans une explosion d'un bâtiment du Bureau de l'ONU pour les services d'appui au projet (Unops) à Deir el-Balah (centre).

L'armée israélienne avait initialement rejeté toute responsabilité.

La situation humanitaire est particulièrement dramatique à Gaza depuis qu'Israël a fermé le 2 mars les points de passage pour l'aide humanitaire, accusant le Hamas de la détourner.

Sur les marchés improvisés, les Gazaouis ne trouvent plus beaucoup de nourriture, les stocks de farine s'épuisent, alors que les organisations humanitaires opérant dans le territoire manquent de tout.

 


Le Liban réforme le secret bancaire, une mesure clé pour ses bailleurs

Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
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  • Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays
  • Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans

BEYROUTH: Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays, plongé dans une grave crise économique, par les bailleurs internationaux, dont le FMI.

Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans, couvrant donc le début de la crise économique lorsque les banquiers ont été accusés d'aider des personnalités à transférer des fonds importants à l'étranger.

Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a salué une "étape indispensable vers la réforme financière" que son gouvernement a promis de réaliser et un "pilier essentiel d'un plan de reconstruction".

Cette mesure, a-t-il ajouté, est "fondamentale pour restaurer les droits des déposants et la confiance des citoyens et de la communauté internationale". Il a mis en avant que l'opacité financière, prévalant de longue date au Liban, n'était plus aussi attractive pour les investisseurs qu'elle avait pu l'être.

"Il ne faut pas croire qu'avec cette loi, n'importe qui va entrer dans une banque et demander des détails sur un compte", a tempéré le ministre des Finances, Yassine Jaber, en déplacement à Washington avec son collègue de l'Economie, Amer Bisat, et le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid.

Ces responsables doivent se rendre à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI).

Le Liban a longtemps été une plaque-tournante financière régionale, dont la législation stricte sur le secret bancaire était perçue comme un atout, jusqu'à la profonde crise économique et financière qui a éclaté en 2019 et terni sa réputation.

Depuis, les autorités sont sous pression, interne et internationale, pour réformer une législation accusée d'avoir permis une fuite de capitaux au déclenchement de la crise, alors que les simples déposants étaient privés de leur épargne et que la valeur de la monnaie locale plongeait.

- Loi rétroactive sur dix ans -

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les changements votés jeudi autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations sans raison particulière".

Ces organismes pourront avoir accès à des informations comme le nom des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars et aider à la relance de l'économie libanaise, dont les maux sont imputés à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a besoin de fonds pour la reconstruction.

M. Salam a souligné que la réforme "ouvrait une page nouvelle" dans la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption et le blanchiment.

Le ministre des Finances a relevé que la Banque centrale aura "plus de marge de manoeuvre" pour accéder à certains comptes.

Selon Alain Aoun, membre de la commission des finances du Parlement, une première réforme en 2022 avait été jugée insuffisante par le FMI. Les organismes de contrôle pourront désormais demander "l'information qu'ils veulent", a-t-il dit à l'AFP.

En avril 2022, le Liban et le FMI avaient conclu un accord sous conditions pour un prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord, et le nouveau gouvernement libanais a promis d'autres réformes. Il doit prochainement soumettre au Parlement un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.

Mercredi, le gouvernement a aussi signé un accord de 250 millions de dollars avec la Banque mondiale pour relancer son secteur électrique en déshérence, qui prive régulièrement les Libanais de courant.