Si un compteur nous permettrait de mesurer le degré de contentement au 10 Downing Street, à Londres, sur une échelle de 1 à 10, je vous assure qu'il enregistrerait près de 15 points, le jour où le Premier ministre Boris Johnson est devenu le premier responsable au monde, au-delà de l'Amérique, à recevoir un appel téléphonique du nouveau président américain Joe Biden. Cet appel est venu pulvériser, très tôt, deux mythes: l'héritage irlandais de M. Biden – ainsi les remarques irréfléchies, que M. Johnson avait prononcées quelques années auparavant, auraient placé le président américain en position défavorable vis-à-vis du Royaume-Uni et de son dirigeant – et la décision du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne l'aurait rendu moins pertinent pour la politique américaine et mondiale.
Certes, ces pays se réjouissent de ce nouveau départ, aussi précoce et bénéfique pour chacun d'entre eux. Néanmoins, pour diverses considérations, les États-Unis et le Royaume-Uni ont entamé l'année avec des problèmes liés à leur réputation et qu'il convenait de régler. Après les quatre années traumatisantes passées sous la direction de Donald Trump, les États-Unis sont perçus sous un angle bien différent. En effet, le monde a évolué, et la prise d'assaut du Capitole suggère que les États-Unis ont, eux aussi, changé, sans pour autant pouvoir déterminer avec certitude la direction qu'ils prendront. Ainsi, rétablir leurs relations, en particulier avec leurs anciens alliés, représente une démarche cruciale pour relever les défis se profilant à l'horizon.
Le Brexit a soulevé des questions sur la sagesse du Royaume-Uni qui a décidé de se détacher de l'Union européenne, poursuivant ainsi sa quête constante d'un rôle post-empire. Il est donc très important de reconnaître la portée exceptionnelle que le Royaume-Uni a acquise grâce à cet appel téléphonique anticipé. Cette action laisse entrevoir que les Etats-Unis reconnaissent l'importance stratégique du Royaume-Uni – surtout que ce dernier préside ce mois-ci le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) et qu'il accueillera plus tard cette année le sommet du G7 et de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26) – tout en conservant une alliance institutionnelle en matière de renseignement et de défense où les Etats-Unis figurent au premier rang. Dans ce monde qui a cruellement besoin de signes de convergence, un clivage inutile entre Washington et Londres aurait été inopportun.
Mais quelle différence cette alliance et cette relation peuvent-elles réellement apporter ? Le programme de la présidence britannique du Conseil de sécurité des Nations unies, qui vient d'être publié, ainsi que le premier discours de Joe Biden sur la politique étrangère qui a suivi, fournissent quelques indices à ce sujet. Ces deux discours font ressortir les points qui sont non seulement jugés prioritaires au niveau national, mais également les domaines dans lesquels une action internationale concertée permettra de sauver le monde des catastrophes et des perturbations qui pourraient survenir. Les deux discours présentent une symétrie opportune, et le Royaume-Uni a pu constater qu'il pouvait éventuellement exercer une influence sur certaines causes communes.
Le premier point concerne le changement climatique, et il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette question pour les deux dirigeants. Je suppose que M. Biden considère que cette question présente une véritable dette léguée à son administration. Il ne s'agit pas uniquement de pallier à l'échec de M. Trump, mais de favoriser une économie américaine verte et revitalisée, à travers des changements radicaux. La comédie musicale « Hamilton » nous rappelle que « les empires tombent », mais aussi que « les océans augmentent » et que la planète ne nous accordera pas une nouvelle chance. M. Johnson partage ce sentiment et s'est fait, depuis longtemps, le champion de l'environnement et de la vie sauvage. D’ailleurs, il a hérité de la Conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques (COP26). Les deux événements figureraient en effet parmi les évènements vedettes de l’année. De son côté, le Moyen-Orient peut se féliciter de cet élan, dans la mesure où l'attention portée aux énergies renouvelables, à la durabilité et aux nouvelles technologies dans certains pays, font de lui un partenaire incontournable.
Le deuxième point à l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies (UNSC) dirigé par le Royaume-Uni concerne la pandémie du coronavirus (Covid-19) et laisse entrevoir des possibilités d'action conjointe. Les problématiques urgentes qui se posent cette année concernent la nécessité de lutter contre le nationalisme vaccinal et la non-livraison des vaccins aux pays pauvres. Les États-Unis, qui ont rejoint l’action multilatérale, doivent appuyer le rôle de premier plan que joue le Royaume-Uni en tant que donateur majeur dans le domaine de la santé mondiale durable, par l'intermédiaire des programmes Covax et Gavi. Par ailleurs, il n'est pas trop tard pour répondre à l'appel lancé par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour faire de la Covid-19 un pont reliant les nations, pour mettre un terme aux conflits du Moyen-Orient et pour que les pays de la région, confrontés aux maladies transfrontalières, travaillent de concert, ne serait-ce que parce que le virus de mon voisin risque de me tuer. Ceux qui tendent la main pour aider les autres ne seront pas oubliés.
Les défis mondiaux ne manquent pas. Le Royaume-Uni sera au cœur de la machine diplomatique et tracera la voie que le monde devra suivre après la Covid-19. Rapprocher les personnes aux opinions convergentes et affronter les réticents et les sceptiques constitue désormais une tâche plus facile et plus fructueuse, maintenant que « l'Amérique est de retour ».
Alistair Burt
Le troisième point concerne la politique du Moyen-Orient. En effet, ce sujet a été évoqué dans le discours du président Biden, et figure également en tête de l'ordre du jour des Nations unies sous l'égide du Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne la Syrie, l'Irak et le Yémen. Ces problématiques permettent de mesurer tôt la performance de la nouvelle équipe Biden, qui a hérité d’une grande expérience, en comparaison avec l'administration précédente. L'administration Biden pourra donc prouver qu'elle est consciente que le monde qu'elle rejoint n'est plus celui de 2016. Leur désir de s'impliquer sera examiné de près. A mon avis, le Royaume-Uni souhaitera encourager les Etats-Unis à mener des négociations clairvoyantes au sujet de l'Iran, tout en tenant compte des intérêts des partenaires arabes et d'Israël. Toutefois, il sera sans doute favorable à une nouvelle approche réaliste entre Israël et la Palestine, à la lumière des changements survenus dans la région et dans le monde.
Les défis mondiaux ne manquent pas. Le Royaume-Uni sera au cœur de la machine diplomatique et tracera la voie que le monde devra suivre après la Covid-19. Rapprocher les personnes aux opinions convergentes et affronter les réticents et les sceptiques constitue désormais une tâche plus facile et plus fructueuse, maintenant que « l'Amérique est de retour ».
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du Foreign and Commonwealth Office – sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013, et ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019. Twitter : @AlistairBurtUK
NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est une traduction d’un article paru sur Arabnews.com