Le possible retour US à l'accord nucléaire iranien met Israël sur le pied de guerre

Intérieur de l'installation de conversion d'uranium de Fordo à Qom, en Iran. (Archive/AFP)
Intérieur de l'installation de conversion d'uranium de Fordo à Qom, en Iran. (Archive/AFP)
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Publié le Jeudi 04 février 2021

Le possible retour US à l'accord nucléaire iranien met Israël sur le pied de guerre

Le possible retour US à l'accord nucléaire iranien met Israël sur le pied de guerre
  • Si les échanges houleux entre le régime iranien et Israël dans le passé peuvent être analysés comme des postures politiques, les dernières tensions doivent être prises au sérieux
  • La préoccupation profonde d’Israël vient de l’intention exprimée par l’administration américaine Biden de revenir au Plan global d’action conjoint

Si les échanges houleux entre le régime iranien et Israël dans le passé peuvent être analysés comme des postures politiques, les dernières tensions doivent être prises au sérieux.

Le chef militaire israélien, le lieutenant général Aviv Kokhavi, a mis en garde contre le fait de frapper le régime de Téhéran, en raison de la menace nucléaire. Il a déclaré: «J'ai demandé à l'armée de préparer un certain nombre de programmes opérationnels, en plus de ceux qui existent déjà. Nous prenons en charge ces programmes et nous les développerons au cours de l'année à venir. Bien sûr, c’est au gouvernement qu’il appartiendra de décider s’il faut les utiliser. Mais ces plans doivent exister, être sur la table.»

Le régime iranien a riposté. Le porte-parole des forces armées, le brigadier général Abolfazl Shekarchi, se fait menaçant: «Si la moindre erreur est commise, nous raserons Haïfa et Tel-Aviv dans les plus brefs délais.»

La préoccupation profonde d’Israël vient de l’intention exprimée par l’administration américaine Biden de revenir au Plan global d’action conjoint (JCPOA). Le président Joe Biden a clairement indiqué qu'il souhaitait revenir à l'accord nucléaire de 2015. Il a nommé plusieurs personnes à des postes de haut niveau qui ont été soit impliquées dans les négociations ayant abouti au pacte, soit favorables à sa relance.

Puisque l’Iran connaît la position de Biden, les dirigeants avisés de la République islamique en profitent pour faire pression sur la Maison Blanche afin qu’elle revienne à l’accord le plus rapidement possible. Le porte-parole du gouvernement iranien, Ali Rabiei, s’est exprimé en ces termes: «Les États-Unis ne disposeront pas d’un temps indéfini. Nous attendons l'annonce officielle de leur position, ainsi que la levée des sanctions.»

Du point de vue des dirigeants israéliens, un retour des États-Unis à l’accord nucléaire de 2015 constituerait un coup stratégique et ferait pencher l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient en faveur des clercs au pouvoir en Iran. Il déclencherait en outre une course aux armes nucléaires dans la région. Pour être plus précis, Israël s'inquiète de quatre aspects majeurs de l'accord nucléaire.

Pour les dirigeants israéliens, l’accord, quel qu’il soit, doit mettre un terme définitif et total à la prolifération nucléaire de Téhéran.
Dr Majid Rafizadeh

Premièrement, le régime iranien sera, en fin de compte, en mesure d’acquérir des armes nucléaires grâce aux clauses d’extinction du JCPOA qui fixent une date d’expiration ferme pour les restrictions du programme nucléaire iranien. Après cela, Téhéran pourra faire tourner des centrifugeuses et enrichir l'uranium à n'importe quel niveau souhaité. En d'autres termes, certaines personnes pensent que le pacte nucléaire ouvre en réalité la voie à la République islamique pour devenir un État nucléaire de manière légale.

Pour les dirigeants israéliens, l’accord, quel qu’il soit, doit mettre un terme définitif et total à la prolifération nucléaire de Téhéran et garantir que ce dernier ne puisse jamais acquérir d’arme nucléaire.

La deuxième inquiétude majeure d’Israël repose sur le fait que l’accord sur le nucléaire n’impose pas aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique de surveiller les sites militaires iraniens. Cela signifie que Téhéran peut faire progresser clandestinement son programme nucléaire dans ses installations militaires, tout en faisant semblant de se conformer au JCPOA.

Le Conseil national de la résistance iranienne, groupe d'opposition iranien, a rapporté en 2017 qu'une zone de la base militaire hautement protégée de Partchine était secrètement utilisée afin que soit poursuivi le projet d'armes nucléaires de Téhéran. Le groupe indique: «L'unité chargée de mener des recherches et de construire le déclencheur d’une arme nucléaire s'appelle le “Centre de recherche et d'expansion des technologies sur l’explosion et l'impact”, connu sous son acronyme persan “Metfaz”.»

La troisième préoccupation majeure est la levée des sanctions contre l'Iran, qui suivra le retour des États-Unis à l'accord nucléaire. Les sanctions actuelles contre Téhéran exercent une pression importante sur l'establishment théocratique. Si elles devaient être levées rapidement, l'Iran serait en mesure de rejoindre le système financier mondial en toute légitimité – et des milliards de dollars iraient dans les trésors du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et de ses milices à travers le Moyen-Orient.

Enfin, le programme de missiles balistiques de l’Iran, qui n’est pas couvert par le JCPOA, constitue une menace pour Israël. Les dirigeants iraniens se vantent fréquemment de la capacité et de la portée de leurs missiles, affirmant qu'ils pourraient facilement frapper n'importe quelle partie d'Israël. L'Iran possède l'arsenal de missiles balistiques le plus vaste et le plus diversifié du Moyen-Orient, et aucun autre pays du monde n'a acquis des missiles balistiques à longue portée avant d'obtenir des armes nucléaires. Sa capacité de missiles balistiques constitue l’un des piliers les plus critiques de la politique de sécurité nationale du régime. Ils peuvent être utilisés à des fins offensives ou défensives, mais les missiles sophistiqués sont principalement développés comme vecteurs d’armes nucléaires.

Il est très probable qu'Israël entreprendra une action militaire contre le régime iranien si Biden revenait à l'accord nucléaire de 2015 sans le renégocier. L'administration Biden doit prendre cette question très au sérieux.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com