Bien des médias ont révélé l'existence d'agents et d'espions iraniens au Moyen-Orient et en Europe. Pourtant, les agents de Téhéran aux États-Unis n'ont pas fait l'objet d'une grande attention. Malheureusement, on a longtemps sous-estimé leur rôle dans l'élaboration de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran, la propagande en faveur du régime, la rémunération clandestinement accordée par Téhéran ainsi que le préjudice qu’ils infligent aux intérêts nationaux des États-Unis.
Rien que la semaine dernière, le politologue et auteur Kaveh Lotfolah Afrasiabi a été arrêté à son domicile à Watertown, dans le Massachusetts. Selon le ministère américain de la Justice, il est accusé d'« avoir agi et comploté pour travailler en tant qu'agent non enregistré pour le compte du gouvernement de la République islamique d'Iran, ce qui constitue une violation de la loi dite FARA ou Loi d'enregistrement des agents étrangers ».
Encore plus choquant, M. Afrasiabi, qui réside aux États-Unis depuis près de 35 ans, aurait travaillé pour le régime iranien pendant plus de 13 ans sans être repéré. Son dossier d'accusation indique que le gouvernement iranien lui a versé au moins 265 000 dollars pour la période allant de juillet 2007 à novembre 2020. Selon le Lobbying Disclosure Act (Loi sur la divulgation de lobbying), toute personne rémunérée pour faire du lobbying auprès du gouvernement fédéral américain est tenue de s'enregistrer auprès du secrétaire du Sénat et du greffier de la Chambre américaine des représentants.
En analysant les activités d'Afrasiabi, on pourrait mettre en lumière les méthodes qu'utilisent les agents iraniens aux États-Unis ainsi que dans d'autres pays. Ainsi, il s'est présenté comme un politologue, universitaire et expert indépendant. Il a prétendument écrit une série d'articles et de livres et accordé des interviews télévisées, alors qu'il était guidé et rémunéré par le régime iranien. Ainsi, lorsqu'un fonctionnaire iranien lui a demandé de réviser un article qu'il avait déjà soumis, il se serait plié aux instructions qui lui avaient été transmises. Par ailleurs, il a aidé un membre du Congrès américain à rédiger une lettre adressée à l'ancien président Barack Obama dans laquelle il plaidait en faveur d'un accord que l'Iran souhaitait conclure. Il l'a fait sans pour autant dévoiler ses liens avec son créditeur. On l'accuse également d'avoir tenté de recueillir des informations précieuses à travers un email, adressé à un responsable du Département d'Etat, où il se renseignait sur la « vision » de l'administration américaine au sujet du programme nucléaire iranien.
En effet, la politique américaine à l’égard de Téhéran affecte considérablement le pays à bien des niveaux : l'économie du régime, son aventurisme militaire au Moyen-Orient, son développement de programmes nucléaires et de missiles balistiques, et sa quête d'hégémonie et de prééminence dans la région. De ce fait, on peut affirmer, avec raison, que le régime dispose d'agents qui cherchent à manipuler l'opinion publique américaine et à pousser le gouvernement à adopter certaines politiques qui sont favorables aux religieux au pouvoir.
En outre, les dirigeants iraniens se servent de leurs agents pour faire de la propagande et promouvoir leurs discours : la nécessité de lever les sanctions américaines imposées à Téhéran, les avantages de l'accord nucléaire pour l'Occident et la communauté internationale au sens large, le caractère minime, voire inexistant, des interventions iraniennes dans d'autres pays, les actions militaristes de l'Iran en Syrie et en Irak qui ont pour seul but de protéger ces pays contre les groupes extrémistes, etc.
Une question reste sans réponse : pourquoi les agents iraniens dissimulent-ils leurs connexions avec leur commanditaire ? Est-ce pour échapper aux impôts ? Ou en évitant de dévoiler leurs connexions avec le principal État qui parraine le terrorisme dans le monde, cherchent-ils à garder quelque peu de légitimité et de crédibilité ?
On ne doit pas sous-estimer l'importance du rôle que jouent les agents iraniens aux États-Unis. En 2013, le président du Comité de restructuration des contrats pétroliers iraniens, Mehdi Hosseini, a été interrogé sur les pressions que des entités occidentales auraient exercé sur leurs gouvernements pour le compte de l'Iran, il a répondu : « Oui. C'est déjà arrivé par le passé ». « Ce genre d'efforts « nous aide et nous devons profiter de ces opportunités », a-t-il ajouté.
Le régime emploie des agents qui cherchent à amener le gouvernement américain à adopter certaines politiques qui sont favorables aux religieux au pouvoir.
Dr. Majid Rafizadeh
L'année dernière, les sénateurs républicains Ted Cruz, Tom Cotton et Mike Braun ont invité le ministère de la Justice à enquêter sur le National Iranian American Council (NIAC). Selon les sénateurs, cette entité est un groupe de pression
« susceptible de se livrer à des activités de lobbying et de relations publiques en coordination avec le gouvernement de la République islamique d'Iran ou en son nom ». Le NIAC n'est pas enregistré en tant que groupe de pression et opère apparemment depuis plus de dix ans. L'organisation se présente comme une « organisation non partisane et à but non lucratif qui défend les intérêts de la communauté irano-américaine ». Chose intrigante, la déclaration des sénateurs souligne que « l'ancien responsable politique par intérim de la NIAC, Patrick Disney, a avoué, dans des courriels internes, avoir consacré plus de 20 % de son temps, avec le directeur législatif de l'organisation, à des activités de lobbying. M. Disney a écrit : « Je crois que nous répondons à la définition de lobbyiste ».
Sans doute, les États-Unis comptent bon nombre de personnes déguisées en « indépendants » mais qui sont en réalité financées par le régime iranien. Elles font avancer sa propagande tout en compromettant les intérêts nationaux des États-Unis. L'Amérique et les autres pays occidentaux se doivent de traiter cette question avec sérieux et de débusquer ces personnes-là.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com