La France ferme ses frontières, évite «pour l'instant» un troisième reconfinement

Le Premier ministre français Jean Castex a annoncé le 29 janvier que le pays fermerait ses frontières à partir du 31 janvier vers les pays non membres de l'Union européenne pour tout sauf les voyages essentiels (Photo, AFP).
Le Premier ministre français Jean Castex a annoncé le 29 janvier que le pays fermerait ses frontières à partir du 31 janvier vers les pays non membres de l'Union européenne pour tout sauf les voyages essentiels (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 30 janvier 2021

La France ferme ses frontières, évite «pour l'instant» un troisième reconfinement

  • Comme les autres pays européens, la France doit aussi faire face à une baisse des livraisons espérées de vaccins
  • Les petits commerçants ont décrit leur soulagement après l'annonce de Castex d'une fermeture des seuls magasins non alimentaires situés dans les centres commerciaux

PARIS: Le Premier ministre français Jean Castex a annoncé vendredi de nouvelles restrictions face à l'épidémie de la Covid, dont la fermeture des frontières aux pays hors UE, mais a renvoyé toute décision radicale aux «prochains jours», jugés «déterminants».

Lors d'une prise de parole inattendue à l'issue d'un Conseil de défense autour d'Emmanuel Macron, le chef du gouvernement a souligné depuis l'Elysée que «la question d'un confinement se pose légitimement». Mais, a-t-il ajouté, «nous en connaissons l'impact très lourd sur tous les plans».

Pas de troisième confinement dans l'immédiat donc. Mais une série de restrictions, qualifiée de «dernière cartouche» par une source gouvernementale, et aussitôt jugées trop faibles par certains élus de l'opposition.

 

Opposants insatisfaits

La majorité des opposants de droite comme de gauche a jugé sévèrement les nouvelles restrictions détaillées par Jean Castex vendredi soir, pour freiner la propagation de la Covid-19 mais éviter un reconfinement, jugeant ces «annonces mineures» et insuffisantes pour «reprendre contrôle sur l «épidémie». «Tout ça pour ça», ont déploré à l'unisson le chef de file des députés LR, Damien Abad et le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.

Première mesure mise en avant par le Premier ministre: à partir de dimanche 00h00, la France va fermer ses frontières aux pays extérieurs à l'Union européenne, «sauf motif impérieux». L'extrême-droite, à l'image de Marine Le Pen, s'est félicitée avec ironie d'une décision qui n'a que trop tardé selon elle, tout en déplorant «le temps perdu». «Quand va-t-on enfin planifier des alternatives au confinement ? Quand va-t-on avoir des vaccins à produire sous licence libre?» interroge M. Mélenchon. «La France ne risque pas de reprendre contrôle sur l’épidémie et rassurer les Français avec ces mesures. Rien sur la campagne de vaccination et pas de sortie du tunnel en vue!», a de son côté dénoncé l'élu communiste. 

Sur le front de la propagation de l'épidémie, Jean Castex a ainsi rappelé que si la situation est «préoccupante», elle «reste mieux maitrisée en France que chez beaucoup de nos voisins». 23 000 nouvelles contaminations sur 24 heures ont été enregistrées vendredi, alors que la crainte porte d'abord sur une explosion des cas provoqués par les variants britannique et sud-africain qui représenteraient désormais un dixième des cas en France.

Alors que les débits de boisson, restaurants, lieux culturels et universités sont fermés depuis la fin octobre, les voix politiques et scientifiques se sont multipliées ces derniers jours pour redemander aux commerces de baisser le rideau, voire fermer les écoles, comme au premier confinement au printemps dernier. 

L'exécutif, qui a beaucoup regardé jeudi et vendredi, a d'abord cherché un compromis entre les restrictions et le maintien d'une vie économique et sociale, sur fond de ras-le-bol de la population. «Le moral des gens et l'impact économique» ont «vraiment compté» dans la prise de décision, a souligné un conseiller vendredi soir.

La situation est cependant toujours particulièrement difficile dans certaines régions, comme en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, où six transferts de malades ont eu lieu cette semaine vers d'autres territoires, notamment en Bretagne et en Occitanie, pour soulager les hôpitaux.

 

petits commerces épargnés

Pas de rideau baissé généralisé: les petits commerçants ont exprimé leur soulagement vendredi soir après l'annonce de Jean Castex d'une fermeture, dès dimanche, des seuls magasins non alimentaires situés dans les grands centres commerciaux. Les centres commerciaux non-alimentaires de plus de 20 000 m2, «c'est-à-dire ceux qui favorisent le plus de brassage», seront fermés dès ce dimanche. Et, à partir de lundi, les jauges de fréquentation seront renforcées dans toutes les grandes surfaces.

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé un renforcement des contrôles du couvre-feu de 18H00, des fêtes clandestines et de l'ouverture illégale des restaurants, afin que «les dérives de quelques-uns ne (...) ruinent pas les efforts de tous». Si l'exécutif s'est arrêté à ces mesures, malgré les appels pressants à reconfiner issus notamment du monde médical, c'est parce que les indicateurs épidémiques sont certes «pas bons». «Mais on ne voit pas l'amorce des prédictions de certains scientifiques», selon une source gouvernementale.

Moins de vaccinés

Comme les autres pays européens, la France doit aussi faire face à une baisse des livraisons espérées de vaccins, aussi bien de la part de Pfizer / BioNTech que de Moderna ou d'AstraZeneca.

Résultat, le gouvernement prévoit qu'en février seulement un million de personnes recevront la première des deux injections nécessaires, après plus d'1,4 million en janvier. Cette prévision est très inférieure au chiffre de 4 millions de personnes vaccinées fin février, récemment évoqué par le ministre de la Santé.

Alors que la vaccination est ouverte notamment dans les Ehpad, pour les professionnels de santé de plus de 50 ans ou fragiles, et à cinq millions de plus de 75 ans, plusieurs régions ont dû reporter des milliers de rendez-vous pour une première injection, à cause de baisses d'approvisionnement.

La suite de la campagne va aussi dépendre des détails de l'autorisation de mise sur le marché du vaccin AstraZeneca, qui a plus facilement conservé et transporté que ceux de Pfizer et Moderna, mais dont l'efficacité sur les personnes âgées a été mise en cause, notamment par la commission de vaccination allemande, qui l'a déconseillé pour les plus de 65 ans.


Un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue à Rouen tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière
  • "L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier

PARIS: Un homme armé qui tentait vendredi matin de mettre le feu à une synagogue à Rouen, dans le nord-ouest de la France, a été tué par la police, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière.

"L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.