Le discours du président Donald Trump au Texas est une étude de cas fascinante, puisqu’il s’est arrêté sur le sujet des élections présidentielles américaines et sur le rôle clé que l’industrie énergétique jouera lorsque les électeurs iront voter le 3 novembre.
Il faudrait le féliciter pour son théâtral dynamisme. Au Texas, fief de l’industrie du schiste, il s’est mis debout devant une pile de barils de pétrole recouverts des drapeaux américain et texan, ainsi que du logo de l’entreprise Double Eagle Energy, l’une des plus grandes entreprises opérant dans le bassin permien.
« Nous étions sur le point de perdre une industrie très importante et puissante, mais nous sommes maintenant de retour et nous allons continuer à nous développer », a déclaré Trump sous les applaudissements. Il avait un message pour ses adversaires politiques : « Ne jouez pas avec le Texas ». Le problème auquel il est confronté est que, selon toute évaluation conventionnelle de l’industrie pétrolière américaine, le Texas est encore loin de la domination qu’il avait atteinte l’année dernière en tant que plus grand exportateur de pétrole au monde. La pandémie de COVID-19 a durement frappé le monde de l’énergie dans son ensemble, mais les États-Unis, et en particulier le Texas, ont profondément souffert.
Quand le West Texas Intermediate (WTI), l’indice de référence américain, a atteint un prix de moins 40 dollars par baril le lundi 20 avril, des pans entiers de l’industrie américaine sont devenus non-rentables d’un coup. La production pétrolière américaine a atteint un plancher de 9,7 millions de barils par jour (b/j) en juin contre 13 millions de b/j en mars, avant que l'accord OPEP + ne s'effondre brièvement et que les effets de la pandémie ne deviennent apparents. Le nombre d’appareils de forage au début du mois était aux alentours de 250, contre 800 en mars. Certains des noms les plus connus du secteur américain du schiste, dont le pionnier Chesapeake Energy, ont fait faillite. Depuis ce creux du mois dernier, il y a eu une sorte de reprise. Il est estimé que 10,9 millions de b/j de pétrole sont désormais produits aux États-Unis, mais ceci est encore loin de la domination énergétique mondiale que Trump aimerait voir.
Le redressement de l’industrie est dû aux réductions historiques de l’OPEP+, orchestrée par l’Arabie Saoudite et la Russie, qui ont mis fin à la brève guerre de prix entre mars et avril. Trump a remercié les deux dirigeants de l’alliance pétrolière, et bizarrement le Mexique aussi, qui n’a en fait rien fait sinon retarder l’accord.
Depuis, le WTI s’est redressé, atteignant environ 40$, avec le Brent, indice de référence mondial, frôlant les 45$. Le problème de Trump est que, bien que ce redressement soit positif, il n’est pas suffisant. Avec moins de 50$ par baril, le pétrole américain ne continuera pas simplement à « se développer ».
Le redressement de l’industrie est dû aux réductions historiques de l’OPEP+, orchestrée par l’Arabie Saoudite et la Russie, qui ont mis fin à la brève guerre de prix entre mars et avril. Trump a remercié les deux dirigeants de l’alliance pétrolière.
Les américains ne peuvent pas y faire grand-chose. Le prix du pétrole est déterminé par deux facteurs qui échappent totalement à leur contrôle. D’une part, il y a le taux de reprise de la demande à la suite du choc du confinement lié à la pandémie. Ceci est au mieux inégal, avec aucun signe de reprise en V que certains avaient prédit pour plus tard dans l’année. Le mieux que l’on puisse probablement espérer est une reprise plus progressive en U, ponctuée par plus de confinements.
D’autre part, il y a le côté offre de l’équation qui est déterminé par l’OPEP+. Le nouveau régime de l’alliance de 23 membres a été impitoyablement efficace pour faire respecter les nouveaux niveaux de production. La semaine dernière, l’Irak – l’un des retardataires dans la mise en œuvre des accords de conformité – a déclaré qu’il était déjà a 100 pourcents en conformité avec ses obligations, contrairement aux rapports, et qu’il s’en tiendrait à ses engagements pour compenser les lacunes passées.
L’OPEP+ est satisfaite du progrès qu’elle a réalisé depuis avril et est probablement heureuse de garder le prix du pétrole à 45$ jusqu’à ce que les perspectives de la demande soient plus claires. Elle joue sur le long terme, mais ceci ne convient pas au schiste américain.
Le lien pandémie / pétrole est le plus apparent au Texas. Le nombre d’infections croissant a ralenti les réouvertures, et ont à leur tour réduit la demande en pétrole pour le transport et l’industrie. L’élection de l’adversaire de Trump, le démocrate Joe Biden, en a bénéficié, prenant ainsi une avance sur le président dans un État qui a été républicain pour des décennies. Malgré toute la rhétorique électorale de Trump dans le pays du schiste, il doit s'inquiéter du fait qu'en novembre, le Texas le provoquera.
Frank Kane est journaliste économique basé à Dubaï.
Twitter : @frankkanedubai
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com.