Les quelques heures de dimanche dernier où le début du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas a été retardé ont été éprouvantes. Y aurait-il un nouveau problème et les tirs reprendraient-ils alors que la population entrevoyait la lumière au bout d'un long et très sombre tunnel? Lorsque la trêve a finalement débuté, après un retard de deux heures et demie qui a ressemblé à deux jours et demi, le soulagement a été grand, mais il s'est doublé d'une prise de conscience que mettre un terme à cette horrible guerre de 15 mois ne sera ni facile ni évident.
La méfiance totale et compréhensible entre les deux parties est un facteur majeur qui entravera toute tentative de progresser à partir de ce point, ou même de respecter les termes de la première phase du cessez-le-feu. Les deux parties partent du principe qu'en dépit de cet accord, chacune est toujours déterminée à anéantir l'autre. De plus, cette trêve n'est pas le résultat d'un processus organique au sein des deux leaderships qui ont conclu qu'ils n'avaient rien à gagner à poursuivre la guerre, mais plutôt d'un cessez-le-feu encouragé de l'extérieur – plus exactement imposé – par les principaux médiateurs. Par conséquent, il existe une véritable crainte d'un engagement insuffisant de la part des parties belligérantes pour aller jusqu'au bout du processus de fin de la guerre. Au contraire, nous pouvons nous attendre à ce que les deux parties mettent à l'épreuve leurs intentions, leur détermination et leur patience à chaque étape du processus.
Si les termes de l'accord ont été définis avec l'aide des médiateurs du Qatar, de l'Égypte et des États-Unis sous l'administration Biden, c'est l'arrivée de Donald Trump qui a fait la différence. Après tout, un accord similaire était déjà sur la table en décembre 2023, selon certains, mais comme l'a admis le secrétaire d'État américain sortant Antony Blinken, Joe Biden n'était pas prêt à utiliser les leviers de pouvoir de son pays pour persuader le dirigeant israélien Benjamin Netanyahou de l'accepter. Trump, quant à lui, voulait absolument que l'affaire soit réglée avant son entrée à la Maison Blanche, et a insisté auprès de Netanyahou pour obtenir un résultat. Ce qui est frustrant et déchirant, c'est d'imaginer combien de vies auraient pu être sauvées et combien de souffrances auraient pu être épargnées si Washington avait adopté cette approche à l'époque.
Dans ce conflit complexe, le rôle joué par les États-Unis, ainsi que par les médiateurs régionaux, est une leçon cruciale pour ceux qui ont pu faire la différence en provoquant au moins une trêve, et ils devront faire plus pour maintenir l'élan. Bien que des doutes subsistent quant à l'engagement de chaque partie à l'égard de cet accord, les médiateurs, tout comme le reste de la communauté internationale, doivent rester très vigilants et veiller à ce que les conditions de l'accord en trois phases soient respectées à la lettre. La complexité de l'ensemble du processus est renforcée par le décalage entre ce que les citoyens israéliens et palestiniens souhaitent voir se produire et ce qui sert au mieux la survie de leurs dirigeants.
L'histoire récente a montré que l'emprise de Netanyahou sur le pouvoir dépend du maintien et de la manipulation d'une division et d'un malaise constants au sein de la société israélienne, et du maintien en vie d'au moins un conflit, même s'il est en veilleuse. Alors que la politique intérieure israélienne ne manque jamais de sujets de controverse, après les cessez-le-feu conclus avec le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza, la Cisjordanie s'est soudainement embrasée, des colons détenus administrativement ont été libérés et le terrorisme des colons s'est intensifié. Même si l'on s'oppose aux détentions administratives parce qu'elles privent les gens de leur liberté sans procédure légale en bonne et due forme, le moment choisi pour cette décision suggère qu'elle était destinée à apaiser le mouvement messianique d'extrême droite des colons et à calmer leur opposition à l'accord de cessez-le-feu.
Nous pouvons nous attendre à ce que les deux parties mettent à l'épreuve leur détermination et leur patience.
Yossi Mekelberg
Le démarrage hésitant de la première phase et les détails plutôt rares sur ce qui a été décidé pour la deuxième phase, sans parler de la troisième phase, créent un espace pour ceux qui veulent faire dérailler les progrès vers la fin de cette guerre et qui s'opposent à la reconstruction de Gaza. Cependant, l'accord laisse un certain espoir de créer une dynamique. La première phase a été réalisée avec un minimum d'accrocs, une pause dans les combats, la libération du premier groupe d'otages israéliens et de prisonniers palestiniens, l'entrée à Gaza de centaines de camions transportant de l'aide humanitaire et le lent retour des Palestiniens déplacés dans leurs foyers. Ces signes d'espoir ne doivent pas faire croire que les négociations de la deuxième phase, qui doivent commencer au 16e jour du cessez-le-feu et qui viseront à trouver un accord sur la fin de la guerre et le retour du reste des otages, sont assurées de se dérouler, et encore moins d'aboutir à une conclusion positive.
La fragilité de cet accord découle également de la faiblesse des deux systèmes politiques concernés. En réponse à la signature de l'accord par Netanyahou, le parti Otzma Yehudit, qui l'a qualifié d'«accord imprudent» et de «capitulation devant le terrorisme», a quitté la coalition en fanfare, laissant ainsi le gouvernement avec une majorité de seulement deux députés à la Knesset. Son parti frère, le Sionisme religieux, a décidé de voter en faveur de l'accord, mais seulement après avoir déploré sa dangerosité, et est resté au gouvernement, mais il menace toujours de quitter le navire si la deuxième phase des négociations aboutit à la fin de la guerre.
En conséquence, l'accord en trois phases ne tient plus qu'à un fil. Netanyahou peut-il se permettre de perdre sa majorité à la Knesset, ce qui pourrait conduire à des élections générales qu'il a peu de chances de remporter? Il n'aimerait pas que cela se produise au beau milieu de son procès pour corruption. Pour mener à bien au moins les deux premières phases de l'accord, il peut compter sur le soutien de la plupart des partis d'opposition, mais pas nécessairement pour toute la durée du mandat de la Knesset, qui expire à la fin de l'année 2026. Il est très peu probable que Netanyahou puisse jamais remonter dans les sondages en revendiquant la victoire à Gaza alors que le Hamas, malgré les lourdes pertes qu'il a subies, semble toujours gouverner l'enclave, et il est encore moins probable qu'il soit crédité du retour des otages, dont il n'a non seulement pas réussi à empêcher le calvaire, mais a ensuite bloqué pendant tant de mois un cessez-le-feu qui aurait permis de les libérer.
Cela laisse à Netanyahou la possibilité de chercher la première occasion de reprendre la guerre à Gaza et, ce faisant, de ramener Itamar Ben-Gvir, l'ancien ministre de la Sécurité nationale, au gouvernement, ce qui est une véritable option. Pour Trump, il s'agira d'un premier test pour sa deuxième administration et son engagement à mettre fin aux guerres, laissant Netanyahou face à un nouveau choix entre la stabilité de sa coalition et la rupture avec le premier et principal bailleur de fonds international d'Israël.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme MENA à Chatham House.
X: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com