Pour les habitants de Gaza et les familles des otages israéliens, il y a plus cruel que l'échec d'un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas: c'est le fait de raviver, à plusieurs reprises l'espoir qu'un tel accord soit proche, pour ensuite l'anéantir avec une nouvelle série d'excuses peu convaincantes. Pendant ce temps, de nouvelles personnes sont tuées à Gaza chaque jour et de nouveaux otages sont confirmés comme étant morts en captivité. La semaine dernière encore, les corps de Youssef et Hamza Alziadana, un père et son fils enlevés le 7 octobre 2023, ont été retrouvés à Gaza par l'armée israélienne.
Depuis plus d'un an, c'est-à-dire depuis que les combats ont été brièvement interrompus en novembre 2023 pour permettre un échange progressif d'otages pris par le Hamas contre des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, aucun progrès substantiel n'a été réalisé en vue d'un accord de cessez-le-feu, laissant ceux qui sont directement touchés par la guerre dans une situation d'incertitude, entre espoir et désespoir. On a 'impression qu'il s'agit plus d'une façade de négociations que d'un engagement profond à parvenir à un accord. Il s'agit de négociations pour le plaisir de négocier, principalement pour apaiser la communauté internationale ou pour répondre à la pression intérieure, mais sans la volonté politique ni le courage de faire les compromis nécessaires pour finaliser un accord.
Depuis quelques semaines, Donald Trump fait désormais partie de l'équation, principalement en raison de la demande répétée du président élu des États-Unis pour que cette question soit résolue avant son entrée à la Maison Blanche et de sa menace que «l'enfer se déchaînera» si les otages ne sont pas libérés. Il est difficile de dire ce que la nouvelle administration prévoit de déclencher contre le Hamas s'il n'accède pas aux exigences de Trump ou ce qui pourrait être plus infernal que la situation qui existe déjà à Gaza. Toutefois, ces exigences pourraient également être un message adressé à Israël pour qu'il joue son rôle dans la promotion d'un accord.
Un aspect déconcertant des négociations est celui des fuites constantes, avec des affirmations selon lesquelles la grande majorité des questions en suspens ont été résolues. Quoi qu'il en soit, certains aspects essentiels doivent encore être résolus. Dans la pratique, cela n'a pratiquement aucun sens car, tant que tout n'est pas décidé, rien n'est décidé.
On a l'impression qu'il s'agit plus d'une façade de négociations que d'un engagement profond à parvenir à un accord.
Yossi Mekelberg
À première vue, le principal obstacle depuis l'échec de l'accord de novembre 2023 est l'exigence du Hamas selon laquelle tout accord sur les otages doit inclure un accord plus large pour mettre fin à la guerre à Gaza. Malgré toute la colère justifiée que suscitent les actes perpétrés par le Hamas le 7 octobre et le traitement cruel qu'il continue d'infliger aux otages, à ce stade, alors que plus de 47 000 Palestiniens ont été tués par Israël – qui fait fi de la vie des civils et de la destruction généralisée infligée à ce minuscule territoire –, la fin de la guerre servira les intérêts de tous, même si ce n'est pas le cas de leurs dirigeants respectifs.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou insiste sur un accord partiel et refuse de mettre fin aux combats, tout en continuant à clamer haut et fort son engagement creux en faveur d'une victoire totale. Netanyahou s'est retrouvé, ainsi que l'armée israélienne, dans des situations inextricables en visant l'éradication totale du Hamas et en affirmant que seule la pression militaire permettra de libérer les otages. Or, non seulement le Hamas continue de se battre, mais 98 otages sont toujours en captivité et, tragiquement, plus le temps passe, moins ils ont de chances de rester en vie.
À ce stade, rien ne prouve que Netanyahou se soucie du sort des otages ou des conséquences de la guerre sur sa propre société. Tant que ses partenaires de droite au sein du cabinet menaceront de quitter la coalition s'il accepte un cessez-le-feu incluant la fin de la guerre et la libération de milliers de prisonniers palestiniens, sa priorité restera le bien-être de sa coalition et non celui des personnes qu'il a été élu pour protéger.
Quant au parti d'extrême droite, Sionisme religieux, son interprétation kahaniste du judaïsme et du sionisme est méprisable. Pour ses dirigeants, l'objectif est déjà passé de la défaite du Hamas à l'occupation de Gaza et à la construction de colonies. Itamar Ben-Gvir, qui occupe le poste de ministre de la Sécurité nationale, a été le seul membre du cabinet de sécurité à voter contre la trêve temporaire de novembre 2023 qui a vu la libération de 105 otages civils sur les 251. Il est clair que, malgré les preuves croissantes de ce que les otages vivent en captivité, il continuera à s'opposer à la fin de la guerre, tandis que Netanyahou, dans sa faiblesse et sa fourberie, ne veut pas s'opposer à cette vision dangereuse.
Rien ne prouve que Netanyahou se soucie du sort des otages ou des conséquences de la guerre sur sa propre société.
Yossi Mekelberg
En outre, il serait naïf de s'attendre à ce qu'un membre du gouvernement israélien actuel témoigne de la moindre empathie envers les Palestiniens de Gaza dont la vie est un enfer. Même si Netanyahou aimerait transformer le débat sur un accord de cessez-le-feu en un verdict sur la nature du Hamas et dépeindre ceux qui soutiennent un accord de cessez-le-feu, y compris les familles des otages, comme des apologistes du Hamas, il est parfaitement conscient que, sur le plan militaire, il entraîne Israël dans une longue guerre de guérilla qui conduira à une perte en vies humaines des deux côtés sans aucun gain politique.
Ces pertes humaines et l'impact sur la société israélienne du maintien en captivité des otages l'emportent largement sur les inconvénients d'un accord de cessez-le-feu, aussi coûteux soit-il. Après tout, si le Hamas viole les termes de l'accord, Israël sera en droit de répondre militairement. S'il adhère à l'accord, les otages seront rentrés chez eux et Israël pourra faire face à sa plus longue guerre depuis celle de 1948 et panser les plaies de sa société, de sa politique et de son économie.
Or, c'est précisément ce scénario qui ne sert pas les intérêts personnels de Netanyahou ni ceux de sa coalition. Et la communauté internationale, en particulier l'administration Biden, a laissé ces intérêts prévaloir. Pour l'actuel Premier ministre, les perturbations qui créent un chaos contrôlé, ainsi qu'une menace extérieure constante, sont les ingrédients qui lui permettent, contre toute attente et en dépit de la préférence constante des Israéliens dans les sondages d'opinion, de rester en fonction, au grand dam de tout critère objectif de bonne gouvernance et de responsabilité.
Le comportement de Netanyahou dans les négociations est devenu habituel: chaque fois qu'un accord semble proche, de nouvelles conditions apparaissent soudainement. Les élections générales n'étant pas prévues avant la fin de l'année prochaine et l'opposition étant généralement en tête des sondages avec une marge considérable, les chances d'une élection anticipée sont minces. En d'autres termes, le pays et le conflit sont pris au piège d'un gouvernement qui ignore inconsidérément les souffrances de son propre peuple et de ses voisins aussi longtemps qu'il le faut pour se maintenir au pouvoir. Reste à savoir si l'investiture du nouveau président américain, le 20 janvier, peut changer la donne et, si oui, à quelle vitesse.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House.
X: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com