L'accord sur le climat, négocié âprement et conclu au bout de deux semaines de querelles, a été rejeté par les nations les plus pauvres, qui sont à la merci de l'aggravation des catastrophes climatiques. Il est considéré comme étant insuffisant pour relever les défis qui nous attendent tous, riches et pauvres, pollueurs et non-pollueurs confondus. Le programme de financement de 300 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro) par an pour aider les pays vulnérables d'ici à 2035 pourrait contribuer à atténuer la force du choc, mais l'injection d'argent pour atténuer le changement climatique, sans y mettre un terme, ne limitera pas les obstacles auxquels font face à la fois les pays pauvres et les pays riches.
L'urgence climatique n'est plus seulement un problème pour les pays pauvres et sous-développés, comme l'ont montré les récentes inondations en Espagne et d'autres calamités frappant diverses parties du monde.
La détérioration du climat est ressentie et observée partout, les experts avertissant que 2024 ne sera pas seulement l'année la plus chaude jamais enregistrée, mais presque certainement la première où la limite de réchauffement de 1,5 degré Celsius fixée dans l'accord de Paris sera dépassée.
Avec la chaleur extrême, le réchauffement des océans, l'élévation du niveau de la mer et l'augmentation des sécheresses et des précipitations extrêmes, le danger est que des points de bascule dramatiques soient atteints et franchis, comme la transformation de l'Amazonie en savane. Plus de retour en arrière possible dans ce cas.
Comme l'a souligné Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, lors de la conférence de Bakou, la planète participe à «une masterclass sur la destruction du climat». Les conséquences risquent d'exacerber les menaces qui pèsent sur un écosystème naturel déjà fragile, de réduire les rendements agricoles, d'augmenter les prix et de pousser les gens à quitter leur foyer pour simplement survivre ou pour un avenir plus sûr ailleurs, souvent vers les nations développées du Nord.
La guerre en Ukraine et les conflits qui s'étendent au Moyen-Orient ont détourné l'attention mondiale sur la sécurité et la disponibilité de l'énergie.
Mohamed Chebaro
La protection de notre planète a clairement régressé dans la liste des priorités des puissances mondiales et je crains que ce sujet ne devienne de plus en plus une pomme de discorde dans les pays occidentaux avancés. Il s'agit désormais d'un outil privilégié par l'extrême droite pour susciter le mécontentement et la désorganisation dans le cadre de sa quête du pouvoir. Ces forces tentent de forcer les gouvernements à abandonner leurs promesses de zéro émission nette et leurs engagements à transformer l'économie de leur pays.
En particulier, l'UE, qui est le plus grand contributeur au financement de la lutte contre le changement climatique, a vu les réactions de la droite s'opposer à son programme vert. Les nations de l'Union qui se sont engagées à consacrer d'importantes sommes d'argent public à la transition de leurs populations et de leurs économies vers un mode de vie moins polluant se sont retrouvées dos au mur.
Parmi les principaux facteurs qui ont assombri les négociations à Bakou – et qui assombriront probablement la perspective d'un meilleur accord lors de la COP30 au Brésil l'année prochaine – figure le retour imminent du climato-sceptique Donald Trump à la présidence des États-Unis, la plus grande économie du monde, le plus grand émetteur historique de gaz à effet de serre et le plus grand producteur de pétrole et de gaz.
Trump, qui prendra ses fonctions en janvier, s'est engagé à retirer les États-Unis de l'accord de Paris sur le changement climatique, comme il l'avait fait lors de son premier mandat à la Maison Blanche.
La guerre en Ukraine et la propagation des conflits au Moyen-Orient ont détourné l'attention mondiale vers la sécurité et la disponibilité de l'énergie, de nombreux gouvernements étant confrontés à un avenir plus incertain et, par conséquent, resserrant les cordons de leur bourse.
Lors de la COP29, les nations se sont efforcées de réconcilier des divisions de longue date sur le montant que les nations développées, qui sont les plus responsables des émissions historiques de gaz à effet de serre, devraient fournir aux pays plus pauvres, qui sont les moins responsables mais les plus touchés par le réchauffement rapide de la Terre.
Après près de 30 sommets de la COP et des milliers de réunions, la conférence de Bakou a vu un nouveau cycle de négociations acrimonieuses se transformer en spectacle annuel. Elle a mis en évidence les clivages flagrants entre les gouvernements, les entreprises, les industries, les banquiers, les lobbyistes, les scientifiques et les activistes reflétant toutes les écoles de pensée, des négateurs du changement climatique aux promoteurs de l'apocalypse, tout cela au nom de la défense de la planète Terre.
Le monde a manifestement perdu de nombreuses occasions de concevoir et de mettre en œuvre plus efficacement les moyens de protéger la planète pour le bien-être de tous.
Mohamed Chebaro
Le résultat est une petite brèche sous la forme d'un accord promettant 300 milliards de dollars de financement annuel pour le climat d'ici à 2035. De nombreux pays en développement ont déclaré que cela ne suffirait pas à les aider à mettre en œuvre leurs plans nationaux de lutte contre le changement climatique. Comme d'habitude, c'est dans les détails qu'on trouve les failles et il est probable que cette question sera abordée lors des discussions entre les pays avant le sommet COP30 de l'année prochaine, au cours duquel ils définiront leur prochaine série de plans de réduction des émissions. Ces discussions s'annoncent d'ores et déjà difficiles, car de nombreux pays ont déclaré qu'ils ne respecteraient pas la date limite de février fixée pour la présentation de leurs plans nationaux actualisés de lutte contre le changement climatique.
Les entreprises ont demandé que ces plans incluent des projets et des efforts propices aux investissements, avec le plus de précision possible, afin d'aider les investisseurs à évaluer les engagements et les risques à long terme.
L'argent ne commencera à affluer que lorsque les objectifs communs convenus lors d'événements tels que la COP29 se traduiront par «des réglementations, des législations et d'autres mesures politiques». Et c'est alors que se pose le plus grand défi: les engagements de mise en œuvre de ces politiques et de ces règles verront-ils le jour?
Le monde a manifestement perdu de nombreuses occasions de concevoir et de mettre en œuvre plus efficacement les moyens de protéger la planète pour le bien-être de tous. Depuis que l'accord de Paris de 2015 a fixé les paramètres des mesures susceptibles de limiter le réchauffement de la planète, les nations ont à maintes reprises retardé leur action et se sont bercées d'illusions. À certains moments, elles ont cru que la technologie de l'avenir permettrait de piéger une plus grande partie du carbone que nous émettons. Vingt ans plus tard, à l'aube de l'ère de l'IA, il semble que l'intelligence artificielle contribue davantage aux émissions au lieu d'apporter des solutions tangibles.
Les initiatives publiques-privées visant à investir dans les énergies renouvelables ont fait d'importants progrès, mais elles ne constituent pas une solution miracle pour réduire les émissions de manière générale.
Il est peu probable que l'on parvienne à résoudre le problème en injectant de l'argent sans reconfigurer la nature des activités économiques mondiales, axées sur la recherche du profit et l'exploitation. Même si l'on persuade les gens de recycler et de mener leurs activités de manière durable, les organismes des secteurs public et privé chargés de gérer et d'éliminer les déchets dans le respect de l'environnement ne sont souvent pas à la hauteur. Cette situation est malheureusement due à des modèles qui visent à réduire les coûts et à maximiser les profits.
Nombreux sont ceux qui sont déjà parvenus à la conclusion que le monde s'avançait en boitant vers un avenir plus chaud. Croire en la capacité de la planète à s'auto-réguler malgré les activités humaines qui la déséquilibrent reste le seul espoir, alors que les gouvernements et les dirigeants à tous les niveaux poursuivent leurs querelles pour les prouesses géostratégiques et les profits.
Mohamed Chebaro est un journaliste anglo-libanais, consultant en médias et formateur. Il a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la couverture de la guerre, du terrorisme, de la défense, de l’actualité et de la diplomatie.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com