Les déséquilibres et l'instabilité menacent l'avenir de l'UE

Olaf Scholz s'adresse aux journalistes à bord de l'avion du gouvernement après le sommet du G20 à Rio de Janeiro, le 19 novembre 2024. (Reuters)
Olaf Scholz s'adresse aux journalistes à bord de l'avion du gouvernement après le sommet du G20 à Rio de Janeiro, le 19 novembre 2024. (Reuters)
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Publié le Jeudi 21 novembre 2024

Les déséquilibres et l'instabilité menacent l'avenir de l'UE

Les déséquilibres et l'instabilité menacent l'avenir de l'UE
  • La direction politique chancelante du bloc des 27 pays souffre également de ses propres menaces existentielles
  • La montée de l'extrême droite et des partis populistes de gauche ébranlent sans aucun doute les fondements de la stabilité et de la raison d'être de l'UE

À l'heure où l'unité, la solidité et les objectifs communs devraient régner en UE – le 19 novembre ayant marqué le millième jour de guerre en Ukraine et le retour de Donald Trump à la Maison Blanche étant désormais imminent –, les derniers problèmes du gouvernement allemand ne laissent présager rien de bon pour l'avenir de l'Europe dans son ensemble.

La coalition d'Olaf Scholz s'est effondrée il y a deux semaines et des élections anticipées sont désormais attendues en février 2025, à la suite d'un vote de confiance que son gouvernement est susceptible de perdre en décembre. Tout cela détourne l'attention d'un acteur clé de l'UE, le laissant occupé par des querelles politiques internes à un moment crucial, à l'aube d'une relation transatlantique incertaine à l'horizon.

D'autres acteurs clés de l'UE, comme la France, ne sont pas en meilleure posture politique. Le président français Emmanuel Macron a perdu sa majorité parlementaire au cours de l'été, son gouvernement fonctionne à peine et sa cote de confiance a chuté à 23%, selon un récent sondage Ipsos. Comme M. Scholz, il est confronté à un défi de taille de la part de l'extrême droite.

La direction politique chancelante du bloc des 27 pays souffre également de ses propres menaces existentielles, la montée de l'extrême droite et des partis populistes de gauche ébranlant sans aucun doute les fondements de la stabilité et de la raison d'être de l'UE. Des gouvernements nationaux affaiblis entravent indubitablement le travail multilatéral au sein des mécanismes de l'UE et soulèvent des doutes qui témoignent d'une faiblesse et risquent de mettre en péril la stabilité et la pertinence futures de l'Union.

L'effondrement du gouvernement Scholz, déclenché par le limogeage du ministre des Finances Christian Lindner par le chancelier, a plongé la plus grande économie d'Europe dans le chaos politique à un moment critique. Après avoir limogé M. Lindner du Parti libéral-démocrate, M. Scholz devrait maintenant diriger un gouvernement minoritaire composé des sociaux-démocrates et des Verts.

La motion de confiance au gouvernement de M. Scholz n'est pas attendue avant le 16 décembre et il semble probable qu'il s'en sortira jusqu'à cette date avec sa coalition brisée. Il devra compter sur le soutien des Verts et sur la bonne volonté du parti conservateur de centre-droit, l'Union chrétienne-démocrate, dirigée par Friedrich Merz, pour rassembler des soutiens ad hoc pour des votes individuels, alors qu'il tente de redresser l'économie allemande frappée par la crise et de faire face aux nombreuses adversités internationales. Cette situation pourrait nuire davantage à la position et à la détermination de l'Allemagne, tant sur le plan national qu'international.

Ce dilemme allemand est ressenti partout. Il a entraîné un affaiblissement de la volonté politique de l'UE, qui est assiégée par l'ennemi intérieur, les partis d'extrême droite et d'extrême gauche continuant à éroder la confiance du public dans les institutions de l'Union, alimentée par des récits antidémocratiques avancés par des personnalités populistes dans le monde entier.

L'idée longtemps répandue selon laquelle le pare-feu, ou cordon sanitaire, érigé par les partis traditionnels en Europe pour isoler l'extrême droite tiendrait indéfiniment est manifestement en train de s'effondrer. La République tchèque, l'Italie, les Pays-Bas, la Slovaquie et la Suède ont tous des coalitions gouvernementales composées de conservateurs et d'hommes politiques d'extrême droite, tandis que l'Alternative pour l'Allemagne et le Rassemblement national français attendent dans les coulisses.

Le retour de Trump à Washington et le fait que les forces russes soient aidées par les Nord-Coréens devraient occuper les esprits dans toute l'UE. Les adversités auxquelles le bloc est confronté pourraient devenir destructrices, en agitant le spectre du protectionnisme, de l'érosion du consensus sur l'Ukraine et des divisions sur l'avenir de l'Otan. Elles pourraient également handicaper la volonté politique de l'UE de jouer un rôle positif dans la résolution du problème israélo-palestinien. Enfin, il y a l'éléphant dans la pièce que toutes les parties tentent de passer sous silence, à savoir la crise climatique mondiale. Par-dessus tout, il convient de s'efforcer d'éviter les conséquences d'une éventuelle guerre commerciale mondiale si les États-Unis et la Chine s'affrontent à nouveau, l'UE étant comme d'habitude coincée au milieu.

Dans un tel contexte, la capacité de résistance de l'Europe s'amenuise manifestement. L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni d'avant le Brexit étaient les trois piliers qui ont soutenu l'Union pendant près de 50 ans, malgré toutes leurs querelles et leurs poursuites d'intérêts nationaux et internationaux, qui n'étaient parfois pas alignés.

Aujourd'hui, les dirigeants français et allemands doivent retrouver leur voix et l'UE sa raison d'être. Bruxelles doit abandonner son «discours» qui a rarement un sens pour le grand public en dehors de la bulle de la Commission européenne, comme la nécessité de «progrès urgents» et pour les pays et leurs dirigeants de prendre des «mesures décisives» et «sans délai». Elle doit activement rechercher un nouveau pacte qui redéfinisse l'objectif de l'Union, car sa raison d'être après la Seconde Guerre mondiale semble de plus en plus creuse depuis un certain temps maintenant.

La montée de l'extrême droite et des partis populistes de gauche ébranle sans aucun doute les fondements de la stabilité et des objectifs de l'UE.

                                              Mohamed Chebaro

Les nouvelles générations au sein des populations des États membres de l'UE comprennent à peine les raisons de la formation de l'Union, se contentant de dénigrer ses institutions et de négliger les nombreuses réalisations qui en ont fait un îlot de quasi-liberté, où la dignité et les droits de l'homme sont défendus autant que possible et contre vents et marées.

Pour éviter de se mettre en péril, les nations de l'UE devraient peut-être tenir compte des propos de l'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, qui a déclaré que la raison d'être de l'Union était menacée. Il faudrait s'empresser de mettre en œuvre les recommandations du rapport de M. Draghi, publié en septembre, qui fait autorité et appelle les pays de l'UE à investir conjointement plus de 800 milliards d'euros par an dans des domaines tels que l'intelligence artificielle, les technologies vertes et la défense, afin de relancer la croissance, la compétitivité et, surtout, la sécurité de l'Union, qui bat de l'aile.

Cela permettrait à l'UE de résister à l'appétit des forces les moins scrupuleuses qui veulent que la capitale belge Bruxelles soit prise entre deux feux: un Est résurgent et un Ouest de plus en plus néolibéral, vicieux et dominé par les entreprises.

Mohamed Chebaro est un journaliste anglo-libanais, consultant en médias et formateur. Il a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la couverture de la guerre, du terrorisme, de la défense, de l’actualité et de la diplomatie.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com