Disons les choses comme elles sont: le gouvernement israélien a pour mission de détruire toute chance d'accord de paix avec les Palestiniens sur la base d'une solution à deux États. Il ne s'en cache pas et n'en est nullement désolé.
L'un des instruments qu'il utilise à cette fin est la promulgation d'une législation hostile à l'Autorité palestinienne et aux Palestiniens en général. La coalition d'extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahou s'est lancée dans cette mission avec un sentiment d'urgence, suggérant que ses membres pensent qu'il s'agit de leur grande, et peut-être unique, opportunité de réaliser leur rêve d'un «Grand Israël», qui nécessite l'annexion de la Cisjordanie, alors qu'ils font également avancer de manière imprudente la cause de l'annexion d'au moins une partie de la bande de Gaza, si ce n'est toute la bande de Gaza.
Fort de sa solide majorité à la Knesset, le gouvernement semble pressé d'adopter une législation qui modifie radicalement les relations juridiques entre Israël et les territoires occupés. Une grande partie de cette législation vise à affaiblir l'Autorité palestinienne, à harceler et à intimider les Palestiniens, à nourrir chez eux un sentiment d'insécurité et à les soumettre à un contrôle total de la part d'Israël. L'un des principaux responsables de cette législation hostile est Simcha Rothman, peu connu à l'étranger mais tristement célèbre en Israël pour avoir été l'une des principales forces motrices des attaques contre le système judiciaire du pays qui ont commencé avec la formation de l'administration actuelle il y a deux ans.
Rothman, membre du parti d'extrême droite Sionisme religieux, préside également l'influente commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, où il orchestre sa législation antidémocratique et anti-palestinienne. Il a ainsi déposé un projet de loi visant à priver l'Autorité palestinienne du droit de saisir la Cour suprême d'Israël, projet que la Knesset a récemment adopté en séance plénière à une large majorité lors d'une lecture préliminaire.
Les membres de la coalition pensent qu'il s'agit de leur grande, et peut-être unique, opportunité de réaliser leur rêve d'un «Grand Israël».
Yossi Mekelberg
Cette législation fait suite à une démarche sans précédent de l'Autorité palestinienne, qui a déposé une requête auprès de la Cour suprême d'Israël, lui demandant d'annuler deux lois qui permettent aux victimes du terrorisme palestinien et à leurs familles de demander des dommages-intérêts à l'Autorité palestinienne. Tout d'abord, la Knesset a légiféré pour permettre aux familles des victimes de traduire l'AP en justice, soumettant ainsi l'organe directeur des Palestiniens à la loi israélienne, mais l'a ensuite privé du droit fondamental que toute autre personne a de faire appel.
Il faut savoir que les victimes palestiniennes du terrorisme juif, par exemple en Cisjordanie, n'ont pas le même statut juridique pour porter plainte contre le gouvernement israélien et, dans tous les cas, on peut se demander si l'AP ou tout Palestinien peut s'attendre à ce que la justice soit rendue par un tribunal israélien. C'est en fait la coopération entre les forces de sécurité d'Israël et de l'Autorité palestinienne qui a permis de sauver de nombreuses vies israéliennes depuis les années 1990.
Rothman et d'autres membres du gouvernement continuent d'abuser de leur pouvoir, comme l'a montré précédemment la décision du ministre des finances Bezalel Smotrich de retenir les recettes fiscales qu'Israël perçoit pour l'AP, qui sont son oxygène financier et sont ancrées dans des traités avec Israël, dans une démarche qui n'est rien d'autre qu'un stratagème visant à provoquer l'effondrement de l'AP.
Et si vous vous demandez pourquoi, c'est parce que, dans leur ferveur et leur aveuglement, ils veulent provoquer une vacance du pouvoir en pensant que le chaos qui en résulterait serait à leur avantage. Pour le mouvement des colons, la destruction de l'AP signifierait la fin de l'un des derniers vestiges des accords d'Oslo, ce qui ouvrirait la voie à l'annexion de la Cisjordanie par Israël. Les plus extrémistes d'entre eux imaginent déjà un nettoyage ethnique dans cette région, à l'instar de ce qui se passerait déjà à Gaza.
Mais ce n'est pas tout. Au début du mois, la Knesset a adopté une autre loi, qui permet au gouvernement d'expulser les membres de la famille des personnes condamnées pour terrorisme. Cette loi s'applique aux citoyens israéliens, bien que personne ne puisse imaginer qu'elle s'applique à d'autres personnes que les citoyens palestiniens d'Israël.
Dans leur ferveur et leur aveuglement, ils veulent provoquer une vacance du pouvoir en pensant que le chaos qui en résulterait serait à leur avantage.
Yossi Mekelberg
La loi autorise l'expulsion des membres de la famille de ceux qui ont eu connaissance à l'avance d'un acte terroriste et qui n'ont pas signalé l'affaire à la police ou qui ont «exprimé leur soutien ou leur affiliation» à un tel acte. Il est difficile d'imaginer comment le législateur d'un pays qui se prétend démocratique a pu adopter un texte législatif aussi orwellien, en vertu duquel la famille au premier degré – en d'autres termes les parents, les frères et sœurs ou les enfants – de ceux qui commettent un acte illégal peuvent être expulsés par le ministre de l'Intérieur pour une période pouvant aller jusqu'à 20 ans, sans aucune démarche pour prouver leur culpabilité, ce qui, selon de nombreux experts juridiques, est manifestement anticonstitutionnel. Cette législation véritablement draconienne impose des peines sévères à des personnes, sans procès et sans que les autorités aient le fardeau de la preuve.
Un autre texte législatif proposé par un membre du Likoud permettrait à l'administration pénitentiaire israélienne de refuser le droit de visite aux prisonniers de haute sécurité affiliés à des «organisations terroristes qui détiennent des prisonniers israéliens». Sans minimiser la gravité des actes commis par certains de ces prisonniers qui leur ont valu une peine d'emprisonnement, l'idéologie extrême des organisations auxquelles ils sont affiliés ou le traitement inhumain de leurs otages, les prisonniers ont un droit de visite consacré par le droit international. Et ce droit est aussi une mesure qui permet de maintenir un certain calme dans les prisons.
Cependant, pour les législateurs israéliens de droite, il ne s'agit pas de droit international, de droits de l'homme, de moralité ou même d'opportunité, mais d'un concours entre eux pour prouver à leur base électorale qui est le plus punitif à l'égard des Palestiniens.
Cette avalanche de lois anti-palestiniennes suggère deux choses. Tout d'abord, le gouvernement est confiant, peut-être trop confiant, dans le fait que ni l'opposition nationale ni la pression de l'étranger ne peuvent arrêter sa course effrénée pour réduire à néant l'Autorité palestinienne et rendre le processus de paix impossible. Ou, deuxièmement, qu'il s'agit d'une coalition qui n'arrive pas à croire à sa chance d'être au pouvoir, tout en sachant que son Premier ministre est extrêmement faible et que, bien qu'il cède à toutes leurs exigences dans son désespoir de rester au pouvoir, il pourrait néanmoins ne pas survivre très longtemps. D'où leur empressement à promulguer autant de lois, de budgets, d'extensions de colonies et d'autres politiques discriminatoires à l'égard des Palestiniens et nuisibles à l'Autorité palestinienne, afin de rendre leurs politiques aussi irréversibles que possible avant qu'elles ne soient reléguées aux oubliettes de l'histoire, où elles ont leur place.
Ces éléments d'extrême droite sont bien conscients qu'un gouvernement dirigé par une personne qui doit très bientôt témoigner dans son procès pour corruption et qui est responsable de l'incapacité à déjouer l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023, sans compter qu'il bénéficie d'un faible soutien de l'opinion publique, peut disparaître de la scène politique d'un moment à l'autre. En attendant, le défi est de faire en sorte que ce gouvernement israélien ne laisse pas derrière lui une terre brûlée.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House.
X: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com