PARIS: On connaissait Alexandre Dumas feuilletoniste, romancier, dramaturge. Il fut aussi historien de l'art, à sa manière très romanesque, dans un livre immense qu'il consacra à la peinture exposée à Florence, une rareté rééditée aujourd'hui.
En librairie mercredi, l'œuvre tient dans un coffret en sept volumes réalisé par les éditions du Chêne: "La Galerie de Florence racontée par Alexandre Dumas".
Dans ce grand centre de l'histoire mondiale de l'art qu'est la ville italienne, la Galerie des Offices regorge de chefs-d'œuvre de la Renaissance. La collection des Médicis, à compter du XVIe siècle, a été enrichie au fil des siècles.
Dumas arrive en juin 1840 dans cette cité qu'il connaît bien, avec sa femme Ida. Il a 37 ans, quelques succès au théâtre, mais beaucoup d'ennuis: dettes, désamour de la critique, ennemis politiques.
"Il est dans une situation financière difficile à Paris. Et la vie à Florence coûte moins cher. Il est déjà célèbre en Italie: son théâtre a été joué, il écrit des articles, des récits de voyage", explique à l'AFP l'un des co-auteurs de ce coffret, Jocelyn Fiorina.
L'autre autrice est l'Italienne Cristina Farnetti, qui a redécouvert et qui commente ce trésor.
- Prolifique -
Dumas saute sur la bonne occasion: une commande pour rédiger en français un ouvrage à la gloire de ce musée, vendu par souscription à de riches bibliophiles ou des institutions. Le projet a été lancé sans lui. Il s'y greffe.
Si la paie est bonne, c'est une entreprise monstre. Resté connu comme un bourreau de travail, Dumas, en trois ans environ, va se montrer prolifique. Il n'a pas le choix et il se bâtit une belle culture.
"On retrouve cette générosité d'Alexandre Dumas, qui donne à ses lecteurs beaucoup à lire. C'est un véritable monument, qui va lui servir pendant tout le reste de sa carrière", selon l'éditeur.
Il glissera, par exemple, dans "Le Comte de Monte-Cristo", roman dont l'adaptation cinématographique a été l'un des succès de 2024: "Vampa, sous cet habit, ressemblait à une peinture de Léopold Robert ou de Schnetz".
Son "Histoire des Médicis" (déjà rééditée en 2012 par la Librairie Vuibert) est le livre 1. Son "Histoire de la peinture", reliant art antique et Renaissance, le livre 2. Le livre 3 est un pavé, plus de 500 pages dans cette réédition: "Histoire des peintres", où il retrace la biographie, avec dialogues romancés si nécessaire, de plus d'une vingtaine de légendes comme Michel-Ange, Raphaël, Dürer ou Rubens.
- Patience et argent -
Au chapitre Léonard de Vinci, on lit que Francesco Del Giocondo lui paya 45.000 francs le portrait de sa femme, Mona Lisa, œuvre connue sous le nom de "La Joconde". Dumas avance: "Léonard de Vinci avait travaillé quatre ans à ce portrait et le regarda toujours comme inachevé".
Les livres 4 à 7 offrent des gravures qui permettent de visiter la Galerie depuis sa bibliothèque. Dumas, ici, commente. Les éditions du Chêne ont mis ces gravures en regard de photos en couleur des mêmes tableaux.
La somme ainsi obtenue impressionne. Mais avant de la tenir entre ses mains, achevée, il fallait une bonne dose de patience et d'argent. La souscription s'étala sur une vingtaine d'années, pour réceptionner chaque mois de nouvelles pages de textes et de gravures, dans le désordre, à faire relier soi-même tout à la fin.
L'Académie française conserve un exemplaire dans sa bibliothèque. Il a été numérisé avec soin, pour un coffret à 149 euros, prix réduit drastiquement par rapport à celui des années 1840.
Une fois sa tâche acquittée, Dumas se réinstalle à Paris, où la mode est au roman-feuilleton dans la presse. Il a l'idée d'une saga historique sous Louis XIII, avec trois ou quatre mousquetaires.