« La France n’abandonne pas le Liban », refrain réitéré par les responsables français à maintes reprises. Cette constante de la politique libanaise de la France est mise à rude épreuve dans cette phase critique et cruciale que traverse actuellement le pays des cèdres. Mais, face à la transformation du Liban en champ clos de la confrontation entre Israël et l‘Iran, Paris qui ne lésine pas sur les moyens diplomatiques, ne semble pas en mesure d’arrêter l‘engrenage et de faire sortir le Liban du cercle vicieux.
La France : Acteur et médiateur non écouté
La France se distingue parmi les grandes puissances d’être la seule qui considère le dossier libanais comme un dossier prioritaire et indépendant, et non traité dans le cadre régional global.
La France marraine du « Grand Liban » demeure attachée pour des raisons historiques et sentimentales. De plus, la position géopolitique et les impératifs économiques accentuent l’intérêt français pour un un pays qui représente l’un de ses derniers points d’influence dans le monde arabe et sur la rivière orientale de la Méditerranée.
En effet, depuis l’ouverture des hostilités par le Hezbollah, le 8 octobre 2023, sous la bannière d’un « front de soutien à Gaza », la France n’a pas cessé de déployer d’intenses efforts pour démêler l’écheveau d’une équation complexe entre Israël et le Hezbollah, à cause de la volonté israélienne de changer le statu quo établi depuis la guerre de 2006 d’une part. et la décision iranienne d’activer à basse intensité “ l’unité de fronts de l’axe de résistance “ de l’autre.
Malgré les visites successives d’envoyés français dans la région, les efforts demeuraient vains car Nétanyahou se montre déterminé à faire céder le Hezbollah, et le “ Liban officiel” donne l’impression d’être attaché à la décision du Hezbollah par l’intermédiaire du pdt de la chambre des députés Nabih Berri, qui s’impose comme le passage obligatoire de tous les émissaires étrangers.
Côté libanais, la connexion de tout cessez-le-feu sur le front libanais à un acte similaire sur le front de Gaza, n‘a pas été de nature de faciliter les initiatives françaises. Mais, après l‘escalade meurtrière à partir du 17 septembre dernier (l‘attaque aux pagers) et l’élimination de la tête de pyramide du Hezbollah et de sa direction militaire, Nabih Berri et le P.M sortant Nagib Mikati, ont infléchi leurs positions et notamment après une rencontre tripartite avec l‘ex- député Walid Joumblatt.
Dorénavant, les interlocuteurs libanais ne font pas de la concomitance avec Gaza une condition préalable pour toute trêve, ce qui a ouvert la voie à une énième tentative française, présentée le 25 septembre, en coordination avec les États-Unis (cessez_le -feu de 21 jours puis un processus politique et l’application de la résolution onusienne 1701). Ce projet qui a été mis en échec par B. Nétanyahou, a été aussi la victime de « l’ambiguïté non constructive » de la formulation de cette suggestion diplomatique.
Ce positionnement français a provoqué une vive polémique entre Macron et Nétanyahou, et une position ferme de Paris à l’encontre de l’ingérence Iranienne au Liban. Toutefois l’impasse dans l’obtention d’une trêve ou d’un cessez- le- feu n’a pas empêché paris de poursuive sa quête pour freiner le désastre libanais
Conférence de Paris
Dans ce cadre. Paris a accueilli, le 24 octobre 2025, la conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, en présence de représentants de plus de 70 Etats partenaires du Liban ; les Nations Unies ; l’Union européenne et les organisations internationales, régionales et de la société civile.
Cette initiative vient pour répondre à l’appel de l’ONU pour mobiliser la communauté internationale afin de répondre aux besoins de protection et de secours d’urgence de la population du Liban et procéder à un soutien des institutions du Liban, en particulier des Forces armées libanaises, garantes la souveraineté, de l’application de résolutions internationales, et de la stabilité interne du pays.
Bien que la priorité d’un cessez-le-feu se précise à l'heure où le Liban subit de plein fouet une guerre destructrice, peu de chances se présentent pour sortir de l’impasse. De surcroît, l’absence du Secrétaire d’Etat américain ainsi que de principaux ministres des États arabes (pris par la tenue à la même date au sommet BRICS à Kazan-Russie) démontre que l’effort français n’est pas partagé par le grand allié américain qui préfère de monopoliser la gestion des dossiers au M.O
Toutefois, face à la gravité de la situation, la conférence ne présente pas une feuille de route pour la sortie de la guerre, et se contente d’un rappel à l’urgence d’une cessation des hostilités et d’une solution diplomatique fondée sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité et permettant le retour en sécurité des déplacés en Israël comme au Liban dans leurs foyers.
Sur le plan politique libanais, on évoqua dans les coulisses la possible concomitance entre le cessez-le - feu et l’élection d’un président au Liban comme la première étape de la remise en marche des institutions politiques.
Concrètement, la collecte d’environ huit cent millions dollars répond aux demandes urgentes d’un pays meurtri, mais demeure insuffisante sans horizon politique et arrêt des hostilités.
La France face aux perspectives compromises pour le Liban
Lors de l’ouverture de la Conférence, Macron a souligné que la priorité doit être donnée à l'intérêt national au détriment des divisions, soulignant que la guerre des autres sur le sol libanais doit cesser. Plus incisif, Il a ajouté : « L’Iran pousse le Hezbollah à affronter Israël, et le parti doit arrêter ses attaques, et Israël doit arrêter ses opérations militaires au Liban ».
Pour cela, la résolution 1701 représente la base de tout arrangement, et la conférence a insisté sur l’incontournable rôle de l’armée libanaise, en soutenant le recrutement de 6 000 éléments supplémentaires pour l’armée.
Pour Paris, il est extrêmement dangereux pour un pays où plus d’un cinquième de sa population a été déplacé. Le tissu social ainsi que la cohésion nationale seraient menacés à terme au point que le ministre français des armées Sébastien Lecornu n’hésite pas à mettre en garde d’une « guerre civile imminente » à cause de la guerre lancée par Israël et l’affaiblissement du Hezbollah !!!
Le ministre français fonde ses craintes sur l’ampleur du déplacement de la population, et les probables tensions inter confessionnelles. En somme, la France semble déterminée pour aider le Liban. Mais, sa politique libanaise a besoin d’un réexamen pour devenir utile et efficace.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com