Visite d’État d'Emmanuel Macron en Arabie saoudite: renforcement du partenariat franco-saoudien

Le programme chargé de Macron prouve l’importance de cette visite à un moment particulier pour les deux partenaires. (AFP)
Le programme chargé de Macron prouve l’importance de cette visite à un moment particulier pour les deux partenaires. (AFP)
Short Url
Publié le Mardi 03 décembre 2024

Visite d’État d'Emmanuel Macron en Arabie saoudite: renforcement du partenariat franco-saoudien

Visite d’État d'Emmanuel Macron en Arabie saoudite: renforcement du partenariat franco-saoudien
  • La coordination bilatérale portera sur un ensemble de projets et d'événements organisés par l'Arabie saoudite 
  • Paris espère que sa contribution va confirmer «la position de la France en tant que partenaire majeur et fiable de l'Arabie saoudite»

Le drapeau français flotte aux côtés du drapeau saoudien à Riyad pendant trois jours, durant la visite du président français Emmanuel Macron dans le royaume d’Arabie saoudite du 2 au 4 décembre. Cette visite d’État (la plus importante dans la hiérarchie protocolaire) reflète la qualité des relations existantes entre les deux parties et notamment les relations suivies qui lient le président français au prince héritier d’Arabie saoudite, le prince Mohammed ben Salmane.

En se rendant dans un pays en pleine mutation et incontournable acteur dans une région troublée, le chef d’État français compte garder la place de la France dans une zone cruciale pour les enjeux mondiaux. 

À travers plusieurs entretiens avec l’homme fort du pays, le prince héritier Mohammed ben Salmane, Emmanuel Macron s’appuie sur l’expérience du travail avec le Royaume et son récent rôle dans la conclusion d'un cessez-le-feu au Liban pour consolider les liens de confiance entre les deux pays et traiter de crises qui agitent la région. Cette visite qui intervient dans un contexte mondial agité, quelques semaines avant le retour de Donald Trump à la présidence américaine, serait aussi l’occasion de dessiner les contours d’une relation spéciale et multidimensionnelle entre Riyad et Paris.

Reflets d’une visite «exceptionnelle»

Selon des sources de la présidence française, la troisième visite de Macron en Arabie saoudite depuis son installation à l’Élysée, est qualifiée d’«exceptionnelle» en raison de son contexte et de ses thèmes. Le retour de Macron chez un allié historique de la France s’inscrit dans un cadre local changé par rapport à 2021 (lors de sa deuxième brève visite) et alourdi par le bouillonnement régional depuis le 7 octobre 2023.

La volonté de dynamiser des «relations stratégiques» permettra «la manifestation d'une ambition commune et renouvelée» pour les dix prochaines années qui s'appuiera sur un plan d'action commun synchronisé avec les objectifs de la Vision 2030 développée sous l'impulsion du prince héritier, qui a engagé le pays dans un processus de transformation et d'ouverture économiques. La France compte à cette occasion confirmer son soutien et sa contribution à ce processus. 

La coordination bilatérale portera sur un ensemble de projets et d'événements organisés par l'Arabie saoudite comme l’Exposition internationale de 2030, ou les «Jeux olympiques d’hiver»; Ce qui permet aux deux pays de travailler et d’investir ensemble dans ce domaine.

Paris espère que sa contribution va confirmer «la position de la France en tant que partenaire majeur et fiable de l'Arabie saoudite» dans sa vision de développement de la diversification de son économie et de ses ambitions culturelles et touristiques.

Paris estime que l'expérience phare de développement d'AlUla, à laquelle la France contribue, «peut être un exemple de ce que les deux parties peuvent faire».

Le volet politique de la visite 

La situation internationale tendue et les crises régionales offrent aux deux parties l'opportunité de «lancer des initiatives de paix et de sécurité dans la région et au-delà, ainsi que de travailler sur les défis globaux». Sur le plan politique, les discussions porteront sur des questions brûlantes, comme la situation à Gaza, au Liban, au Yémen et en Syrie, ainsi que d’autres questions liées à l’escalade dans la région, en référence au dossier nucléaire iranien et au rôle régional de Téhéran.

Quant à la guerre de Gaza, Paris apprécie les contributions apportées par Riyad dans le cadre de la Ligue arabe et de l'Organisation de la coopération islamique, et son initiative pour instaurer «la coalition internationale, pour la création d'un État palestinien et la solution à deux États». Les discussions permettront de travailler avec l’Arabie saoudite pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza «dès que possible» et de lancer la libération des otages, la protection des civils et, à terme, une sortie de la guerre avec une solution politique. Selon Paris, le cessez-le-feu au Liban pourrait entraîner des répercussions sur le cessez-le-feu à Gaza.

Attention particulière pour le dossier libanais 

Sans doute, les deux parties vont placer le dossier libanais au cœur de leurs pourparlers. L’accent serait mis sur l’élection d’un président de la République pour combler le vide à la tête de l'État libanais et établir un gouvernement. Les deux pays devraient accorder leurs actions dans le cadre du comité de cinq membres (avec les États-Unis, l’Egypte et le Qatar) pour sortir de la crise constitutionnelle au Liban.

La France veut y travailler, en coopération avec l'Arabie saoudite, comme l'ont indiqué des sources de l'Élysée, «pour renforcer le cessez-le-feu, soutenir l’armée libanaise et prêter attention au processus de reconstruction».

Selon un ancien ambassadeur français dans la région, Macron va tenter de persuader le Royaume de s’engager plus dans ce dossier aux côtés de la France. Mais, ce diplomate reconnaît que les points de vue de Paris et de Riyad ne sont pas identiques. Néanmoins, Paris espère avancer avec l'Arabie saoudite sur certains aspects du dossier libanais, notamment le dossier présidentiel autour d’un candidat capable de relever le défi de cette époque.

Sur un plan plus large y compris le volet iranien, la rencontre entre le prince héritier saoudien et le président Macron sera axée sur «la stabilité régionale» et dans ce sens, les messages de Paris adressés à Téhéran tournent autour de «la nécessité de cesser de soutenir les partis qui contribuent à déstabiliser la région». De même, les récentes positions fermes de la troïka européenne concernant le dossier nucléaire iranien démontrent l’attachement de Paris à la sécurité régionale 

Échanges variés et projets d’avenir 

Les discussions entre les deux dirigeants porteront sur l’approfondissement des «coopérations dans des domaines stratégiques», notamment la défense, la sécurité, la transition énergétique et la connectivité.

Au-delà d'un calendrier qui ne sert pas certainement les intérêts industriels du secteur de La Défense, ce déplacement ne sera pas l'occasion de signer de gros contrats dans le domaine de l'armement, malgré la forte présence de hauts responsables de ce secteur au sein de la délégation française liés aux dossiers de Rafale, de satellites de surveillance, et d'avions de mission (A400M)... Mais, une source de l’industrie de La Défense révèle une possible chance pour le Rafale en Arabie saoudite grâce au veto allemand sur l'exportation de l'avion Eurofighter Typhoon, fabriqué par le consortium Eurofighter.

Les échanges ne se limiteront pas à ces secteurs, selon une source de l’Élysée, qui précise: «Les discussions porteront également sur les domaines d’investissement d’avenir, à l’instar de la fintech, de la cybersécurité et de l’intelligence artificielle, alors que la France organisera, en février prochain, le Sommet pour l’action sur l’IA».

Le programme chargé de Macron prouve l’importance de cette visite à un moment particulier pour les deux partenaires. 


Khattar Abou Diab est politologue franco-libanais, spécialiste de l'islam et du Moyen-Orient, Directeur du « Conseil Géopolitique -Perspectives». 

X: @abou_diab

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

.