L’incontournable rôle de l’Arabie saoudite dans l’avènement d’un nouveau système régional

Le premier ministre libanais désigné Nawaf Salam (à droite) serre la main du ministre saoudien des affaires étrangères Faisal bin Farhan avant leur rencontre à Beyrouth le 23 janvier 2025. (AFP)
Le premier ministre libanais désigné Nawaf Salam (à droite) serre la main du ministre saoudien des affaires étrangères Faisal bin Farhan avant leur rencontre à Beyrouth le 23 janvier 2025. (AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 24 janvier 2025

L’incontournable rôle de l’Arabie saoudite dans l’avènement d’un nouveau système régional

L’incontournable rôle de l’Arabie saoudite dans l’avènement d’un nouveau système régional
  • La diplomatie saoudienne est adaptable, car la priorité de Riyad reste la restauration d’une stabilité régionale qui sert ses intérêts nationaux
  • Le Royaume met l’accent sur la mise en œuvre du plan de modernisation et de diversification économique (Vision 2030)

En s’imposant comme l’indispensable interlocuteur diplomatique sur la scène mondiale, l’Arabie saoudite, présente en force sur l’échiquier régional, a récemment accentué ses démarches et initiatives pour faire face aux bouleversements en cours depuis le 7 octobre 2023. Son objectif principal demeure la sauvegarde de la sécurité nationale et arabe et la prévention d’un chaos régional. 

Riyad force de stabilisation 

Le 10 mars 2023, l’Arabie saoudite et l’Iran annoncent avoir signé un accord sous l’égide de la Chine pour la reprise de leurs relations diplomatiques. Cet événement intervenait sept mois avant l’étincelle du 7 octobre engendrant des guerres et lançant un processus de recomposition du Moyen-Orient. Bien avant cette année charnière, la diplomatie saoudienne a œuvré pour resserrer les liens au sein du Conseil de coopération du Golfe et normaliser les relations avec la Turquie, ce qui a permis de consolider la place de l’Arabie comme leader arabe et musulman. Ces succès d’une diplomatie constructive ont comme toile de fond les atouts du pays: pays abritant les deux lieux saints de l’islam; puissance pétrolière et leader de l’Opep +; première puissance économique du Moyen-Orient et aussi le plus riche pays arabe. 

Dans ce cadre s’inscrit le projet de faire du développement économique le pilier d’une nouvelle stabilité dans la région (après les secousses du Printemps arabe et les accords de paix israélo-arabes sous Trump I). Cela fut contrarié par les événements du 7 octobre 2023 et leurs conséquences. 

Diplomatie réaliste, équilibrée et flexible

Les répercussions du 7 octobre ont menacé la stabilité et le développement économique souhaité. Elles ont accru les défis auxquels est confronté le royaume d'Arabie saoudite, qui aspire à jouer un rôle de pionnier dans le monde arabe et islamique.

Ceci démontre que l’économie à elle seule n’est pas le déclencheur de conflits.  De même, la stabilité est difficile à atteindre dans une région troublée qui se situe entre les griffes des projets impériaux et la compétition géopolitique dans une région riche par ses ressources et sa taille sur le marché mondial de l’énergie. À partir de là, Riyad a commencé à travailler pour adapter sa politique à la nouvelle situation, dans une approche visant à renforcer l'indépendance stratégique et la diversité des partenaires extérieurs. Mais à la lumière de relations distinguées nouées avec Donald Trump durant son premier mandat (malgré quelques divergences), Riyad espère que l’administration Trump II contribuera à établir un nouvel équilibre au Moyen-Orient qui sert les desseins saoudiens.

La diplomatie saoudienne est adaptable, car la priorité de Riyad reste la restauration d’une stabilité régionale qui sert ses intérêts nationaux, en mettant l’accent sur la mise en œuvre du plan de modernisation et de diversification économique (Vision 2030). Pour atteindre cet objectif, Riyad n’a pas complètement fermé la porte aux efforts américains pour une normalisation future avec Israël, stipulant que cela serait lié à l’adoption d’un horizon clair pour une solution à deux États et une justice pour les Palestiniens. Dans le même temps, Riyad tournait la page des affrontements, que ce soit avec son rival iranien ou avec la Turquie, l'autre acteur régional.

Dans le contexte de développements sur la scène régionale et de l’accélération des événements au Liban et en Syrie, Riyad montre son leadership dans le suivi de la situation des deux pays. Il convient de noter le grand apport saoudien dans les efforts qui ont abouti à l’élection présidentielle au Liban après un vide constitutionnel durant 25 mois, et il est remarquable à ce propos, l’annonce par le nouveau président libanais, Joseph Aoun, que l’Arabie saoudite serait sa première destination lors de ses visites à l’étranger, compte tenu du «rôle historique du Royaume dans le soutien au Liban».

Avec la nomination du juge Nawaf Salam au poste de Premier ministre libanais le 13 janvier, l'espoir a augmenté pour la restauration de la construction de l'État libanais, ce qui permet d’établir des relations solides entre Beyrouth et Riyad.

En surveillant les changements régionaux, nous observons également l’approche saoudienne visant à réhabiliter la Syrie pour en faire un pays sûr et stable, capable de se remettre des effets de l’ère précédente.

Dans un premier temps, Riyad a fait preuve de prudence avec le nouveau dirigeant syrien, Ahmed al-Charaa, soutenu par la Turquie et le Qatar. Cependant, la performance du gouvernement intérimaire syrien et sa focalisation sur la priorité des intérêts syriens ont incité Riyad à adopter une autre approche, représentée par la Conférence régionale-internationale de Riyad (12 janvier), qui a constitué un changement dans l'approche arabe et internationale à l’égard de la Syrie.

Le succès de la transition politique en Syrie sera, aux yeux de Riyad, un gage de stabilité régionale. Le parrainage saoudo-arabe vise à parer aux dangers auxquels pourraient faire face le royaume d’Arabie saoudite et ses alliés arabes: la résurgence du terrorisme, l’influence turque unilatérale, les visées israéliennes et les projets de fragmentation de la Syrie.

En conclusion, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane continue de mettre en œuvre des réformes internes et de défendre la stabilité régionale et les droits légitimes du peuple palestinien, malgré les bouleversements et les troubles. Il déploie une approche globale qui remodèle le rôle régional du Royaume et l’aide à parachever sa diversification économique et à assumer un leadership durable en faveur de la paix et la sécurité pour les peuples de la région. La réussite de Riyad contribuera effectivement à la recomposition géopolitique du Moyen-Orient.

 

Khattar Abou Diab est politologue franco-libanais, spécialiste de l'islam et du Moyen-Orient, Directeur du « Conseil Géopolitique -Perspectives». 

X: @abou_diab

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.