Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et son discours radical font écho aux succès électoraux de l’extrême droite ces derniers mois en Europe. Mais, l’effet Trump 2 secoue l’Union européenne et les relations transatlantiques.
Ainsi, l’Union européenne pourrait-elle s’adapter au changement américain, tout en réduisant ses handicaps et traiter ses problèmes structurels afin de mettre un terme à sa dépendance stratégique par rapport aux USA et de s’ériger en un nouveau pôle géopolitique.
L’électrochoc Trump provoque des craintes européennes
La victoire de Trump provoque une panique dans un Vieux continent en grande partie à la dérive, à cause de son positionnement international et de sa gestion de la guerre d’Ukraine et des difficultés économiques.
Mais, il n’est pas inutile de rappeler que l’Union européenne a déjà survécu à une présidence Trump 1 et elle s’adapte à la présidence Trump 2. Les responsables concernés à Bruxelles – siège de l’Union – refusent d'endosser une approche négative à l'égard du comportement de la prochaine administration de l'autre côté de l'Atlantique, afin de ne pas nuire aux relations délicates entre les deux parties. Ils espèrent que l'engagement de Washington envers l'Otan et la sécurité européenne reste fort, mais ceci pourrait dépendre d’un engagement européen concernant l'augmentation des dépenses de défense des pays européens.
Cependant, dans les capitales européennes, on estime que le retour du grand perturbateur donnerait confiance au président russe Vladimir Poutine. Pour cela, il est probable que l’Europe demande à Washington de permettre à l’Ukraine de déterminer elle-même le moment de sa participation au processus de négociations et les conditions nécessaires à cette participation, tout en appelant à continuer de donner à Kiev tous les moyens nécessaires pour se défendre.
L’inquiétude ne se limite pas à la position sur la guerre en Ukraine, mais s’étend plutôt à une approche unilatérale de l’Amérique qui ne prend pas en compte les intérêts des alliés.
À chaque transition à la Maison Blanche, l’Union européenne fonde la majorité de ses options de politique étrangère sur les tendances dégagées de Washington. Désormais, à l’aube de son nouveau mandat présidentiel, Donald Trump mettra en œuvre ce qu'il a dit sur sa politique étrangère, qui sera basée sur: la perturbation du libre-échange; l'unilatéralisme; la condamnation des organisations internationales et de la diplomatie multilatérale; la détestation de l'Union européenne simplement parce qu'elle enregistre un excédent commercial avec les États-Unis; la déférence à l’égard de puissants autocrates; la négligence des dangers de l'influence russe en Europe; le déni de changements climatiques et de ses effets; et l’indifférence envers la nature des systèmes politiques.
Dans ce cadre, l’annonce des premières nominations à l'administration semble confirmer ces « axiomes trumpiens ».
C’est ainsi que la plupart de dirigeants Européens pensent qu’ils vont souffrir de l’ère Trump qui enflammerait les divisions politiques à travers le continent. Mais cela n’inclura bien sûr ni l’ami de Trump, le président hongrois Victor Orban, qui partage ses idées, ni la cheffe du gouvernement italien Georgia Meloni, qui tentera de jouer le rôle de médiateur entre les États-Unis et les institutions européennes.
Globalement, l'Union européenne et d’autres acteurs du monde redoutent le choc du retour de l'homme aux cheveux d'or sur la scène internationale, car il impute les difficultés de l'Amérique aux Autres comme: l'immigration, la mondialisation et les engagements étrangers de Washington.
Trump maintient simplement son engagement en faveur d’une armée forte, mais cela ne garantira pas que son pays demeurera la seule hyper puissance et ce sera son problème. Quant aux préoccupations de l'Europe, elles ne peuvent être résolues sans s'attaquer à sa crise structurelle et sans se transformer en un pôle géopolitique performant.
L’extrême droite européenne et l’exemple de Trump
Dans le monde de Trump, il y aura des gagnants sur la scène politique européenne, notamment les partis de droite conservatrice et les partis d'extrême droite, qui tenteront de profiter des effets du retour du trumpisme pour renforcer leurs positions ou engranger de nouveaux succès.
Sans doute, la réélection de Trump aurait un impact profond sur la politique nationale en Europe, renforçant potentiellement les partis et mouvements populistes d’extrême droite qui adhèrent aux mêmes politiques antilibérales et nationalistes mises en avant par Trump, telles que « Rendre sa grandeur à l'Amérique ».
Le retour de Trump intervient dans un contexte européen troublant. Au cours des trois dernières années, l’Union européenne a souffert des progrès inquiétants de l’extrême droite nationaliste dans des pays comme les Pays-Bas, la Hongrie, la France, l’Espagne, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie.
Dans ce sillage, l’Union européenne craint que l'arrivée du républicain D. Trump à la Maison Blanche n'entraîne un soutien important aux mouvements nationalistes d'extrême droite qui prospèrent sur le Vieux continent et voient dans le prochain président américain un modèle inspirant. Sans aucun doute, le débat sur l’immigration et les racines chrétiennes de l’Europe va s’intensifier.
Sans mâcher ses mots, le président nationaliste de la Hongrie, Viktor Orban, a écrit que « la victoire de Trump est considérée comme nécessaire pour le monde ». De même, Marine Le Pen applaudit la prochaine ère de Trump comme « une nouvelle ère (…) de coopération constructive sur la scène internationale ». Il n’est pas surprenant que Le Pen espère répéter l'expérience de Trump en Europe si elle remporte la présidence française lors des prochaines élections, compte tenu du poids et de l'influence de la France en Europe.
L’Union européenne appréhende le déclenchement par Trump d’une guerre commerciale destructrice, au moment d’une faiblesse européenne avec une économie chancelante, une crise en Allemagne et une instabilité en France. Au cours de son premier mandat, Trump a un jour qualifié l’UE de « plus grand ennemi des États-Unis ». Ce manque de confiance et l’expérience passée mèneraient l’Europe à regarder probablement de l’autre côté de l’Atlantique avec un sérieux ressentiment… et des craintes.
Khattar Abou Diab est politologue franco-libanais, spécialiste de l'islam et du Moyen-Orient, Directeur du « Conseil Géopolitique -Perspectives». X: @abou_diab
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