Nouveau rapport de forces: plaidoyer d’Emmanuel Macron pour une Europe «forte et unie»

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Publié le Vendredi 04 avril 2025

Nouveau rapport de forces: plaidoyer d’Emmanuel Macron pour une Europe «forte et unie»

Nouveau rapport de forces: plaidoyer d’Emmanuel Macron pour une Europe «forte et unie»
  • Le président Emmanuel Macron ne cesse de réitérer ses appels pour le développement de la défense française et la construction de la défense européenne
  • Il a même appelé à la construction d’une «armée européenne»

À ce stade de mutations du système international, l’Union européenne se trouve en position inconfortable et risque d’être marginalisée par rapport aux nouveaux équilibres internationaux qui se dessinent. Pour faire face à ce changement stratégique, le président français Emmanuel Macron plaide pour une Europe «forte et unie». Cependant, l’absence de l’élan européen commun et le manque de moyens suffisants pour Paris affaiblissent le dynamisme de la diplomatie française. Mais le nouveau rapport de forces international et les nouvelles orientations de décideurs européens commencent à produire des effets relativement positifs concernant la défense européenne. 

L’objectif d’une «Europe puissance»

Il est utile de rappeler que depuis son arrivée à l’Élysée en 2017, le président Emmanuel Macron n’a cessé de réitérer ses appels pour le développement de la défense française et le renforcement de la défense européenne, et il en est arrivé au point, après la guerre d’Ukraine, d’en pressentir le danger et d’appeler à la construction d’une «armée européenne». Mais l’Union européenne, qui reste une alliance de nations ayant des intérêts et des politiques différents, ne s’est pas positionnée en tant que «pôle géopolitique» et est restée avant tout un «pôle économique».

Mais, depuis trois ans, à la suite du déclenchement de la guerre d’Ukraine, les décideurs dans le vieux continent s’alarment, mais prennent-ils conscience de la construction nécessaire d’une «Europe puissance», autonome ou capable de peser au sein de l’Otan? 

Pour les Européens, cette récente période se caractérise par un triple choc:  un choc avec le retour à une guerre inter étatique majeure en Europe et la prise de conscience d’une «Russie revancharde». Le deuxième choc, c’est le constat de l’entrée dans un univers post-occidental, dans un monde de transactions entre puissances. Le troisième choc est venu de l’outre-Atlantique avec la confirmation du désengagement américain en Europe, au profit d’un repli intérieur ou d’un pivot vers l’Asie. 

Cette hypothèse d’un possible rapprochement américano-russe nous rappelle la prédiction du général Charles de Gaulle en novembre 1959, d’un risque de partage du monde entre les deux puissances qui monopolisent les armes nucléaires. Pour cela, le fondateur de la Ve République adopte la «théorie de la dissuasion nucléaire indépendante» et la fabrication de la première bombe nucléaire française en 1960.

65 ans plus tard, face aux desseins inconnus de l’Otan et les effets de la guerre en Ukraine, le réveil européen semble bien tardif, même si Paris continue d’appeler à adopter une approche conduisant à l’indépendance stratégique européenne.

Emmanuel Macron se pose en sauveur de l’Europe 

Dans cet ambigu contexte du «chaos international» et compte tenu du concept de la politique de défense de la France, Emmanuel Macron s’active pour développer une réponse européenne adéquate pour bâtir à terme l’Europe puissance. 

L’Europe, qui est déjà une grande puissance non hégémonique en matière d’économie et de régulation, ne pourrait pas demeurer indéfiniment dépendante du « parapluie stratégique américain ». À la suite de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, et le retard de l’Allemagne dans ce domaine, la France semble bien placée pour conduire l’action de l’UE. Mais, vu la place historique de l’Angleterre dans la défense européenne, et à la suite de la nouvelle orientation américaine, Macron privilégie aussi la coordination entre Paris, Londres, Berlin et Varsovie pour affronter la déchirure inter occidentale.

Ces efforts français commencent à donner leurs résultats. Ainsi, sous l’impact du triple choc décrit ci-dessus, la présidente de la Commission européenne, Ursula von Dar Leyen, a annoncé un plan de réarmement de l’Europe de 800 milliards d’euros, dont 150 milliards sous forme de prêts garantis ce qui menace le pacte de stabilité monétaire de l’Union et ses répercussions sur l’état de l’économie.

Le chemin semble ardu pour atteindre cet objectif, surtout à court terme, et le succès dépendra de l’évolution de la situation intérieure dans plusieurs pays européens et de l’évolution de la situation internationale.

Cependant, les positions de cercles de décision en Europe semblent plus rassurantes car, ces dernières semaines, ils saisissent le sens de l’urgence pour construire des politiques européennes adaptées. Mais les décisions nationales pourraient freiner l’optimisme nuancé car ce sont finalement des pays européens qui doivent investir des milliards d’euros pour leur défense et la modernisation de leurs économies, et contournent les contradictions entre priorité stratégique, impact social et égoïsme national.

Khattar Abou Diab est politologue franco-libanais, spécialiste de l'islam et du Moyen-Orient, Directeur du « Conseil Géopolitique -Perspectives». 

X: @abou_diab

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.