L’armée israélienne a déclaré samedi avoir tué le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d’une frappe aérienne sur le quartier général souterrain de l’organisation dans le sud de Beyrouth la nuit précédente. La question est la suivante, que se passera-t-il après la mort de Nasrallah. Où son assassinat mènera-t-il le Liban et la région?
Quel sera l’effet sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et sur l’Iran, et quel rôle les États-Unis essaieront-ils de jouer pour jongler avec tous ces événements? Netanyahou sait qu’à l’approche des élections américaines, il y a une vacance de pouvoir. Il a une opportunité jusqu’au 5 novembre, et il l’utilisera donc au maximum. Après la réussite de l’attaque des bipeurs, le dirigeant israélien s’en est pris à Nasrallah. Maintenant que cette menace pour Israël a été éliminée, que va faire Netanyahou? Sera-t-il dissuadé? C’est peu probable, car il y verra une occasion de modifier le statu quo actuel et d’imposer de nouvelles conditions aux pays de la région, en particulier le Liban.
Les événements peuvent conduire soit à une désescalade et à un accord régional, soit à une nouvelle escalade. Tout dépend de la capacité des États-Unis à freiner Netanyahou. En principe, Washington devrait tirer parti de l’assassinat pour faire pression sur Netanyahou afin qu’il mette fin à la guerre au Liban et, idéalement, à Gaza. Toutefois, l’administration actuelle est concentrée sur les élections et ne prendra aucune décision. Le Liban n’a aucune force de dissuasion. Pour Israël, la dissuasion iranienne est également compromise. Le Hezbollah était la ligne de front de l’Iran contre Israël. Par conséquent, nous devons surveiller de près le comportement de Netanyahou au cours des deux prochains mois.
L'assassinat est susceptible d’enhardir Netanyahou, qui voit maintenant l’occasion d’imposer un nouveau paradigme. Il est peu probable qu’Israël cesse de bombarder le Liban. Le chef de l’armée israélienne, Herzi Halevi, a déclaré qu’ils élimineraient toute personne constituant une menace. Il est également peu probable que le Hezbollah soit totalement détruit. Israël veut que le groupe hisse le drapeau blanc, ce qu’il ne fera pas.
L'assassinat d’une personnalité de premier plan telle que Nasrallah est une réussite majeure que Netanyahou peut présenter à son peuple comme une victoire, et l’utiliser pour mettre fin à la guerre et conclure un accord de prise d’otages avec le Hamas. Cependant, il ne semble pas vouloir s’arrêter. Il essaiera d’utiliser les deux prochains mois pour en tirer le maximum de bénéfices. Jusqu’à présent, Netanyahou s’est heurté à la résistance de ses voisins. Le roi Abdallah de Jordanie et le président Abdel Fattah El-Sisi d’Égypte ont catégoriquement refusé tout déplacement des Palestiniens vers leur pays. C’est pourquoi la campagne menée par Israël pour éradiquer les “groupes et cellules terroristes” en Cisjordanie a été interrompue.
“Il est temps de comprendre que les États-Unis sont occupés par leurs élections.”
Dr. Dania Koleilat Khatib
À moins qu’il n’y ait quelqu’un pour diriger les événements, un Netanyahou débridé plongera la région dans un chaos encore plus grand. Dans son discours à l’Assemblée générale des Nations unies, il a juré de ne pas s’arrêter avant d’avoir remporté une victoire totale. Il est donc peu probable qu’il présente l’assassinat de Nasrallah comme une victoire et qu’il s’en serve pour trouver une solution diplomatique. Israël a utilisé chaque guerre pour gagner plus de terrain et accroître son hégémonie. C’est dans cette guerre que Netanyahou veut établir Israël comme l’hégémon régional que personne ne peut défier, d’autant plus que l’Iran est resté pratiquement inactif dans ce combat. Aujourd’hui, avec l’assassinat du chef du Hezbollah, l’Iran est émasculé. Quelqu’un se mettra-t-il en travers du chemin de Netanyahou? C’est peu probable. Il profitera de cette occasion pour imposer de nouvelles conditions à tout le monde.
Toutefois, ce sombre scénario peut être évité si la région s’unit, met de côté ses différences et élabore une solution. La région ne peut plus attendre les États-Unis. Les États-Unis ne feront rien avant les élections. Les dommages que Netanyahou peut infliger dans les 40 prochains jours pourraient être irréversibles. La menace que représente Netanyahou devrait pousser tout le monde à se rassembler. Et ce, rapidement, le Liban ne peut pas supporter 40 jours supplémentaires des actions de Netanyahou, pas plus que Gaza ou la région.
Le problème dans notre région est que nous attendons toujours une solution de l’extérieur. Il est temps de réaliser que les États-Unis sont occupés par leurs élections et qu’il est peu probable qu’ils fassent pression sur le dirigeant israélien. Netanyahou, quant à lui, avec le goût de la victoire, en voudra toujours plus. La Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Égypte devraient se réunir et décider de mettre fin à cette folie. Le point de départ serait l’Iran. Téhéran devrait contrôler ses mandataires qui sèment le Chaos dans la région en échange de garanties de sécurité de la part de ses voisins. Après tout, pour l’Iran, les mandataires jouent un rôle dissuasif dans un voisinage hostile.
La région doit prendre son destin en main – elle ne peut pas attendre que les États-Unis fassent pression sur Israël. Elle doit agir maintenant avant qu’une nouvelle catastrophe ne se produise et qu’un nouveau déplacement ne se produise comme en 1967.
La Dr Dania Koleilat Khatib est spécialiste des relations américano-arabes, en particulier sur les groupes de pression. Elle est cofondatrice du Research Center for Cooperation and Peace Building (Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix), une ONG libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.