L'avis consultatif de la CIJ sur l'occupation israélienne n'est guère surprenant

C'est le comportement d'Israël en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza qui est à l'origine de la décision de la CIJ. (AFP)
C'est le comportement d'Israël en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza qui est à l'origine de la décision de la CIJ. (AFP)
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Publié le Mercredi 04 septembre 2024

L'avis consultatif de la CIJ sur l'occupation israélienne n'est guère surprenant

L'avis consultatif de la CIJ sur l'occupation israélienne n'est guère surprenant
  • Bien que cet avis consultatif de la Cour internationale de justice ne soit pas juridiquement contraignant, il revêt une importance morale et politique importante
  • En présence d'une certaine volonté politique, il pourrait se transformer en résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies

Si l'avis consultatif, rendu en juillet par la plus haute juridiction des Nations unies et selon lequel l'occupation israélienne des territoires palestiniens est illégale, n'a pas attiré l'attention de la communauté internationale, c'est sans doute parce que la plupart des observateurs estiment qu'il s'agit d'une lapalissade.

Toutefois, comme l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est se poursuit actuellement à un rythme effréné, la perspective d'une présence militaire israélienne à Gaza pour les années à venir est devenue très réelle. Et comme certains éléments extrêmes au sein du gouvernement israélien préconisent la construction de colonies dans la bande de Gaza, il est plus important que jamais d'accentuer cette évidence. L'importance de cet avis consultatif est d'autant plus grande que c'est la première fois que la Cour se prononce sur la légalité de l'occupation qui dure depuis 57 ans, en mettant clairement en évidence son caractère illégal.

Bien que cet avis consultatif de la Cour internationale de justice ne soit pas juridiquement contraignant, il revêt une importance morale et politique importante et, en présence d'une certaine volonté politique, il pourrait se transformer en résolution contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce document juridique long et instructif pourrait également servir de guide pour le comportement des différents pays, des organisations internationales et des entreprises, en clarifiant la manière dont ils doivent se comporter vis-à-vis de l'occupation, des colonies, des colons et de ceux qui les soutiennent.

L'Assemblée générale des Nations unies a demandé à la Cour de donner son avis sur les politiques et les pratiques d'Israël à l'égard des territoires occupés et sur le statut juridique de l'occupation, y compris Jérusalem-Est, ce qui établit un lien entre les aspects politique et juridique de ce document. Il appartient désormais à l'Assemblée générale des Nations unies et à ses États membres de décider comment ils traduiront cet avis de la Cour en une résolution et des politiques significatives qui mettront fin à l'occupation et conduiront à la fin du conflit israélo-palestinien, sur la base du droit à l'autodétermination des deux peuples afin qu'ils puissent vivre en paix et en sécurité côte à côte.

La réaction du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à l'avis consultatif témoigne d'un mépris total du droit international.

                                                    Yossi Mekelberg

La réaction du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à l'avis consultatif témoigne d'un mépris total du droit international et d'une indifférence délibérée à l'égard de l'isolement international vers lequel il mène son pays. Après avoir qualifié d'« absurde » et de « décision mensongère » le fait que la Cour ait qualifié l'occupation d'illégale, il a ajouté : « Le peuple juif n'est pas un occupant sur sa propre terre – ni dans notre capitale éternelle, Jérusalem, ni dans notre héritage ancestral de Judée et de Samarie (la Cisjordanie). » Il nie donc que ces territoires aient été acquis par la force militaire et que, conformément au droit humanitaire international, toute occupation doit être temporaire, sans parler du fait que le mouvement sioniste ait accepté la partition de la Palestine sous mandat, qui a facilité la création d'Israël et la reconnaissance internationale dont il jouit dans ses frontières d'avant juin 1967.

C'est le comportement – ou, plus exactement, le comportement abusif – d'Israël en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza qui est à l'origine de cette décision. En vertu du droit international, la puissance occupante ne doit pas modifier les conditions qui l'ont amenée à acquérir la souveraineté sur le territoire occupé et elle est tenue de respecter les lois et les institutions existantes du territoire occupé, dans la limite du raisonnable. Tout cela repose sur l'hypothèse qu'une occupation est temporaire, comme il se doit.

La droite israélienne fait valoir que les territoires occupés n'étaient pas sous le contrôle des Palestiniens lorsqu'ils ont été occupés en 1967 et qu'il était donc nécessaire d'établir des structures et des mécanismes de gouvernement. Aussi valable que soit cet argument, ces structures et mécanismes n'auraient dû être utilisés que pour une durée limitée, jusqu'au transfert du pouvoir politique à la population locale pour qu'elle puisse exercer son droit à l'autodétermination et non comme un outil pour l'opprimer et perpétuer le contrôle israélien sur ces territoires.

Au lieu de cela, depuis des décennies, et en particulier pendant les années Netanyahou, des efforts israéliens ont été déployés pour enterrer la solution à deux États en modifiant la situation sur le terrain, de manière à ce qu'un État viable avec un territoire contigu soit de plus en plus difficile à mettre en place.

Israël a également contesté la capacité juridique de la Cour internationale de justice à examiner cette question, mais la Cour l'a réprimandé, estimant à l'unanimité qu'elle a compétence pour donner un avis consultatif sur toute question posée par l'Assemblée générale des Nations unies. Après tout, cet organe de l'ONU a soumis à la Cour la question la plus pertinente, à savoir comment les politiques et les pratiques de l'occupation modifient le statut de l'occupation. Les réponses sont cruciales pour la possibilité de conclure un futur accord de paix.

C'est le comportement d'Israël en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza qui est à l'origine de cette décision.

                                                 Yossi Mekelberg

La Cour a également rejeté l'idée qu'elle devrait s'abstenir d'aborder la question de la légalité de l'occupation, car cela risquerait d'interférer avec les négociations de paix israélo-palestiniennes telles que définies par les accords d'Oslo et les accords ultérieurs. Cet argument aurait pu être amusant s'il n'avait pas été aussi triste.

Compte tenu de l'état actuel des relations entre Israéliens et Palestiniens, il est difficile d'imaginer comment une décision de justice pourrait exacerber les désaccords entre les deux parties et, par conséquent, compromettre l'issue de négociations (inexistantes). Dans la catégorie arguments absurdes, celui-ci est indéniablement le meilleur.

Il n'y a pas de négociations de paix en cours et sous tous les gouvernements Netanyahou – l'actuel en particulier – l'idée d'une solution à deux États a été totalement rejetée, y compris par un récent vote de la Knesset, adopté à une large majorité, qui a déclaré que la création d'un État palestinien dans les territoires occupés constituerait un danger pour Israël. La conséquence en est la perpétuation d'une occupation qui a été jugée illégale par la plus haute cour internationale, de même que toutes ses pratiques, notamment la construction de colonies, parce qu'elles ne mènent qu'à une seule direction : l'annexion de vastes parties des territoires occupés.

Cet avis consultatif de la Cour mondiale ne pouvait être plus clair en affirmant que l'État d'Israël est dans l'obligation de mettre fin à sa présence illégale dans les territoires occupés le plus rapidement possible. Si Israël se demande comment cette décision a été prise, il faudra avant tout qu'il s'attarde sur ces années d'occupation brutale qui viole les droits fondamentaux des Palestiniens et à l'accaparement par l'État hébreu de terres pour construire ses colonies, ce qui affaiblit les mouvements pour la paix dans les deux sociétés et entrave toute initiative dans cette direction. La réponse est plus qu'évidente.

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. 

X: @YMekelberg      

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com