Depuis le 7 octobre, le Hezbollah a perdu de nombreux responsables opérationnels à la suite de frappes israéliennes. L'une des cibles les plus récentes, Fouad Chokr, était un haut responsable militaire du groupe. Il a été désigné comme terroriste par le département d'État américain, qui avait promis, en 2017, une récompense de 5 millions de dollars (1 dollar = 0,92 euro) à quiconque aiderait à sa capture. Le 30 juillet, Chokr est mort dans une attaque israélienne à Beyrouth. L'assassinat d'un commandant aussi haut placé place les dirigeants du Hezbollah face à un dilemme: riposter ou s'abstenir de le faire. Dans les deux cas, ils devront faire face à de graves conséquences.
Hassan Nasrallah, le chef du groupe, a déclaré, lors d'une allocution télévisée jeudi dernier que la réponse viendrait quand cela leur conviendrait et quand ils trouveraient une option de cible appropriée. Le Hezbollah et l'Iran font l'objet d'innombrables moqueries sur les réseaux sociaux. Toutefois, contrairement à l'Iran, le Hezbollah n'est pas seulement confronté à des ennemis externes, mais aussi à des menaces intérieures. Le groupe ne peut se permettre de montrer sa faiblesse à ses ennemis sur le plan intérieur. Il est donc impératif de réagir.
Cependant, à Téhéran, la situation pourrait être perçue différemment. Ayman Safadi, le ministre jordanien des Affaires étrangères, fait la navette dans la région pour tenter de trouver une formule de désescalade. Ce qui est proposé aujourd'hui, c'est que l'Iran renonce à sa promesse de venger l'assassinat du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, en échange d'un cessez-le-feu à Gaza. Le 8 août, le président américain Joe Biden, le dirigeant égyptien Abdel Fattah al-Sissi et l'émir du Qatar Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ont publié une déclaration commune appelant à une trêve et à la fin des souffrances de la population de Gaza et des familles des otages.
Un site d'information libanais a déclaré que le Hezbollah vengerait l'assassinat de son principal chef militaire, quels que soient les efforts des médiateurs. Le Hezbollah doit rétablir la dissuasion. Rien ne peut empêcher Israël de poursuivre ses assassinats à la suite du 7 octobre. Certains de ces assassinats étaient probablement fondés sur des renseignements recueillis par le biais de ses réseaux d'informateurs au fil des ans. Personne ne sait qui ils poursuivent encore. Le principal objectif du Hezbollah sera de mettre fin à la série d'assassinats. Cela peut-il se faire sans rétablir la dissuasion et faire comprendre à Israël qu'il paiera un lourd tribut pour chaque assassinat ?
Cependant, si le Hezbollah réagit, il devra également faire face à de graves conséquences. Le problème de la guerre est qu'elle comporte de nombreux éléments inconnus. Le Hezbollah ne sait pas comment Israël réagira. Le conflit peut rapidement dépasser les règles d'engagement établies. Israël transformera-t-il le Liban en Gaza ? Un cessez-le-feu permettra-t-il au groupe de se retirer en douceur ? C'est possible, mais une trêve ne garantit pas qu'Israël mettra fin aux assassinats, d'autant plus que ceux-ci ont été couronnés de succès. Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, avait précédemment déclaré que le Liban et Gaza étaient deux enjeux différents. Un cessez-le-feu ne signifierait donc pas nécessairement qu'Israël laisserait le Hezbollah tranquille.
« Le groupe ne peut se permettre de montrer sa faiblesse à ses ennemis sur le plan intérieur. »
Dania Koleilat Khatib
L'assassinat de Chokr montre clairement que le groupe a été infiltré. Qui aurait pu savoir où le commandant du Hezbollah allait séjourner ? L'information doit provenir d'un cercle restreint. Le groupe est également technologiquement inférieur à Israël, ce qui est un autre signe de faiblesse. Le Hezbollah est censé constituer une résistance à Israël, mais ce dernier a pu le traquer facilement. Le principal objectif du groupe est de mettre fin aux assassinats. Comment y parvenir ? S'il porte un coup douloureux, il pourrait dissuader Israël ou l'encourager à frapper davantage le groupe et le pays.
Si Israël ravage le Liban, les ennemis du Hezbollah lui reprocheront d'avoir entraîné le Liban dans une situation que le pays ne peut pas gérer. Même si le Hezbollah gère la frappe militairement, il lui sera difficile de la gérer politiquement. En 2006, la majorité des Libanais étaient solidaires au moment de l'attaque israélienne. Les divisions n'ont commencé à apparaître qu'après l'attaque. Cette fois, si Israël attaque, les divisions seront plus profondes et l'opposition au groupe plus forte.
Un autre problème se pose : le faible soutien dont bénéficie le Hezbollah à l'intérieur du pays. Une étude du Washington Institute, un groupe de réflexion, a montré que si 93 % des chiites ont une opinion positive du groupe, seuls 29 % des chrétiens et 34 % des sunnites le voient d'un bon œil. Ces divisions pourraient conduire à une guerre civile. Par conséquent, quel que soit le choix, le groupe sera confronté à de graves conséquences. Si Israël frappe durement le Liban, l'adversaire du Hezbollah accusera le groupe d'être responsable de cette calamité. Il pourrait en résulter une guerre civile. Si le Hezbollah ne fait rien, ses ennemis internes seront renforcés et ses partisans déçus. Le groupe se trouve dans une situation difficile.
Si la guerre de 2006 a montré la force du Hezbollah, le conflit actuel met en lumière sa vulnérabilité. C'est un mauvais message à envoyer à la fois à Israël et à ses ennemis internes. Que va-t-il faire ? Accordera-t-il des concessions à ses adversaires internes afin de parvenir à un certain consensus ? Accordera-t-il des concessions sur l'élection d'un président en échange d'un soutien dans sa lutte contre Israël ? Le groupe ne fait confiance à personne et il lui sera difficile de céder le pouvoir sans avoir confiance dans les autres factions libanaises.
L'autre option consiste à se protéger et à éviter de plonger le pays dans une guerre qui pourrait impliquer une tierce partie. Dans mon dernier article, j'ai mentionné que le Liban devrait accepter l'offre d'intervention du dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan. Toutefois, cela signifierait qu'il devrait partager son influence avec les Turcs. Ils ont accepté de partager leur influence avec les Russes en Syrie parce que l'autre option était de perdre complètement la Syrie au profit de l'opposition. Avec la Turquie, ils obtiendront probablement un meilleur accord qu'avec les Russes. Les Russes n'utilisent pas leur défense aérienne en Syrie. Israël se déplace comme bon lui semble et tue le personnel iranien et du Hezbollah qu'il veut. La Turquie pourrait être invitée à protéger l'espace aérien libanais.
Quelle que soit la décision privilégiée par le Hezbollah, il est confronté à un choix difficile. Le groupe ne fera des concessions que lorsqu'il se rendra compte que la situation actuelle est intenable. En a-t-il véritablement conscience ? Nous n'en savons toujours rien.
Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com