Il est minuit moins 90 secondes et une guerre totale se profile au Moyen-Orient

Le système anti-missile israélien Iron Dome intercepte une roquette lancée depuis Gaza. (Reuters)
Le système anti-missile israélien Iron Dome intercepte une roquette lancée depuis Gaza. (Reuters)
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Publié le Jeudi 08 août 2024

Il est minuit moins 90 secondes et une guerre totale se profile au Moyen-Orient

Il est minuit moins 90 secondes et une guerre totale se profile au Moyen-Orient
  • La sympathie initiale pour Israël s'est rapidement dissipée. Les champs de bataille de Gaza ont horrifié le monde entier.
  • Ce que veut Netanyahu, c’est une guerre sans fin contre tous ceux qui représentent une menace pour Israël dans la région.

Il s'agit d'un épisode d'octobre 1973 pour le Moyen-Orient, alors que la région était sur le point de connaître une guerre régionale totale, avec Israël au centre. Ce conflit, dont l'issue n'a pas été concluante, a marqué le début d'une longue et difficile tentative qui vise à mettre une fin à toutes les guerres. Cela a failli être le cas. Octobre 1973 a été une guerre classique en ce sens que les affrontements opposaient Israël à des armées arabes régulières, l'une des parties étant soutenue par les États-Unis et l'autre par l'Union soviétique, aujourd'hui disparue.

Mais cette fois, la situation est différente. C’est Israël qui a allumé la mèche lorsqu’il a lancé deux frappes meurtrières à quelques heures d’intervalle, ciblant d’abord Fouad Sukr, un haut commandant militaire du Hezbollah au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, puis le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran – le cœur de ce que le Premier ministre Israélien Benjamin Netanyahu appelle l’axe du mal iranien.

On devrait replacer ces deux incidents dramatiques dans le contexte de la guerre qu'Israël mène depuis dix mois à Gaza. Il s'agit d'une guerre qu'Israël est forcé de mener pour différentes raisons. Avant le 7 octobre, le public israélien était profondément polarisé et au bord du conflit civil pour protester contre la tentative de la coalition d'extrême droite de réduire les pouvoirs du système judiciaire, donnant à la branche exécutive une autorité illimitée sans pratiquement aucun contrôle.

Netanyahu avait déjà de gros ennuis, confronté à une réaction généralisée, tout en évitant les poursuites judiciaires pour corruption présumée et abus de pouvoir.

Le Hamas a alors lancé son attaque, provoquant une onde de choc en Israël. Netanyahu a vu une issue. Il a déclaré la guerre au Hamas et à la population infortunée de Gaza. Il a prononcé une triste lamentation sioniste typique sur les Juifs victimes d'un nouveau massacre, déplorant la victimisation historique des Juifs.

Les chars israéliens ont franchi les clôtures, les avions de chasse ont lancé des bombes de près d’une demie tonne (1000 pounds) et une vague de massacres en a résulté, se poursuivant encore aujourd'hui, alors que le nombre de morts palestiniens avoisine les 40 000.

Il n'y a pas eu de scénario du lendemain. Israël voulait décapiter le Hamas, même si cela signifiait tuer autant de Palestiniens que possible. La sympathie initiale pour Israël s'est rapidement dissipée. Les champs de bataille de Gaza ont horrifié le monde entier.

Le Hezbollah est intervenu dès qu’Israël a déclenché sa guerre, en lançant des missiles et des drones, déplaçant ainsi des milliers d’israéliens dans le nord du pays. Son objectif était de soutenir Gaza et la résistance palestinienne. Le Hezbollah l'a appelé "l'unité des champs de bataille". Israël a répondu, mais a évité la confrontation totale. C'est alors que les Houthis du Yémen sont intervenus. Cette situation est vite devenue une crise internationale. Israël s'est retrouvé pris pour cible par des mandataires iraniens en Irak, au Yémen et au Liban. Il s'agissait dans tous les cas d'acteurs non étatiques. Aucune armée arabe régulière n'était impliquée. Cette situation allait devenir la nouvelle réalité géopolitique de la région.

“Seule une réponse décisive des États-Unis peut maîtriser un Netanyahu déséquilibré.”
Osama Al-Sharif

Le dénominateur commun de la coalition anti-israélienne était l’Iran. Les gouvernements arabes ont été laissés au second plan. Il s’agissait d’un nouveau rebondissement dans l’éternel conflit israélo-palestinien. 

Cependant, après ses dix mois à Gaza, Israël était à court d’objectifs militaires. Il faisait désormais face à une dangereuse guerre d’usure qui paralysait son économie et épuisait ses troupes. Il s’est trouvé enlisé à Gaza, incapable de neutraliser le Hezbollah. La guerre de Netanyahu était pratiquement perdue. Mais il est resté sur ses positions.

Lorsque Israël a frappé le consulat iranien à Damas en avril dernier, il ne s'attendait pas à la réponse iranienne: des centaines de missiles et de drones lancés directement depuis l'Iran contre le cœur d'Israël. Les États-Unis sont intervenus pour défendre Israël, renforçant l'idée que sans le soutien des États-Unis, Israël était vulnérable.

Qu’est-ce qui a alors poussé Netanyahu à sanctionner les deux assassinats à haut risque à ce moment exact? Un coup bien douloureux et humiliant pour l’Iran et ses mandataires ne passerait jamais sans une réponse audacieuse. Netanyahu savait exactement ce qu’il faisait à travers ces frappes. Il savait bien que le Hezbollah et l’Iran répondraient, rejoints par d’autres groupes pro-iraniens, tels que les Houthis au Yémen et les Unités de mobilisation populaire en Irak. Pendant des mois, il a cherché à étendre la guerre et à inciter les États-Unis et d’autres alliés occidentaux à frapper l’Iran et ses mandataires.

N'ayant pas réussi à remporter la victoire décisive promise à Gaza ou à neutraliser la menace du Hezbollah dans le nord, l'instinct de survie de Netanyahu a pris le dessus. Il a décidé d'enfreindre les règles d'engagement et de mettre l'alliance israélo-américaine à l'épreuve.

Comme dans le cas de Gaza, le dirigeant israélien n'a aucun plan pour le lendemain, lorsque l'Iran et ses mandataires donneront leur réponse promise. Israël a promis de répondre en cas d'attaque. Les États-Unis ont envoyé un porte-avions, un escadron de chasseurs et d'autres navires de guerre dans la région. Leurs alliés régionaux sont inquiets. Personne ne souhaite une guerre prolongée et imprévisible au Moyen-Orient, sauf Netanyahu et ses partenaires de la coalition radicale.

Le double assassinat a fait dérailler l'accord de cessez-le-feu et d'échange d'otages du président américain Joe Biden. Netanyahu ne s'est jamais vraiment engagé à mettre fin à la guerre de cette manière. Dans son discours au Congrès, il a cherché à inciter les législateurs à s'en prendre à l'Iran, comme il l'avait fait en 2015 et auparavant. Il a fait de même contre Saddam Hussein en Irak et Mouammar Kadhafi en Libye et, avant eux, contre l'Union soviétique.

Ce que veut Netanyahu, c’est une guerre sans fin contre tous ceux qui représentent une menace pour Israël dans la région, tout en refusant aux Palestiniens le droit de mettre terme à l’occupation et d’établir un État. Il est prêt à mettre en péril la sécurité et l'existence d'Israël en forçant les États-Unis à entrer en guerre pour défendre Israël, même lorsque ce dernier est la partie belligérante. Il a manipulé les États-Unis pendant des décennies et croit qu’il peut le faire à nouveau.

Seule une réponse décisive des États-Unis peut maîtriser un Netanyahu déséquilibré. Biden, toujours président, peut empêcher une guerre régionale qui pourrait rapidement se transformer en conflit mondial. La seule raison pour laquelle l'Iran et ses mandataires utilisent la cause palestinienne pour menacer Israël est le fait que Netanyahu refuse aux Palestiniens leurs droits et  met en œuvre un plan visant à effacer le peuple palestinien. Les États-Unis et le reste du monde doivent contenir Netanyahu et imposer un accord qui crée un État palestinien. Nous sommes à minuit moins 90 secondes et, si les États-Unis ne font pas une intervention audacieuse, la région basculera rapidement dans l'inconnu.

•    Osama Al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman. X : @plato010
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com