Selon des sources américaines, israéliennes, qataries et palestiniennes, un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas semble imminent. Après des mois de négociations infructueuses, les deux parties sont plus proches que jamais de conclure un accord en plusieurs étapes qui mettrait fin à l'effusion de sang, permettrait la libération des prisonniers israéliens et palestiniens et garantirait le retrait progressif d'Israël de la bande de Gaza dévastée par la guerre.
Les détails sont vagues, mais ce qui est clair, c'est que le président élu des États-Unis, Donald Trump, est intervenu et a fait pression sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, pour qu'il accepte un accord avant son investiture le 20 janvier. Le président Joe Biden a également parlé d'un accord à sceller prochainement, tandis que le secrétaire d'État Antony Blinken a dévoilé, mardi, sa vision d'un Gaza d'après-guerre.
Parlant de ses propres réalisations en matière de politique étrangère, Biden a évoqué le sort des habitants de Gaza, «qui ont vécu l'enfer», et a évoqué le droit des Palestiniens à l'autodétermination. Trump, quant à lui, a déclaré lundi: «Nous sommes très près d'y parvenir. Si cela ne se fait pas, il y aura beaucoup de problèmes.»
Il est ironique et triste que Trump ait pu pousser toutes les parties à accepter un accord alors que Biden aurait pu en faire de même il y a des mois, évitant ainsi de nombreuses pertes en vies humaines innocentes des deux côtés. Le fait que Biden et Blinken aient permis à Netanyahou et à sa coalition d'extrême droite de perpétrer le pire génocide des temps modernes, tout en fournissant à Israël des dizaines de milliards de dollars d'armes, marque leur parcours d'une tache indélébile, rendant les États-Unis complices du carnage de Gaza.
Netanyahou, qui n'a manqué aucune occasion de faire échouer un accord qui aurait pu être conclu il y a de nombreux mois, se retrouve au pied du mur.
Osama al-Sharif
Trump s'attribuera le mérite d'avoir arrêté le massacre et d'avoir mis fin à ce qui était devenu la guerre la plus horrible du XXIe siècle contre des civils. Netanyahou, qui n'a manqué aucune occasion de faire échouer un accord qui aurait pu être conclu il y a de nombreux mois, se retrouve au pied du mur. Il n'a pas remporté de victoire totale et son armée n'a pas été en mesure de libérer tous les otages. Selon l'accord proposé, l'armée israélienne se retirera de positions clés à Gaza, pour aboutir à un retrait total lors de la phase finale de l'accord de cessez-le-feu.
La fin de la guerre – une cessation définitive des hostilités qui doit encore faire l'objet d'un accord – déclenchera une crise politique en Israël. Les partenaires d'extrême droite de Netanyahou ont menacé de quitter la coalition. La pression augmentera en Israël pour qu'une enquête indépendante soit menée sur les événements du 7 octobre 2023. Le procès de Netanyahou pour corruption reprendra. Sa marge de manœuvre se réduira considérablement. Il est peu probable qu'il puisse survivre politiquement lorsque les prisonniers commenceront à rentrer chez eux et que le monde aura un premier aperçu du niveau de destruction massive qu'Israël a infligé à Gaza.
En ce qui concerne le scénario d'après guerre, la vision de Blinken d'un rôle réformé de l'Autorité palestinienne, avec la participation des pays arabes, dépendra de la façon dont l'équipe de Trump verra les choses. Si le Hamas a subi des pertes importantes au niveau de sa structure de direction et de ses prouesses militaires à Gaza, il a survécu en tant que force politique. Le rôle qu'il jouera à Gaza à l'avenir dépend de la Maison Blanche de Trump, d'Israël et, dans une certaine mesure, de l'Autorité palestinienne.
Cela dépend aussi en grande partie de ce que veulent les habitants de Gaza. Ils ont payé le prix fort pour les événements du 7 octobre 2023 et c'est à eux de déterminer leur propre avenir. Ils doivent être autorisés à le faire. Une fois l'accord de cessez-le-feu adopté, les plus grands défis consisteront à faciliter le passage de l'aide humanitaire et à documenter les crimes de guerre commis à Gaza.
Ce dernier défi ne sera pas mentionné dans l'accord de cessez-le-feu. Mais même si la guerre prend fin, le monde ne doit pas faire fi des graves violations du droit international commises par Israël. Des enquêteurs indépendants et des journalistes étrangers doivent être autorisés à pénétrer dans la bande de Gaza sinistrée. Ils doivent rendre compte au monde entier des horribles crimes de guerre commis par Israël au cours des 15 derniers mois. L'obligation de rendre des comptes doit être la pierre angulaire de tout accord durable concernant Gaza.
Le rôle que jouera le Hamas à Gaza à l'avenir dépend de la Maison Blanche de Trump, d'Israël et, dans une certaine mesure, de l'Autorité palestinienne.
Osama al-Sharif
En attendant, il faut se méfier de l'engagement d'Israël à respecter l'accord de cessez-le-feu. Au Liban, Israël aurait violé l'accord avec le Hezbollah des centaines de fois. Il en ira de même à Gaza. Israël trouvera des excuses pour faire dérailler l'accord et reprendre son agression à Gaza. Les garants – les États-Unis, le Qatar et l'Égypte – doivent s'assurer que la fin de la guerre est durable et qu'Israël n'aura aucune raison de reprendre ses attaques.
Deux questions complexes se posent: qui finira par gouverner Gaza et quand la reconstruction pourra-t-elle commencer? Donald Trump n'a pas encore dévoilé sa politique au Moyen-Orient, notamment en ce qui concerne l'avenir de la Cisjordanie et de l'Autorité palestinienne. Il serait désireux d'achever ce qu'il a commencé avec les accords d'Abraham. Il doit préciser sa position sur la création d'un État palestinien et sur le droit à l'autodétermination. Ces questions façonneront la région et l'avenir du conflit israélo-palestinien. Plus de 15 mois de guerre israélienne contre Gaza n'ont pas permis de régler la question palestinienne. Malgré les destructions, le ciblage des femmes et des enfants, des journalistes, des médecins, des universitaires et des travailleurs humanitaires, le monde est aujourd'hui plus conscient que jamais de la juste cause des Palestiniens.
Et puis il y a la question de la réconciliation interpalestinienne. Les dirigeants palestiniens doivent conclure que la réconciliation et l'unité sont le rempart d'une cause juste que le monde doit aborder et rectifier. Après plus de 46 000 morts – même si ce chiffre pourrait doubler une fois la guerre terminée – les Palestiniens doivent surmonter leurs différences et trouver un terrain d'entente s'ils veulent plaider leur cause auprès du monde.
Et, autant il faut que les Israéliens rendent des comptes, autant il faudra que les Palestiniens révisent les conséquences des événements du 7 octobre 2023 et les changements géopolitiques qui en ont résulté. Les Palestiniens ont le droit de résister aux occupants, mais ils doivent se mettre d'accord sur la manière de mener leur résistance. Israël a utilisé les attaques du Hamas pour lancer une guerre génocidaire qui a coûté la vie à des dizaines de milliers d'innocents et a semé une destruction inconcevable à Gaza, où vivent plus de 2,3 millions de Palestiniens. Il faudra en tirer des leçons. Aucun acteur extérieur ne peut qualifier ce qui s'est passé de victoire ou de défaite. C'est à la population de Gaza de décider. Après tout, ce sont eux qui ont payé le prix ultime.
Osama al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman.
X: @plato010
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com