Le cessez-le-feu à Gaza, qu'Israël vient de briser de manière si dévastatrice, n'a jamais été qu'une commodité politique pour Donald Trump et Benjamin Netanyahou: le futur président américain l'a voulu avant de prendre ses fonctions et le Premier ministre israélien l'a accepté.
La trêve fragile qui a débuté en janvier n'avait rien à voir avec l'arrêt du carnage à Gaza et peu à voir avec le rapatriement des otages israéliens détenus par le Hamas, que Netanyahou n'allait jamais honorer. Comme la plupart des Israéliens le savent maintenant, sa seule préoccupation a toujours été sa propre survie politique.
Netanyahou a été soumis à d'énormes pressions internes pour qu'une enquête indépendante soit menée sur les attentats du 7 octobre, enquête qui aurait permis de rendre compte de sa culpabilité. Les hauts gradés de l'armée ont déjà admis leur responsabilité et démissionné. Les proches collaborateurs de Netanyahou sont englués dans des scandales liés à la transmission de fonds étrangers au Hamas à Gaza, qui aurait donné lieu à des pots-de-vin. Nadav Argaman, chef du service de sécurité interne Shin Bet jusqu'en octobre 2021, a publiquement pointé du doigt Netanyahou et menacé de divulguer ses secrets les plus sombres.
Le ministre d'extrême droite Itamar Ben-Gvir a démissionné en raison de l'accord de cessez-le-feu, et un autre partenaire extrémiste, Bezalel Smotrich, a menacé de faire de même si Israël acceptait la deuxième phase de l'accord, qui prévoyait la fin de la guerre et le retrait total d'Israël de la bande de Gaza. Netanyahou a également été ébranlé par les négociations directes entre les États-Unis et le Hamas en vue de la remise du seul otage américain encore en vie et des corps de quatre autres.
Il a ensuite trouvé un moyen de faire dérailler les négociations sur la deuxième phase de la trêve: il a proposé une prolongation de la première phase, en vertu de laquelle le Hamas libérerait davantage d'otages sans aucune concession de la part d'Israël. Lorsque le Hamas a insisté sur le respect de l'accord initial, Netanyahou, dans un acte de défi et d'arrogance éhonté, a ordonné le blocage total de l'aide humanitaire à Gaza, suivi d'une vague de frappes aériennes meurtrières et d'autres opérations militaires sur le terrain: globalement, une reprise de la guerre. Les États-Unis se sont rangés du côté d'Israël et peu de pays occidentaux ont formulé des objections significatives, à l'exception de paroles creuses.
Il ne s'agit pas de mettre fin à la guerre, mais de tuer autant de Palestiniens que possible pour provoquer des déplacements.
-Osama Al-Sharif
Netanyahou a donc récupéré sa guerre, mais cette fois-ci, il a des projets plus vastes: une solution finale, le déplacement permanent des Palestiniens de Gaza.
Israël a été déconcerté par l'adoption par les pays arabes d'un plan de plusieurs milliards de dollars visant à reconstruire Gaza, à remplacer le Hamas par une administration civile composée de technocrates et à déployer des observateurs, le tout sans déplacement forcé de Palestiniens. Ce plan a été adopté lors d'un sommet arabe d'urgence au Caire et soutenu par les principaux États du Golfe, dont l'Arabie saoudite.
La proposition arabe est une riposte au projet absurde de Trump de transformer Gaza en «Riviera du Moyen-Orient» tout en déplaçant de force deux millions de Palestiniens vers d'autres pays. Netanyahou voit aujourd'hui une occasion de saborder le plan arabe, qui a bénéficié d'un large soutien international, tout en se contentant de répondre du bout des lèvres au scénario de Trump. Il ne s'agit pas de mettre fin à la guerre, mais de tuer autant de Palestiniens que possible pour déclencher le déplacement, et il n'y a pas de limites à ce que Netanyahou et ses généraux triés sur le volet feront pour atteindre cet objectif.
Ironiquement, le seul espoir pour Gaza pourrait venir de l'intérieur même d'Israël. Les familles des prisonniers savent que Netanyahou aurait pu libérer leurs proches il y a plusieurs mois, mais il ne l'a pas fait. Elles savent que le Hamas était prêt à respecter sa part de l'accord – il n'avait pas d'autre choix – mais que cela n'a pas plu à Netanyahou. Aujourd'hui, un maelström se prépare en Israël, sous l'impulsion des familles des otages, mais aussi de ceux qui considèrent que Netanyahou est déterminé à instaurer un régime autoritaire et à mettre en péril les fondements démocratiques d'Israël.
Pour Netanyahou, les gains géopolitiques réalisés par Israël au cours des 18 derniers mois sont une occasion unique d'imposer son hégémonie dans la région: le sort de quelques otages israéliens et de quelques millions de Palestiniens est un prix acceptable pour une entreprise aussi grandiose.
Osama Al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman.
X: @plato010
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com