Il faudrait faire preuve d'un optimisme excessif (et sans doute non fondé), ou plus probablement de pure folie, pour trouver ne serait-ce qu'un semblant de positif dans ce qui se passe actuellement entre Israël et les Palestiniens. Décrire la situation comme un «miracle» porte l'extrémisme idéologique insensé à des sommets jusque-là jamais atteints.
Vous avez probablement beaucoup plus l'habitude de ministres israéliens comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, les visages phares de l'ultranationalisme messianique religieux de la scène politique israélienne, que d'Orit Strook. Nous nous attarderons plus tard sur ces deux premiers personnages destructeurs mais, en ce qui concerne Strook, à chaque fois qu'elle prend la parole en public – et je n'ose imaginer ce qu'elle dit en privé –, Ben-Gvir et Smotrich semblent presque raisonnables.
Lors d'une visite dans l'une des colonies des territoires occupés, elle aurait décrit la manière dont nous vivons aujourd'hui «comme une époque de miracles». «Je me sens face à un feu de circulation… qui devient soudain vert», dit-elle en faisant allusion à l'augmentation des colonies en Cisjordanie. «Nous voulons en construire le plus possible», ajoute-t-elle.
Strook n'aurait pas attiré autant l'attention si elle n'était pas membre de la Knesset et ministre des Colonies et des Missions nationales dans l'actuel gouvernement israélien déséquilibré. Elle réside à Avraham Avinu, dans la ville d'Hébron, l'une des colonies les plus fanatiques et les plus provocatrices de Cisjordanie. Mais la question est la suivante: comment une personne saine d'esprit peut-elle sérieusement penser vivre à l'ère des miracles, à la lumière d'une guerre qui a commencé par 1 189 de ses concitoyens assassinés, des femmes violées et des maisons incendiées? Sans compter que le gouvernement dans lequel elle sert a lamentablement failli à son devoir de protéger ces personnes.
Comment une personne qui se dit croyante peut-elle croire que ce spectacle d'horreur, où plus de 39 000 Palestiniens, qui sont aussi des enfants de Dieu et dont beaucoup sont littéralement des enfants, sont tués et que beaucoup d'autres sont mutilés, affamés et exposés à l'armée sans aucun abri, est le fruit d'une intervention divine?
Le raisonnement de Strook pour justifier sa vision tordue est que, grâce à ces actes, de nouvelles conditions ont été créées qui sont propices à l'expansion des colonies et, par extension, à l'annexion de la Cisjordanie et peut-être de la bande de Gaza. Ainsi, une paix basée sur une solution à deux États, ou même tout arrangement politique qui accorderait aux Palestiniens des droits politiques, civils et humains, est rendue impossible. L'euphorie de cette personne à l'idée que de tels niveaux de souffrance humaine aient des conséquences dont elle se réjouit est on ne peut plus choquante.
Les membres du camp auquel Strook appartient ne sont peut-être pas tous d'accord avec elle sur la nature miraculeuse de la situation actuelle, mais ils s'accordent néanmoins pour dire que le moment est opportun pour mener à bien ce qu'ils ont commencé il y a plus de 50 ans avec un projet de colonisation dont les proportions sont aujourd'hui monstrueuses. C'est un projet qui, d'une manière ou d'une autre, dicte la nature des relations entre les Israéliens et les Palestiniens.
Et tandis que les yeux du monde sont rivés sur ce qui se passe à Gaza, au Liban-Sud et même au Yémen, le mouvement des colons voit que le feu est vert (sans qu'aucun feu rouge ne l'ait jamais arrêté) pour son projet qui conduira à la disparition de la Ligne verte. Ils ont sournoisement, étape par étape, mis en place une situation irréversible sur le terrain, non seulement en termes de biens immobiliers, mais aussi structurels et juridiques, tout en intimidant la population locale pour qu'elle se soumette.
Le gouvernement actuel est né du péché de légitimation de l'extrême droite par le Premier ministre Benjamin Netanyahou afin de lui permettre d'échapper à la justice. Pour ce faire, il cède à la plupart des exigences dudit gouvernement, y compris en donnant aux ennemis de la paix au sein de la politique israélienne des pouvoirs disproportionnés sur la Cisjordanie. Les nommer à la tête des ministères de la Sécurité nationale et des Colonies leur donne un immense pouvoir pour dicter l'avenir des territoires occupés.
Le gouvernement israélien est né du péché de légitimation de l'extrême droite par Netanyahou afin de lui permettre d'échapper à la justice.
Yossi Mekelberg
Ce pouvoir s'est encore accru lorsque Netanyahou a transféré à l'un des dirigeants sionistes religieux les plus zélés, Smotrich, tous les pouvoirs de gouvernement en Cisjordanie, à l'exception de ceux directement liés à la sécurité. Smotrich est également responsable du puissant ministère des Finances.
Alors que la communauté internationale se concentre sur d'autres questions concernant la guerre à Gaza, le commandement central de l'armée israélienne a signé un ordre visant à transférer les pouvoirs sur une grande partie des affaires civiles en Cisjordanie à un chef adjoint de l'administration civile. Il ne s'agit pas de mettre fin à l'occupation militaire, mais plutôt de ce que la plupart des observateurs considèrent comme une étape de l'annexion de jure de la Cisjordanie. Pourtant, le monde continue de garder le silence.
L'ordre publié sur le site Internet des Forces de défense israéliennes transfère la responsabilité d'un grand nombre de règlements de l'administration civile – l'organisme israélien qui gouverne la Cisjordanie – de l'armée à des fonctionnaires nommés par Smotrich au ministère de la Défense. Tel est l'objectif ultime de Smotrich et du mouvement des colons: obtenir progressivement le contrôle total de l'administration civile, ce qui étend effectivement la souveraineté israélienne en Cisjordanie, sur la voie d'une annexion totale.
Pendant des décennies, les colons ont perfectionné leur exploitation des procédures et mécanismes administratifs et bureaucratiques, avec le soutien tacite ou l'apathie de la plupart des Israéliens, pour faire avancer leurs objectifs stratégiques: s'emparer de plus de terres, construire plus de colonies, les étendre et, ainsi, contrôler les terres et les populations occupées.
Plut tôt ce mois-ci, l'organisation non gouvernementale israélienne Peace Now a révélé que le gouvernement israélien finance non seulement des colonies qui, à ses propres yeux – et uniquement à ses propres yeux – sont légales, mais également 68 fermes qu'il considère comme illégales pour un montant de 39 millions de shekels (10,4 millions de dollars; 1 dollar = 0,93 euro) en 2024. C'est se moquer ouvertement de l'état de droit israélien et de la communauté internationale qui s'oppose unanimement à ces colonies.
La semaine dernière, la Cour internationale de justice a enfin publié un avis consultatif affirmant clairement que les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international. La Cour a appelé Israël à mettre fin à l'occupation et à évacuer tous ses colons de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. En outre, elle a demandé à Israël de verser des indemnités aux Palestiniens pour les dommages causés par l'occupation. À l'exception du gouvernement israélien, aucun pays ne s'est opposé à l'avis de la Cour.
Le gouvernement israélien dirige ses affaires dans un univers parallèle et croit qu'il peut indéfiniment faire fi du droit international, de la moralité et du besoin de sécurité et de prospérité au moyen de la paix et de la logique politique. Et ce, parce qu'il opère en toute impunité. Si vous croyez aux miracles, celui dont Israël et les Palestiniens ont vraiment besoin est celui qui éliminera les bellicistes et permettra l'arrivée au pouvoir de personnes qui veulent la paix.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme Mena à Chatham House. X: @YMekelberg
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com