Créer un foyer pour la paix et la coexistence

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Publié le Mercredi 31 juillet 2024

Créer un foyer pour la paix et la coexistence

Les Israéliens et les Palestiniens vivent des jours très sombres. Et pour ceux qui se trouvent au cœur des hostilités actuelles, la lumière au bout du tunnel semble plus éloignée que jamais. C’est pour cette raison que j’ai été très heureux de lire dans Arab News lundi, l’article d’opinion de Ronald S. Lauder, “L’union, force intrinsèque des voix pour la paix”, qui, dans son optimisme réaliste, s’oppose justement à l’idée de diviser les “descendants d’Abraham”. Je suis d'accord pour dire que nous ne devrions pas être condamnés à nous battre les uns contre les autres à jamais et à être victimes de ceux qui prospèrent en créant un fossé entre les Israéliens et les Arabes, ainsi qu’entre les Juifs, Musulmans et Chrétiens, au lieu de trouver ce qui nous unit tous dans la paix.

J’ai été aussi personnellement heureux que Lauder, président du Congrès juif mondial, a choisi d’écrire son plaidoyer passionné pour mettre fin à l’horrible conflit israélo-palestinien, et aux divisions entre les religions abrahamiques dans notre propre journal, Arab News – et ce n’est pas la première fois. J’ai été ravi qu’une personnalité juive aussi globalement connue ait choisi d’écrire dans le journal qui accueille mes chroniques depuis près de huit ans.

Les politiques mondiales et les conflits continuent toujours à mettre en avant la controverse et les désaccords sur ces événements, chose qui est particulièrement vraie avec le conflit à Gaza. Néanmoins, Arab News continue à s’adhérer à son éthique de “place publique” accueillante pour le débat ouvert et respectueux, en encourageant différents points de vue et reflétant les changements positifs qui ont lieu dans notre région. Je me suis senti privilégié de faire part de cette conversation.


C’est là que l’article de Lauder s’est révélé essentiel, par son timing et par son audience. Au Moyen-Orient, nous nous trouvons à un carrefour très périlleux. Depuis près de 10 mois, certaines des pires manifestations du comportement humain sont sorties au grand jour. Pire encore, alors que la guerre à Gaza continue de s’aggraver, le danger d’une guerre totale à la frontière du nord d’Israël, entre Tel-Aviv et le Hezbollah, paraît de manière effrayante à l’horizon. Il s’agit d’une guerre qui risquerait d’entraîner l’ensemble de la région, où les citoyens ordinaires paieraient le prix des échecs et des insuffisances de leurs dirigeants.

Par conséquent, ceux parmi nous qui croient que nous avons plus en commun que ce qui nous sépare, et que nous sommes tous des êtres humains avant tout, devraient le dire haut et fort sans aucune crainte. Lauder l’a dit cette semaine et nous tous, dans ce journal, défendons cette perspective comme notre cause et mission communes.

Ce qui devrait nous unir dans le conflit israélo-palestinien, et qui a été prouvé sans aucun doute depuis le 7 octobre, est que la violence et les fantasmes de “victoire totale” et de capitulation de l’autre partie, sont à la fois moralement déplorables et politiquement irréalisables. Dans tous les aspects de l’existence humaine, le conflit n’a fait que causer de la souffrance. Malgré le fait que la souffrance des palestiniens ne soit incomparablement pire, puisqu’ils vivent sous l’occupation et sont militairement, politiquement et économiquement plus faibles, les israéliens ont également subi des pertes significatives – le prix à payer pour ne pas résoudre le conflit au dépens de sa société et de sa démocratie est évident.

“J’ai été personnellement heureux que Ronald S. Lauder, président du Congrès juif mondial, a choisi d’écrire son plaidoyer passionné dans notre propre journal, Arab News.”
Yossi Mekelberg

La contribution de Lauder est très significative, puisqu’elle souligne l’importance de ne pas laisser ce conflit seulement aux politiciens, mais de permettre aux voix de toutes les communautés de s’impliquer et de mettre tous leurs efforts en œuvre à la recherche d’une solution juste et équitable.  Malheureusement, en particulier au cours de la série actuelle d’effusions de sang, les haineux et ceux qui parlent en termes de jeu à somme nulle ont été accordés beaucoup trop d’espace. Je n’ai aucun doute que les communautés juives du monde entier souhaitent voir Israël coexister pacifiquement avec ses voisins et soutenir le droit des Palestiniens à l’autodétermination.

Les mots clés dans l’article de Lauder sont l’empathie, la compréhension et l’espoir, à juste titre. Ce qui distingue les êtres humains des autres formes d’existence dans la nature, c’est leur capacité à ressentir et à exprimer l’empathie envers les autres, ainsi qu’à garder l’espoir, même dans les moments les plus sombres. Il est tragique qu’en temps de guerre, nous sommes également témoins d’une extrême cruauté et d’une indifférence à l’égard de la souffrance des autres. Ce n’est qu’en réaffirmant qu’aucun individu ou groupe de personnes n’a de droits supérieurs à ceux des autres, et que notre souffrance est égale à celle des autres, que nous pourrons progresser vers l’établissement d’un monde meilleur.

Dans le cas du conflit israélo-palestinien, il est impératif depuis longtemps de reconnaître ces droits et la souffrance des Israéliens et des Palestiniens, et il est de même urgent de mettre un terme pacifique à ce conflit qui s’éternise. Pour que cela s’accomplisse, les deux parties doivent faire un examen de conscience, plutôt que de jouer au jeu des reproches, et elles doivent adopter une attitude plus centrée sur l’avenir, plutôt que de régler des comptes, et elles doivent unir leurs forces conformément aux valeurs de paix, de coexistence et de réconciliation, plutôt qu’en fonction de lignes religieuses ou ethniques, aussi importantes que soient ces identités pour elles.


L’alternative n’a fait qu’infliger des calamités, et a malheureusement le pouvoir de le refaire à l’avenir avec des conséquences encore plus horribles. Nous devons aussi être honnêtes avec nous-mêmes: le conflit israélo-palestinien est asymétrique, et donc le plus fort, qui est dans le cas présent la force d’occupation, tient plus de responsabilité pour être flexible dans son approche du processus de paix et de l’accord. Cela ne signifie pas que la partie palestinienne a toujours raison ou qu’elle est juste, mais les cartes principales sont toujours entre les mains d’Israël, et il est également dans son intérêt national de les jouer correctement.


Je suis convaincu qu’ici, sur les pages de ce journal, nous continuerons à notre manière différente et unique, à promouvoir nos valeurs communes et le besoin de justice et d’équité pour tous. C’est également ce qui nous guide dans notre attitude à l’égard du conflit israélo-palestinien et dans notre soutien à une solution à deux états, qui ne doit pas être considérée comme compromis, mais comme une manifestation du système de croyances du peuple abrahamique, et comme un moyen de garantir la sécurité et la prospérité.

•    Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales. Il est également chercheur associé au Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House.
X: @Ymekelberg
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.