L’histoire de deux royaumes

Les ministres saoudiens et britanniques partagent la scène lors de la conférence de l'Initiative GREAT FUTURES à Riyad. (SPA)
Les ministres saoudiens et britanniques partagent la scène lors de la conférence de l'Initiative GREAT FUTURES à Riyad. (SPA)
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Publié le Jeudi 16 mai 2024

L’histoire de deux royaumes

L’histoire de deux royaumes
  • Mardi et mercredi de cette semaine, l’Arabie saoudite a accueilli la plus grande délégation britannique au cours de la dernière décennie, englobant les secteurs des affaires, du commerce, de la culture et du sport
  • L’un des objectifs fondamentaux de la conférence de cette semaine, (...) était de démontrer que les relations sont réellement diversifiées et mutuellement avantageuses

Mieux vaut tard que jamais, comme le dit le proverbe, et il est effectivement encourageant de constater que les relations entre le Royaume-Uni et l’Arabie saoudite s’orientent désormais dans une direction positive.

Mardi et mercredi de cette semaine, l’Arabie saoudite a accueilli la plus grande délégation britannique au cours de la dernière décennie, englobant les secteurs des affaires, du commerce, de la culture et du sport. Cette délégation, la plus importante jamais envoyée dans le Royaume, comprenait 450 représentants d’entreprises de renommée internationale telles que British Airways et HSBC, ainsi que la légende du football anglais, Rio Ferdinand.

Je dis ‘mieux vaut tard que jamais’ car, il y a huit ans, lorsque l’Arabie saoudite a lancé son programme de réforme, Vision 2030, le Royaume-Uni avait l’opportunité de s’impliquer. Cependant, la Grande-Bretagne n’a pas saisi cette occasion à ce moment-là.

Il est compréhensible que de nombreux pays, en particulier en Occident, aient été sceptiques face aux réformes initiales. Toutefois, ce scepticisme s’est transformé en une crainte palpable de rater les opportunités offertes par l’Arabie saoudite, qui s’ouvre et se diversifie au-delà du secteur pétrolier, en développant de nouveaux secteurs et industries. Ce qui est moins compréhensible, c’est pourquoi il a fallu tant de temps au Royaume-Uni pour saisir cette occasion, à un moment où il avait désespérément besoin de renforcer ses liens avec ses amis et partenaires commerciaux les plus proches, après le Brexit.

C’était le cas autrefois, mais la situation a changé. Comme l’a souligné le vice-premier ministre Oliver Dowden lors de la conférence à Riyad cette semaine, « La Grande-Bretagne ne se limite pas à soutenir la Vision 2030, nous aspirons à en être participants. »  Dowden a également indiqué à Arab News que l’objectif du Royaume-Uni est d’augmenter la valeur des échanges commerciaux annuels avec l’Arabie saoudite, passant de 17 milliards de livres sterling (environ $21,5 milliards) à 30 milliards de livres sterling d’ici 2030.

L’un des objectifs fondamentaux de la conférence de cette semaine, (...) était de démontrer que les relations sont réellement diversifiées et mutuellement avantageuses. Elles dépassent le simple aspect transactionnel pour se concentrer sur le soutien mutuel des réformes et des stratégies économiques de chaque pays.

                                                             Faisal j. Abbas

Il est important de remettre cet événement en perspective pour ceux qui ne sont pas au courant de la manière dont les deux royaumes ont pu inverser leurs rôles ces dernières années. Beaucoup supposent immédiatement que l’Arabie saoudite a toujours été financièrement puissante et que l’événement de cette semaine n’était qu’une tentative de séduction pour convaincre Riyad de ne pas dépenser son argent ailleurs.

Cette interprétation est inexacte pour plusieurs raisons. Premièrement, l’un des objectifs fondamentaux de la conférence de cette semaine, ainsi que d’autres initiatives menées par des responsables saoudiens de haut rang, était de démontrer que les relations sont réellement diversifiées et mutuellement avantageuses. Elles dépassent le simple aspect transactionnel pour se concentrer sur le soutien mutuel des réformes et des stratégies économiques de chaque pays.

Par exemple, il y a seulement quelques années, l’Arabie saoudite dépendait du Royaume-Uni pour tout, depuis la défense jusqu’à l’automobile, en passant par l’industrie et l’éducation. Aujourd’hui, bien que certains de ces besoins subsistent, le Royaume a localisé une grande partie de ses besoins en défense, a produit ses propres automobiles et a accueilli des universités étrangères. Cela inclut l’université Strathclyde de Glasgow, qui sera la première institution britannique à établir un campus en Arabie saoudite.

Le Royaume-Uni n’est plus ce qu’il était autrefois. Il a perdu ou cédé de nombreuses marques emblématiques et une grande partie de sa capacité de production, et son attrait pour les investisseurs étrangers a fléchi face à l’incertitude politique récente. Le Royaume-Uni possède des institutions robustes, et je suis convaincu qu’il parviendra à se redresser, mais il a besoin d’alliés. En Arabie saoudite, il trouvera non seulement un ami dans le besoin, mais également un partenaire qui pourrait lui conférer un avantage significatif !

Les deux royaumes partagent une amitié solide et un passé positif. Contrairement à de nombreux pays de la région, l’Arabie saoudite n’a jamais été une colonie britannique. Les relations entre les deux familles royales ont toujours été cordiales, fondées sur un respect profond et une grande estime mutuelle.

Il suffit de regarder certains des partenariats établis cette semaine, comme les nouveaux investissements saoudiens de 3 milliards de livres sterling dans le nord-est de l'Angleterre. Est-ce que cela fera une différence ? Demandez aux fans de Newcastle United, le club emblématique du nord-est de l’Angleterre qui, après avoir longtemps lutté en bas du classement de la Premier League et risqué la relégation, a été catapulté par l’Arabie saoudite dans l’élite de la Ligue des champions européenne.

À l’instar de l’Arabie saoudite qui a consolidé la Vision 2030 par une gouvernance adéquate et en alignant tous les outils et ressources du gouvernement pour sa réalisation, la Grande-Bretagne doit protéger et préserver les acquis de l’événement de cette semaine à Riyad.

                                                             Faisal j. Abbas

Au-delà du commerce, la Grande-Bretagne pourrait également tirer parti de l’expérience saoudienne en matière de réforme, de repositionnement et de réinvention. Prenez par exemple la transformation survenue en seulement huit ans : l’Arabie saoudite, qui ne délivrait pas de visas touristiques auparavant, a accueilli plus de 100 millions de visiteurs, surpassant ainsi son objectif pour 2030. De même, la participation des femmes au travail est passée de 19 % en 2016 à près de 36 % en 2022, atteignant également l’objectif de 2030 plus tôt que prévu. Selon une étude de l’institut de sondage Ipsos, les Saoudiens étaient les deuxièmes personnes les plus heureuses du monde l’année dernière. Est-ce que tout est parfait en Arabie saoudite ? Loin de là, mais il y a une évaluation et une réévaluation constantes des objectifs et des indicateurs de performance clés. Ce qui manque peut-être en Grande-Bretagne, mais dont nous jouissons dans le Royaume, c’est le confort et la confiance apportés par la clarté de la direction dans laquelle nous avançons.

Que doit faire le Royaume-Uni à présent ? À l’instar de l’Arabie saoudite qui a consolidé la Vision 2030 par une gouvernance adéquate et en alignant tous les outils et ressources du gouvernement pour sa réalisation, la Grande-Bretagne doit protéger et préserver les acquis de l’événement de cette semaine à Riyad face à ceux qui souhaitent politiser cette relation. Cela implique un consensus bipartisan sur l’importance et les avantages mutuels de cette relation, tout en permettant, bien entendu, des divergences d’opinions et des désaccords sur certaines questions à tout moment.

Ce consensus est important pour l’Arabie saoudite, bien qu’il ne soit pas crucial étant donné ses nombreuses options en matière de partenaires commerciaux. Cependant, il revêt une importance bien plus grande pour la Grande-Bretagne post-Brexit, que la même société Ipsos a identifiée cette année comme la deuxième nation la plus malheureuse du monde, en raison de la récession économique, de la crise du coût de la vie, et de l’effondrement de la confiance envers les dirigeants politiques.

Alors, à un bel avenir, aux succès de la Vision 2030 et à l’ambition de rendre à la Grande-Bretagne sa grandeur !

 

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News. 

X : @FaisalJAbbas

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com