À la suite de la riposte israélienne aux frappes iraniennes de la nuit du 18 avril à Ispahan, on peut imaginer que la page des frappes directes échangées entre l’Iran et Israël est tournée. Bien sûr, personne ne peut affirmer si c’est bel et bien fini. La région est en ébullition et l’on n’est toujours pas à court de surprises, d’autant plus que la guerre à Gaza n’est pas encore terminée. Il est logique de penser que la réponse israélienne très limitée, et coordonnée avec les Américains, marquerait la fin de la confrontation directe entre Téhéran et Tel-Aviv. Mais la confrontation indirecte dans les zones grises va se poursuivre.
Du Liban à la Syrie et de l’Irak au Yémen. Les deux protagonistes vont désormais procéder à un examen attentif des lignes rouges dans chaque arène séparément. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les scènes libanaise et syrienne car elles constituent le principal point de choc et d’affrontement entre le Hezbollah et Israël. Le Liban, parce qu’il est également considéré comme un avant-poste de l’influence iranienne. La Syrie, parce qu’elle est le pont reliant l’Iran, le Liban et Gaza, sur la rive orientale de la mer Méditerranée. La Syrie est également devenue une arène de règlements de comptes entre puissances régionales et internationales concurrentes. Israël et L’Iran vont désormais réévaluer les lignes rouges qui les séparent, d’autant plus qu’ils ont besoin de la scène syrienne pour leurs règlements de comptes. Quant au Liban, il est bien devenu grâce au Hezbollah un avant-poste iranien. En fait, il semble bien que les Iraniens ne renoncent pas à leur décision d’ouvrir le front libanais par l’entremise du Hezbollah sous la bannière du soutien à Gaza.
Mais les Iraniens oublient qu’Israël a profité de la frappe du 18 avril pour améliorer ses relations avec l’administration du président Joe Biden plutôt que d’améliorer sa posture envers les capitales occidentales bien critiques de la guerre israélienne à Gaza. Israël espère obtenir leur approbation pour lancer l’ultime attaque contre la ville de Rafah au sud de la bande, à condition que cela soit fait différemment qu'auparavant pour éviter d'énormes pertes parmi les civils. Israël se retrouvera également libéré de bon nombre de pressions occidentales qui pesaient sur sa posture militaire avec le Hezbollah.
Selon des sources diplomatiques occidentales à Beyrouth, le conseil de guerre israélien, après avoir tourné la page de la confrontation directe avec l'Iran, s'intéresse dans une large mesure à hausser le niveau de la confrontation avec le « Hezbollah ». C’est surtout en se basant sur les estimations des services de renseignement israéliens que Tel Aviv semble bien convaincu que le seul moyen pour calmer le front avec le Hezbollah serait d’intensifier les frappes au Liban afin que la milice pro-iranienne ainsi que le gouvernement libanais en déduisent que le prix est devenu si élevé qu'il ne puisse plus être toléré. À ce niveau, il faut bien rappeler qu’une majorité de la société libanaise pluraliste s'oppose fermement à l'implication du Hezbollah dans la guerre avec Israël, qui met en danger tout le Liban en jouant dangereusement avec son sort.
Il convient de noter que la visite du Premier ministre intérimaire libanais Najib Mikati à Paris hier et sa rencontre avec le président français Emmanuel Macron s'inscrivent dans le contexte des tentatives répétées des pays amis du Liban d'exhorter le gouvernement, en particulier le premier ministre pour tracer une ligne de démarcation entre l’État libanais et le Hezbollah dont les armes illégales et leur fonction sont à la solde de l’Iran. Le Liban ne peut être protégé des répercussions de cette guerre, imposée à une majorité écrasante la rejetant catégoriquement alors que la milice pro-iranienne s’entête à refuser de se soumettre à la volonté de la majorité. La gravité de la situation est corroborée par les informations selon lesquelles Israël, après avoir riposté à l'attaque iranienne par une frappe très limitée, se dirige vers une escalade majeure contre le Hezbollah, et les Américains ne tenteront pas de l'en dissuader, compte tenu du danger que constituent les capacités militaires du Hezbollah.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. X: @AliNahar
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