« 2020 est une année bissextile exceptionnelle : 29 jours en Février, 300 jours en Mars et 5 ans en Avril ». « Si 2020 était une boisson, quelle serait-elle ? Une préparation laxative », « En 2020, les plans A, B, C, D… n’ont pas marché et nous n’avons pas eu assez de lettres dans l’alphabet »… Rarement avons-nous vu un tel degré d’humour noir ou de cynisme dans les célébrations de fin d’année et une telle espérance dans l’année qui vient et c’est probablement plus la fin de 2020 que l’avènement de 2021 que nous avons fêtée. Force est de reconnaître que nous n’avons pas été gâtés. Médias saturés de rebondissements durant les élections américaines et par l’explosion des tensions raciales aux Etats-Unis, une pandémie de Covid-19 avec des catastrophes en série. Dans presque tous les pays, les mesures successives de confinement ont terrassé des pans entiers de nos économies et les chefs de gouvernement se sont tristement drapés d’un air martial, empruntant régulièrement le vocabulaire des temps de guerre. Annus horribilis, écrivions-nous dans une récente tribune.
Or Homo Sapiens doit se projeter, s’approprier son destin individuel tout en s’inscrivant dans une communauté. Nous avons besoin de perspectives, nous avons besoin de rêver, de croire en l’avenir et en nous. C’est la raison pour laquelle j’ai été très sensible au discours de fin d’année de la Reine Élisabeth II : empreint d’humanité, de compassion et d’optimisme. Un message d’intégration, dans lequel je me suis retrouvé. C’est aussi la raison pour laquelle je crois dans la force des méga-événements. Pour moi, ils apportent un projet collectif, ils rassemblent. Depuis ma première expérience des Jeux olympiques, Albertville en 1992, j’ai eu l’occasion de travailler avec leurs partisans et leurs opposants. Loin de tout jugement moral, force est de constater qu’ils représentent, légitimement, deux versions de nos aspirations sociétales. Intégrateur positif, le méga-événement unit dans la reconnaissance de nos différences et singularités. Intégrateur négatif, il devient épouvantail, porteur des peurs de notre temps.
Il y a effectivement un côté négatif et éminemment complexe. Derrière la question récurrente du financement de ces méga-événements (on la traitera dans une prochaine tribune), on aborde de plus en plus la question de la sécurité – notamment sanitaire –, de la gouvernance, la dimension environnementale, le conservatisme de certains acteurs, les forces et tensions avec des communautés locales…
A contrario, il existe de nombreux côtés positifs : les partisans du méga-événement en apprécient la portée symbolique, le projet fondateur de développement qui transcende et qui rassemble, leur force géopolitique. Alors que 197 États sont actuellement reconnus par l'Organisation des Nations unies (ONU), la Fédération internationale de football association (FIFA) compte 211 fédérations nationales et il existe 206 Comités nationaux olympiques… Le CIO et la FIFA apportent des perspectives géographiques et culturelles différentes, une granularité plus fine et donc peut-être des structures plus en phase avec les spécificités culturelles de notre monde qui évolue.
Des méga-événements, j’aime également le cérémonial des votes et je suis touché par la liesse contagieuse des vainqueurs après la dure phase de candidature. J’adore la dimension rituelle du relais de la flamme olympique, le défilé des nations, le témoignage du pays-hôte qui accueille le monde durant la cérémonie d’ouverture et le passage de relais au prochain territoire-hôte durant la cérémonie de clôture. C’est tout un cadre symbolique qui nous permet de voir au-delà de nos différences linguistiques, culturelles, ethniques et de nous retrouver comme individus participant ensemble à la grande mosaïque de notre humanité.
En ce début 2021, je suis donc particulièrement reconnaissant vis-à-vis des pays et des territoires qui affichent leur foi en l’avenir en s’engageant dans la tenue d’un de ces méga-événements. Ils nous proposent une alternative de croissance et d’enchantement aux injonctions à la prudence et la réserve que nous assènent les crises sanitaire et économique actuelles. Si mon petit cœur français bat au pouls de Paris 2024, sachez qu’il vibre tout autant aux rythmes de l’Asie (les Jeux olympiques de Tokyo 2020 et Pékin 2022, l’Exposition universelle de Osaka 2025…) ou devant la mobilisation de l’Amérique du Nord (avec le projet tripartite « United 2026 » de Coupe du monde de football 2026 avec les États-Unis, le Canada et le Mexique ; les Jeux de Los Angeles 2028). Mais c’est devant les engagements et ambitions du Moyen Orient que je ressens une émotion toute particulière. Sur les quinze prochaines années, la péninsule arabique va offrir au monde une remarquable série d’événements internationaux : Expo 2020 Dubai, Coupe du monde de football 2022 au Qatar, … à la tenue des Jeux asiatiques de 2030 (Doha) et 2034 (Riyad). Une occasion rêvée de découvrir et d’apprécier le dynamisme et la jeunesse de cette région en pleine évolution
Philippe Blanchard a été Directeur au Comité international olympique, puis en charge du dossier technique de Dubai Expo 2020. Passionné par les méga-événements, les enjeux de société et la technologie, il dirige maintenant Futurous, les Jeux de l’innovation, des sports et esports du Futur.
Twitter: @Blanchard100
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.