En défense du multilatéralisme à l'Assemblée générale de l’ONU

Le président chinois Xi Jinping s'adresse à l'Assemblée générale des Nations unies. (Reuters)
Le président chinois Xi Jinping s'adresse à l'Assemblée générale des Nations unies. (Reuters)
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Publié le Vendredi 25 septembre 2020

En défense du multilatéralisme à l'Assemblée générale de l’ONU

En défense du multilatéralisme à l'Assemblée générale de l’ONU
  • L’objectif de l’organisation est «de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer des relations amicales entre les nations et de parvenir à une coopération internationale»
  • L’ONU compte 193 pays membres et a indéniablement contribué à la médiation des conflits au fil des décennies

Trois quarts de siècle constituent une étape importante pour toute institution. L'ONU a atteint cet objectif cette année. Sa charte, qui est entrée en vigueur le 24 octobre 1945, est le fondement du système multilatéral dans l’après-guerre – parrainé par les États-Unis.

L’objectif de l’organisation est «de maintenir la paix et la sécurité internationales, de développer des relations amicales entre les nations et de parvenir à une coopération internationale». Elle compte 193 pays membres et a indéniablement contribué à la médiation des conflits au fil des décennies. C’était particulièrement important pendant la guerre froide, lorsque les États-Unis et l'Union soviétique avaient des arsenaux nucléaires dirigés l'un contre l'autre qui auraient pu détruire le monde à plusieurs reprises.

Depuis, le monde est devenu plus multipolaire, ce qui n’a pas facilité les tâches, en particulier pour le Conseil de sécurité, l’un des organes principaux de l’organisation, où les droits de veto des cinq membres permanents bloquent souvent les résolutions. Les cinq représentent les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale: les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et la France.

Les deux dernières décennies ont vu l'ascension de la Chine et, avec elle, une nouvelle bipolarité entre les États-Unis et Pékin, en particulier depuis que le président Donald Trump est entré à la Maison Blanche. Trump est bien connu pour son scepticisme à l'égard des structures multilatérales, en particulier à l’égard de l'ONU. Il s’est retiré de l'accord de Paris sur le changement climatique, ainsi que de l'Organisation mondiale de la santé, et a cessé de financer l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine, pour ne donner que trois exemples.

Ce duopole américano-chinois est le contexte dans lequel se déroule la réunion annuelle de l’Assemblée générale cette semaine. Ce rassemblement, qui voit habituellement les chefs d'État entreprendre un pèlerinage à New York, aurait vraiment dû être l’occasion de célébrer le grand anniversaire. Hélas, les choses se sont déroulées différemment.

D’abord, la pandémie du coronavirus (Covid-19) a transformé la réunion en rencontre virtuelle, avec des adresses enregistrées par des dirigeants nationaux. Ensuite, rien n’aurait pu mieux mettre en évidence le schisme entre les deux plus grandes économies du monde que les discours de mardi de Trump et du président chinois Xi Jinping.

Le premier sur la liste des orateurs était le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. En prévision de ce qui allait suivre, il a mis en garde contre une éventuelle nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine.

Trump a validé les pires craintes du secrétaire général. Il a salué les efforts des États-Unis pour ramener la paix au Moyen-Orient et en Afghanistan, pour ensuite doubler la mise au sujet de la Chine. Il a qualifié la Covid-19 de «virus chinois» et a exigé que l'ONU tienne Pékin pour responsable du déclenchement de la maladie dans le monde. Il a également critiqué le bilan environnemental de la Chine, déclarant que les États-Unis réduisaient leurs émissions de carbone, bien qu’ils aient quitté l’accord de Paris.

Le discours de Xi Jinping était, en revanche, diplomatique. Il a averti que la lutte contre le virus ne devrait pas être politisée et qu'«aucun pays ne pouvait tirer profit des difficultés des autres».

Il a aussi promis que la Chine deviendrait neutre en carbone d'ici à 2060. Il avait précédemment promis que les émissions de carbone de la Chine atteindraient leur maximum d'ici à 2030. Il a salué l'accord de Paris de 2015, le qualifiant du «minimum nécessaire pour protéger la terre». Il envisage de maintenir la température mondiale à moins de 2 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels d'ici à la fin du siècle. Ce sont là de belles paroles, mais elles manquent de précision, surtout dans le contexte d'une montée en puissance des nouvelles centrales à charbon en Chine en 2020.

Xi Jinping a prôné le multilatéralisme en promettant que «le monde ne retournerait jamais à l'isolement» et que «personne ne pouvait rompre les liens entre les pays». De nombreux chefs de gouvernement, dont l'Allemande Angela Merkel et le Sud-Coréen Moon Jae-in, ont partagé le plaidoyer de Xi en faveur d'une renaissance du multilatéralisme.

Le président chinois a exagéré un peu lorsqu'il a déclaré qu'aucun pays ne devrait «être autorisé à faire ce qu'il veut et à être l'hégémon, l'intimidateur ou le patron du monde». Alors que la Chine salue la primauté du droit international, elle agit comme une grande puissance dans la mer de Chine méridionale ou face à Hong Kong.

Alors, quelles leçons pouvons-nous tirer des délibérations de mardi?

Premièrement, les deux puissances dominantes d'aujourd'hui sont la Chine et les États-Unis. Comme dans la cour d'école, les deux grands garçons font tout ce qu'ils peuvent pour se positionner comme puissance dominante – ce qui provoque souvent des dégâts collatéraux.

Deuxièmement, c'est une énorme réussite pour l'ONU d'avoir survécu pendant soixante-quinze ans. Peut-être l’organisation a-t-elle connu des épreuves et des tribulations nombreuses et n'a-t-elle pas pu promouvoir la paix et la sécurité partout où elle était censée le faire ; mais, sans elle, nous aurions vu beaucoup plus de conflits devenir incontrôlables. Les célèbres Casques bleus ont préservé les cessez-le-feu dans de nombreuses régions du monde où ils auraient, sans eux, été violés.

 

Sans l'ONU, nous aurions vu beaucoup plus de conflits devenir incontrôlables.

Cornelia Meyer

 

Troisièmement, des organisations comme le Programme des Nations unies pour le développement et le Programme alimentaire mondial ont empêché des centaines de millions de personnes de souffrir de la faim et ont contribué au développement économique dans le monde.

Quatrièmement, il est vrai que l'ONU est dotée d’une bureaucratie lourde, qui est l'une des principales critiques des administrations américaines successives. Cependant, aucune organisation n'est parfaite et la manière de traiter ce problème est d’engendrer des réformes.

Dans l'ensemble, le monde est un meilleur endroit grâce à l'ONU. Cette organisation est le résultat direct de l'effusion de sang et des épreuves de la Seconde Guerre mondiale et nous devons honorer l'esprit dans lequel elle a été formée. En tout cas, il est d’une importance vitale que l’Assemblée générale fournisse un forum permettant à 193 pays d’échanger leurs opinions. Le fait de mener des conversations a toujours été la première étape vers la résolution des conflits.

 

Cornelia Meyer est docteur en économie. Elle a trente ans d’expérience dans le domaine de la banque d’investissement. Elle est présidente et PDG de la compagnie de conseil aux entreprises Meyer Resources.

Twitter : @MeyerResources

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com.