PARIS: Le ministre français de l'Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a reçu le Prince Fayçal Ben Farhane Ben Abdallah Al Saoud, ministre saoudien des Affaires étrangères, le jeudi 30 juillet à Paris.
Intervenue dans la foulée d’une tournée diplomatique entreprise par le chef de la diplomatie saoudienne en Egypte, en Tunisie, en Algérie et au Maroc, cette visite était l’occasion pour les deux ministres de marquer l'importance d'un approfondissement de la relation bilatérale entre la France et l'Arabie saoudite, notamment en termes de convergence envers les différentes questions régionales qui représentent un intérêt commun pour les deux pays.
Outre les liens bilatéraux, la présidence saoudienne du G20 et l’application de l’accord de Riyad pour le Yémen, la question libyenne a occupé une place centrale au cours des entretiens des ministres saoudien et français.
En effet, lors des précédentes étapes de la tournée du ministre saoudien en Égypte, en Algérie, en Tunisie et au Maroc, les derniers développements de la crise libyenne ont fait l’objet de débats, de même que les moyens de parvenir à une solution politique qui mettrait un terme aux interventions étrangères, en particulier à l’ingérence turque qui s’est fortement accentuée ces dernières semaines.
Des sources concordantes révèlent que la diplomatie saoudienne s’est montrée très active auprès des pays du voisinage libyen afin d’aboutir, si nécessaire, à une coordination arabe pour contenir la percée turque.
Soucieuse de soutenir l’engagement égyptien indispensable pour contrecarrer l’influence turque, Riyad se tourne vers le Maroc pour reprendre son rôle de médiateur, tout en déployant ses efforts diplomatiques pour tenter de rallier l’Algérie et la Tunisie.
Le Maroc qui avait facilité et supervisé l’accord inter-libyen de Skhirat en 2015, maintient les contacts avec toutes les parties libyennes. En attestent les déplacements récents de deux hauts responsables libyens : Aguila Saleh Issa, figure de proue de l’Est, et Khaled Al-Mechri, président du Haut Conseil de l’État à Tripoli.
C’est dans cet ordre d’idées que la diplomatie saoudienne, qui plaide pour une solution « libyenne-libyenne », mise sur ses contacts arabes pour parvenir à un accord « Skhirat 2 » qui serait une nouvelle version de l’accord de 2015 toujours considéré comme l’initiative la mieux aboutie pour rassembler les parties libyennes. Une approche qui serait, selon ses promoteurs, plus réalisable et plus pertinente que les résolutions de la conférence de Berlin, en janvier 2020, demeurées lettres mortes.
L’initiative saoudienne se rapproche de la proposition de Rabat qui, à la fin de juin 2020, plaidait pour la création d'un sous-groupe de pays arabes concernés par le dossier libyen. Avec pour objectif de définir une vision stratégique en vue d’une action arabe commune, d’une part, pour un règlement pacifique en Libye et l’arrêt de l'expansion turque et, d'autre part, pour faire respecter la dimension arabe dans tout accord extérieur concernant le dossier libyen.
Pour couronner la tournée dans les pays arabes voisins de la Libye, et concernés par ses convulsions, et pour avancer ses pions sur l’échiquier libyen, la diplomatie saoudienne frappe aux portes de la France, seul acteur européen et extérieur qui adopte une position ferme contre le rôle turc croissant en Libye.
Paris et Riyad, préoccupés par le cours de la crise libyenne marquée par la consolidation de l’influence turque et la rupture de l’équilibre inter-libyen, se montrent convaincus de la primauté de la solution politique. Ils craignent la montée de groupes terroristes sur la scène libyenne et les velléités d’ingérences extérieures inacceptables.
Eviter le scenario syrien
La priorité diplomatique et stratégique donnée par Paris et Riyad au dossier libyen émane d’une part d’un souci de voir la Libye assujettie à un partage d’influence russo-turque, et d’autre part d’un souhait des deux parties d’éviter la répétition du scénario syrien en Libye, à savoir sa transformation en terrain clos d’une confrontation régionale et internationale à haut risque.
Par ailleurs, cette rencontre a également été l’occasion pour Le Drian de marquer son appréciation pour les efforts de l'Arabie saoudite concernant le dossier yéménite avec la mise en œuvre de l'accord de Riyad ; et de réitérer les positions de Paris vis à vis de l’annexion partielle de la Cisjordanie par Israël rappelant « l'importance d'une mobilisation collective des Etats membres de l'Union européenne avec les Etats arabes ».
Concernant l’Iran, Le ministre Français a souligné la nécessité de trouver des solutions réalistes et efficaces aux défis de sécurité, et de stabilité régionale, soulevés par la perspective de la fin de l'embargo des Nations unies sur les transferts d'armes conventionnelles impliquant Téhéran.
(Avec ajouts: Randa Takieddine)