De la fève à la tablette, le cacao d'Haïti veut sa place à l'international

Des fèves de cacao : elles seront fermentées pendant cinq jours avant d’être séchées au soleil (Photo, AFP).
Des fèves de cacao : elles seront fermentées pendant cinq jours avant d’être séchées au soleil (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Samedi 26 décembre 2020

De la fève à la tablette, le cacao d'Haïti veut sa place à l'international

  • Petit poucet face aux géants du continent sud-américain, Haïti développe lentement sa filière cacao afin d'assurer de meilleurs revenus à des milliers d'agriculteurs modestes
  • La Feccano, fédération des coopératives cacaoyères du nord, a été le premier acteur, à partir de 2001, à organiser les échanges en privilégiant le profit des agriculteurs face aux intérêts boursiers

PORT-AU-PRINCE: Petit poucet face aux géants du continent sud-américain, Haïti développe lentement sa filière cacao afin d'assurer de meilleurs revenus à des milliers d'agriculteurs modestes et de briser le cliché d'un art gastronomique réputé comme le pré carré des pays riches.

La production annuelle haïtienne de 5 000 tonnes de cacao fait pâle figure au regard des 70 000 tonnes produites par la République dominicaine voisine, mais la valorisation de la filière est récente dans le pays. 

La Feccano, fédération des coopératives cacaoyères du nord, a été le premier acteur, à partir de 2001, à organiser les échanges en privilégiant le profit des agriculteurs face aux intérêts boursiers.

« Avant, il y avait un abattage systématique des cacaoyers parce que le prix sur le marché n'était pas intéressant pour les paysans qui préféraient les cultures à très courts cycles », se souvient Guito Gilot, directeur commercial de la Feccano.

La coopérative travaille désormais avec plus de 4 000 planteurs du nord d'Haïti.

Réaliser avant export la fermentation des fèves de ses adhérents lui a permis de viser le marché du cacao fin et aromatique.

« Les clients de la Feccano paient pour la qualité : ils n'ont pas comme référence la bourse de New York » assure Gilot.

Collecte en flux tendu

Flairant le potentiel, le secteur privé haïtien a finalement commencé à investir dans la filière qui était jusqu'alors uniquement soutenue par des organisations non gouvernementales et la coopération humanitaire.

En installant en 2014 son centre de fermentation à l'Acul-du-Nord, à 15km de la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, l'entreprise Produit des îles (Pisa) s'est lancée sur le marché. Mais les défis logistiques sont nombreux. 

« Les producteurs avec qui on travaille exploitent moins d'un hectare, souvent morcelé en plusieurs parcelles quand, en Amérique latine, un petit producteur possède déjà quatre ou cinq hectares » explique Aline Etlicher qui a développé la filière chez Pisa.

« On achète le cacao frais, le jour même de la récolte donc le producteur n'a plus les problèmes de séchage, de stockage qu'il aurait s'il le vendait à un intermédiaire » ajoute l'agronome française.

Et ces derniers mois, cette collecte en flux tendu des fèves sur tous les sites a été d'autant plus un défi que nombre de routes étaient régulièrement jonchées de barricades en raison des troubles socio-politiques.

Maintenir les certifications bio et équitable de leur cacao est délicat mais la touche haïtienne a pris ses marques à l'étranger.

« Il y a aujourd'hui des tablettes vendues aux Etats-Unis qui s'appellent Acul-du-Nord », s'enorgueillit Aline Etlicher.

« Avec nos clients, on s'inscrit dans le mouvement ‘bean to bar’ des chocolatiers qui font de la transformation de la fève à la tablette » détaille-t-elle en ajoutant qu'en supprimant les intermédiaires, les revenus des producteurs haïtiens ont doublé. 

Et à l'autre bout de la chaîne, la transformation des fèves reste locale.

« Toi, plante ton cacao »

Pour le maître chocolatier Ralph Leroy, préparer une ganache au rhum -haïtien comme l'intégralité des produits qu'il utilise- n'était pas une évidence. Après des années à Montréal, il était revenu dans son pays d'origine comme styliste de haute-couture. 

Le virage dans sa carrière vers le cacao, il l'a débuté en créant des vêtements en chocolat pour un salon culinaire. La formation qu'il a ensuite suivie pendant un an en Italie aura autant alimenté sa passion que stimulé son orgueil.

« La première semaine, je pense que j'ai été insulté quand le professeur a dit ‘le chocolat, c'est fait pour l'Europe. Toi là, plante ton cacao, nous on achète le cacao et on fait le travail’ », se souvient-il. 

Aujourd'hui, Ralph Leroy dirige la chocolaterie qu'il a fondée, Makaya, et les sculptures comestibles qui sortent de son atelier font sensation au moment des fêtes. Son entreprise compte désormais une vingtaine de salariés qui partagent sa passion. 

« Même dans les écoles de cuisine, on n'apprend pas ça. J'ai tout appris ici et je suis très, très fière », témoigne en souriant Duasmine Paul, 22 ans, cheffe du laboratoire de Makaya.

Symptôme de la circulation chaotique qui paralyse Port-au-Prince en fin d'année, les échos des klaxons parviennent jusqu'aux oreilles des employés occupés à trier minutieusement les fèves de cacao. 

Depuis son atelier où il concocte aussi des cocktails à base de chocolat, Ralph Leroy voit comme une douce vengeance la grande commercialisation de ses tablettes. 

« Le plus grand plaisir c'est quand, avant de voyager, les Haïtiens viennent ici pour en acheter en quantité pour offrir à l'étranger. C'est devenu leur fierté. Et aussi quand les Européens viennent et qu'ils achètent tout le stock... là je me dis que je fais un bon travail », conclut-il dans un éclat de rire.


Des luttes à l'innovation : Comment le calligraphe saoudien Abdulaziz Al-Rashedi a révolutionné l'écriture arabe

3punt 5. (Fourni)
3punt 5. (Fourni)
Short Url
  • « Je ressens une lumière sacrée dans les lettres », déclare Abdulaziz Al-Rashedi

DUBAÏ : La première passion du calligraphe saoudien et professeur d'arts Abdulaziz Al-Rashedi a toujours été le stylo. Son intérêt pour l'écriture a commencé à l'école primaire dans les années 1980, dans sa ville natale de Médine.

Al-Rashedi parle de tenir un stylo comme un musicien pourrait parler de son instrument. Aux yeux du calligraphe, l'écriture est un acte artistique, comme une danse, qui possède sa propre magie.

« Ce que j'aimais dans le stylo, c'était la façon dont l'encre en coulait », confie-t-il à Arab News. « Le stylo m'a conduit à mon amour pour la calligraphie arabe. »

--
Al-Rashedi parle de la tenue d'un stylo comme un musicien parlerait de la tenue de son instrument. (Fourni)

Cependant, il a dû faire face aux défis posés par l'environnement social conservateur du Royaume dans les années 1980 et 1990.

« Les gens ne considéraient pas l'art comme quelque chose d'important. À cette époque, ils pensaient que l'art ne rapportait pas d'argent. Pour eux, c'était une perte de temps », explique-t-il. « Dans un tel environnement déprimant, je souffrais du manque d'intérêt des gens. Ils disaient que l'écriture me distrairait de mes études. Mais en réalité, cela m'encourageait à étudier. »

Son intérêt pour la calligraphie n'a pas échappé à tout le monde. Le père d'Al-Rashedi, aujourd'hui décédé, l'a toujours soutenu.  

--
3punt 2. (Fourni)

« Il croyait en l'écriture et en sa préservation », déclare Al-Rashedi. « Il pensait que je faisais quelque chose d'important de ma vie, même si d'autres pensaient le contraire. Ils comparaient cela à des gribouillages. En réalité, je faisais de l'art tout seul. Aucun de mes amis ne partageait cet intérêt avec moi et il n'y avait aucun institut de calligraphie pour encourager ce talent. La situation était très difficile. »

Mais en 1993, Al-Rashedi a appris qu’il existait en effet un maître calligraphe saoudien vivant à Médine : Ahmad Dia. Ce dernier a gentiment accepté de lui enseigner les bases de la calligraphie arabe. Et, peut-être tout aussi important, il l’a fait dans sa maison, qu'Al-Rashedi compare à une école, un musée et un lieu de rencontre pour calligraphes.

« J'étais jeune, mais il me traitait comme un homme », se souvient l'artiste. « Pour nous, les calligraphes, il était comme un père spirituel, qui a planté en nous une graine de détermination. Il nous a toujours encouragés et ne nous a jamais réprimandés si notre écriture n'était pas parfaite. »

--
3punt 4. (Fourni)

Al-Rashedi est resté en contact avec son mentor jusqu'à la mort de Dia en 2022, lors de la pandémie de COVID. « Lorsqu'il est mort, c'est comme si la lumière s'était éteinte », confie-t-il.

Al-Rashedi s'est également formé en recopiant les œuvres d'une autre figure importante : Hashem Al-Baghdadi, le calligraphe et éducateur irakien influent, qui a publié des ouvrages sur les règles de la calligraphie arabe. Al-Rashedi décrit l'époque avant les réseaux sociaux comme une « période véritablement sombre », où il n'y avait aucune opportunité d'organiser des expositions ou de partager son travail avec les autres.

« Les gens ne communiquaient pas entre eux. C’était une période qui manquait (d’opportunités) et même de bons matériaux, comme des stylos et du papier », se souvient-il.

Mais avec l’avènement des réseaux sociaux, notamment Facebook, et l’ouverture de quelques galeries d’art, dont Athr Gallery à Djeddah en 2009, les choses ont considérablement changé. Aujourd’hui, Al-Rashedi peut partager ses œuvres sur Instagram et d’autres plateformes, montrant les compétences qu’il a perfectionnées au cours de trois décennies de pratique.

--
Sa fascination pour l'écriture a commencé à l'école primaire, dans les années 80, dans sa ville natale de Madinah. (Fourni)

La calligraphie arabe est une forme d’art respectée à l’échelle internationale, existant depuis des milliers d’années, utilisée dans les textes islamiques et présente sur des monuments à travers le monde. Quel est donc son secret de longévité ?

« Je me demande souvent pourquoi les courbes de la calligraphie arabe fascinent les gens depuis si longtemps, et je pense que cela a inévitablement un lien avec sa sainteté », explique-t-il. « Allah a été une source d’inspiration pour les calligraphes et leur innovation dans l’écriture. Je ressens une lumière sacrée dans les lettres de la calligraphie arabe. »

Mais Al-Rashedi pense également que, pendant de nombreuses années, la calligraphie est restée figée dans une ornière, sans être touchée par l’innovation ou la créativité modernes.

--
3punt 6. (Fourni)

« Beaucoup de calligraphes ont littéralement affirmé que la calligraphie arabe avait atteint sa limite et que personne ne pouvait y ajouter quoi que ce soit de nouveau », dit-il. « Une telle idée est incorrecte. »

En effet, Al-Rashedi a inventé sa propre forme de calligraphie arabe, qu’il appelle « 3punt ». (Il explique que le nom fait référence à la taille des lettres, qui sont écrites à l’aide de trois stylos différents.)

« Cela repose sur l’idée de réduire l’épaisseur des lettres. Habituellement, un seul stylo est utilisé en calligraphie arabe. Mais j’ai découvert que l’épaisseur traditionnelle de l’écriture arabe et l’utilisation d’un seul stylo empêchent l’ajout de nouvelles formes d’écriture au système. »

Basée sur un ensemble de règles strictes, la calligraphie 3punt d’Al-Rashedi contient 55 « sous-types d’écriture », explique-t-il. Elle possède une légèreté et une élégance propres, avec des lignes fluides et soigneusement chorégraphiées en écriture arabe fine.

En fin de compte, Al-Rashedi estime que la calligraphie arabe est une question de liens.  

« Si nous regardons l’écriture latine ou chinoise, sur des lettres comme ‘n’, ‘e’ ou ‘r’, elles se composent de parties distinctes. Mais avec la calligraphie arabe, vous pouvez connecter six ou sept lettres d’un seul trait », dit-il. « Sans aucun doute, l’écriture arabe — en tant que forme d’art — est supérieure à d’autres types d’écriture. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


Inauguration d'une exposition Christian Dior à Riyad

Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du couturier Christian Dior est désormais ouverte au  Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année. (Photo fournie)
Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du couturier Christian Dior est désormais ouverte au  Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année. (Photo fournie)
Short Url
  • «Christian Dior: couturier du rêve» est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite
  • L'événement, qui se tient jusqu'au 2 avril, explore l'héritage de Dior et de ses successeurs à travers un récit inédit

RIYAD: Une exposition célébrant la vie et l'œuvre du créateur de mode Christian Dior est désormais ouverte au Musée national d'Arabie saoudite dans le cadre du festival Riyadh Season de cette année.

«Christian Dior: couturier du rêve», une exposition couvrant plus de 75 ans de créativité et de design, ainsi que les œuvres qu'il a inspirées, est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite.

--
«Christian Dior: couturier du rêve» est une collaboration entre la maison de couture française et l'Autorité générale pour le divertissement d'Arabie saoudite. (Photo fournie)

L'événement, qui se tient jusqu'au 2 avril, explore l'héritage de Dior et de ses successeurs à travers un récit inédit spécialement conçu pour l'exposition par l'historienne de l'art Florence Muller et la scénographe Nathalie Crinière.

--
L'exposition couvre plus de 75 ans de créativité et de design et le travail que Dior a inspiré. (Photo fournie)

Parmi les points forts de l'exposition figurent des hommages à certains des grands classiques de Dior, tels que Miss Dior et J'adore, ainsi qu'un hommage au sac Lady Dior, sous la forme du projet Dior Lady Art.

Faisal Bafarat, directeur général de l'Autorité générale pour le divertissement, a officiellement inauguré l'exposition mercredi. Les billets sont disponibles sur la plateforme WeBook.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La diva libanaise Fairouz souffle ses 90 bougies

La diva libanaise Fairuz se produit lors d'un rare concert à Beyrouth le 7 octobre 2010. (AFP)
La diva libanaise Fairuz se produit lors d'un rare concert à Beyrouth le 7 octobre 2010. (AFP)
Short Url
  • Dernière légende vivante de la chanson arabe, Fairouz a soufflé jeudi ses 90 bougies alors que son pays, le Liban qu'elle a tant célébré, est plongé dans une guerre meurtrière entre le Hezbollah et Israël
  • Les internautes ont enflammé la Toile en diffusant les chansons de la diva, rare symbole d'unité nationale dans le pays divisé, alors que les médias de tous bords lui rendaient hommage

BEYROUTH: Dernière légende vivante de la chanson arabe, Fairouz a soufflé jeudi ses 90 bougies alors que son pays, le Liban qu'elle a tant célébré, est plongé dans une guerre meurtrière entre le Hezbollah et Israël.

Les internautes ont enflammé la Toile en diffusant les chansons de la diva, rare symbole d'unité nationale dans le pays divisé, alors que les médias de tous bords lui rendaient hommage.

En 2020, le président français Emmanuel Macron, en visite à Beyrouth, s'était rendu au domicile de Fairouz et l'avait décorée de la Légion d'honneur.

"A celle qui incarne l'âme de cette région avec dignité, un bel anniversaire", a-t-il écrit jeudi sur son compte Instagram.

"La voix de Fairouz est mon pays", a pour sa part écrit sur Facebook le célèbre compositeur libanais Marcel Khalifé.

Après s'être produite pendant plus d'un demi-siècle de Beyrouth à Las Vegas, en passant par Paris et Londres, la star n'apparait plus en public depuis plus d'une décennie.

"Quand vous regardez le Liban aujourd'hui, vous voyez qu'il ne ressemble aucunement au Liban que je chante", regrettait la diva dans une interview au New York Times en 1999, en allusion aux décennies de guerres et de destructions.

Au plus fort de la guerre civile, elle avait chanté "Je t'aime, Ö Liban, mon pays" ("Bhebbak ya Lebnane"), une chanson devenue iconique.

Fairouz a exalté son Liban natal mais également l'amour, la liberté et la Palestine.

Elle a donné vie aux paroles de grands poètes arabes --les Libanais Gibrane Khalil Gibrane, Saïd Akl ou l'Egyptien Ahmed Chawki--, tandis que ses chants patriotiques se sont incrustés dans la mémoire des Libanais et du reste du monde arabe.

Nouhad Haddad de son vrai nom, elle est née en 1934 dans une modeste famille chrétienne qui habitait le quartier de Zokak el-Blatt, visé lundi par une frappe israélienne.

Engagée à la radio, le compositeur Halim al-Roumi, impressionné, lui donne son surnom.

Dans les années 1950, elle épouse le compositeur Assi Rahbani qui, avec son frère Mansour, révolutionne la chanson et la musique arabe traditionnelles en mêlant morceaux classiques occidentaux, russes et latino-américains à des rythmes orientaux, sur une orchestration moderne.

C'est après ses premiers concerts au Festival international de Baalbeck, au milieu des ruines de ce site libanais antique près duquel s'abattent actuellement les bombes israéliennes, que la carrière de Fairouz s'envole.

Adulée par les aînés, elle devient l'icône des jeunes lorsque son fils Ziad, enfant terrible de la musique libanaise, lui composera des chansons influencées par des rythmes de jazz.