Le chanteur pop israélien, Eyal Golan, déclare à une chaîne de télévision de droite: «Effacez Gaza. Ne laissez pas une seule personne là-bas.» Un animateur de la même chaîne soutient: «C’est l’heure de la Nakba II.»
Des propos génocidaires aussi répugnants pourraient être considérés comme une hyperbole dans le feu de l’action. Mais ils font écho au vocabulaire appartenant au registre de l’extermination des plus hauts représentants de la politique israélienne, exigeant l’éradication des Palestiniens de Gaza.
Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale et figure de l’extrême droite, a proposé d’«éliminer» toute personne qui soutient le Hamas. Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, affirme qu’Israël «ne serait plus en mesure d’accepter» une entité palestinienne à Gaza, appelant à «l’émigration» de l’ensemble de la population de Gaza. Le ministre de l’Agriculture, Avi Dichter, qualifie la campagne militaire de «Nakba de 2023», tandis que le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, a été suspendu pour avoir déclaré que larguer une bombe nucléaire sur Gaza était «une option» – un objectif embarrassant étant donné qu’Israël n’admet même pas être en possession d’armes nucléaires.
Même si le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, qualifie les propos de M. Eliyahu sur la bombe nucléaire de «déconnectés de la réalité», il ne s’est pour autant pas abstenu de plaider en faveur du génocide. Faisant allusion au Hamas, M. Netanyahou soutient qu’Israël est «déterminé à débarrasser le monde de ce mal», avant d’ajouter de manière énigmatique: «Souvenez-vous de ce qu’Amalek vous a fait.» Il s’agit d’une citation biblique effrayante du prophète Samuel ordonnant au roi Saül «d’attaquer les Amalécites et de détruire totalement tout ce qui leur appartient. Ne les épargnez pas; tuez hommes, femmes, enfants, nourrissons, bétail, moutons, chameaux et ânes.»
Parmi les propositions officielles sur la façon dont un tel projet de nettoyage ethnique pourrait être mis en œuvre, un document divulgué par le ministère du Renseignement préconisait le transfert forcé des Palestiniens vers le Sinaï. Un projet de loi a été soumis à la Knesset exigeant le retour des Israéliens à Gaza après la guerre. Même si Israël renonçait finalement à une démarche aussi radicale, il pourrait refuser de permettre à un million de Palestiniens de retourner dans le nord de Gaza – bien que l’armée ait déclaré qu’elle étendrait également ses opérations au sud de Gaza.
L’historien israélien de l’Holocauste, Omer Bartov, a dénoncé ce discours génocidaire qui, selon lui, témoigne d’«une intention claire de nettoyage ethnique», tandis qu’un comité des droits de l’homme de l’ONU a averti que les actions d’Israël soulevaient «le risque de génocide à Gaza».
Les États arabes qui ont conclu des accords de paix avec Israël soutiennent également que la campagne contre Gaza est allée trop loin. Le prince héritier de Bahreïn, Salmane ben Hamad al-Khalifa, a prononcé un discours lors du Dialogue de Manama le week-end dernier. Il a insisté sur la nécessité d’une «paix juste et durable», impliquant à la fois la création d’un État palestinien et la sécurité d’Israël. «Il ne doit y avoir aucun déplacement forcé de Palestiniens à Gaza, ni maintenant ni jamais. Il ne doit y avoir aucune réoccupation de Gaza. Il ne doit y avoir aucune réduction du territoire de Gaza. Et, d’autre part, il ne doit y avoir aucun terrorisme dirigé depuis Gaza contre le public israélien. Ce sont les lignes rouges», a-t-il souligné.
La vérité est inévitablement la première victime de la guerre, mais les efforts maladroits d’Israël pour perpétuer les contrevérités sur le conflit ne servent qu’à piéger l’État hébreu dans un conflit permanent.
- Baria Alamuddin
Le Hamas et le Hezbollah se sont également rendus coupables d'une rhétorique exterminatrice, sur fond d’appels à une nouvelle ère de «résistance armée». Le haut dirigeant du Hamas, Ghazi Hamad, a juré que le groupe éliminerait Israël et a menacé de répéter les atrocités du 7 octobre. De telles déclarations machistes et insensées, à l’heure où les citoyens de Gaza sont massacrés, sont régulièrement exploitées pour colporter le mensonge selon lequel «les Palestiniens ne veulent pas la paix».
Perpétrer un génocide nécessite la déshumanisation des victimes. D’où les commentaires du ministre de la Défense, Yoav Gallant, selon lesquels «nous combattons des animaux humains», ou les propos de l’ancien Premier ministre, Naftali Bennett, qui déclare: «Nous combattons des nazis.»
La guerre militaire va de pair avec une guerre de l’information tout aussi féroce. La production de faux contenus en ligne fuse de tous côtés, y compris de la part de parties néfastes comme la Russie, la Chine et l’Iran. Dans cet océan de désinformation, il est choquant de constater à quel point les images produites en Israël sont l’œuvre d’amateurs. Le ministère des Affaires étrangères a publié une vidéo montrant une infirmière palestinienne condamnant le Hamas pour avoir pris le contrôle de l’hôpital Al-Chifa. Cependant, les observateurs ont rapidement remarqué son étrange accent arabe, des effets visuels et sonores inauthentiques, ainsi que le fait que la femme en question n’avait jamais travaillé à l’hôpital. Le ministère a rapidement retiré la vidéo face aux moqueries croissantes. Une autre vidéo, censée montrer une jeune Israélienne torturée, puis brûlée vive par des militants du Hamas, provient du Guatemala.
Israël semble mener une campagne de désinformation pour dissimuler son incapacité à découvrir les «centres de commandement» du Hamas dans les couloirs labyrinthiques de l’hôpital Al-Chifa. Une analyse de la BBC montre que les images d’un porte-parole militaire découvrant un sac contenant une arme à feu derrière un appareil d’IRM avaient été enregistrées quelques heures avant l’arrivée des journalistes à qui il était censé les montrer en temps réel. Lorsque la vidéo a été diffusée plus tard, le nombre d’armes dans le sac avait doublé comme par magie.
Israël sait que son inaptitude à révéler la présence d’infrastructures du Hamas à Al-Chifa alimentera les appels à des accusations de crimes de guerre pour l’invasion illégale d’hôpitaux abritant des milliers de patients grièvement blessés par les frappes aériennes israéliennes sur des zones civiles densément peuplées. Si Israël essaie délibérément de se donner une image aussi mauvaise, alors cette guerre aura été un immense succès.
La campagne de désinformation israélienne a donné naissance à un tout nouveau genre: Pallywood – des films d’horreur qui mettent généralement en scène des Palestiniens qui crient, trempés de sang. Ils sont transportés d’urgence à l’hôpital dans des ambulances, aux côtés de bébés mutilés qui ont perdu des membres. Chaque vidéo se termine inévitablement par un plan de caméra révélant que les «victimes» sont des acteurs et que les bébés sont des poupées.
Qui sait à quoi servent ces mesures désespérées et absurdes, alors que des statistiques fiables évaluent le nombre de morts à plus de treize mille, dont au moins cinq mille enfants – alors que des milliers d’autres sont enterrés sous les décombres? Le Haut-Commissariat des nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a estimé la semaine dernière qu’un habitant de Gaza sur cinquante-sept avait été tué ou blessé.
La propagande et les fausses nouvelles israéliennes sont traditionnellement astucieuses, éloquentes et convaincantes. Cette fois-ci, les fausses vidéos bâclées des Israéliens sont empreintes de panique et de désespoir, car ils savent qu’ils sont en train de perdre indubitablement la bataille de l’information alors que le public mondial, horrifié, est témoin du massacre qui se déroule en temps réel à Gaza.
Au lieu de s’emparer des territoires de la minuscule bande de Gaza, pauvre et jonchée de décombres – ce qui ne peut que susciter une inimitié mondiale durable –, Israël devrait rechercher la paix et la sécurité à l’intérieur de ses frontières actuelles, aux côtés d’un État palestinien souverain.
La vérité est inévitablement la première victime de la guerre, mais les efforts maladroits d’Israël pour perpétuer les contrevérités sur le conflit ne servent qu’à piéger l’État hébreu dans un conflit permanent, mettant en péril les principes de son propre statut d’État-nation.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d’État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com