Le constat est sans appel: le Liban risque l’implosion si rien n’est fait pour stopper la nouvelle vague de réfugiés syriens. En effet, entre deux mille et cinq mille réfugiés entrent illégalement chaque jour dans le pays du Cèdre. Une masse impressionnante de jeunes Syriens s’y ruent en traversant la frontière poreuse qui sépare le Liban de la Syrie. Le pays est sur le qui-vive.
Certains observateurs insistent sur le fait que cette vague est constituée d’une part de réfugiés qui cherchent à fuir la Syrie pour des raisons économiques ou sécuritaires afin de s’installer momentanément au Liban et d’autre part de migrants qui veulent rejoindre l’Europe par la mer au départ des côtes libanaises. Cependant, de nombreux responsables libanais considèrent que la majorité de la vague (plus de 95%) ne partira pas pour l’Europe et qu’elle finira par s’installer au Liban. Or, le pays peine à relever les défis que posent plus de 2 millions de réfugiés déjà installés.
Si l’on prend en considération le fait que, chaque jour, en moyenne, deux mille cinq cents ressortissants syriens entrent illégalement au Liban, ce sont presque un quart de millions de réfugiés tous les trois mois qui viendront s’ajouter aux quelque 2 millions déjà disséminés sur la totalité du territoire.
Il va sans dire que c’est cette dernière vague de réfugiés qui inquiète les Libanais. En effet, on sait pertinemment que ce sont les autorités syriennes qui poussent ces jeunes gens à partir pour le pays du Cèdre, moyennant un forfait d’environ 500 dollars par personne (1 dollar = 0,95 euro). Ce sont les militaires syriens stationnés de l’autre côté de la frontière avec des bandes mafieuses syro-libanaises qui touchent ces sommes.
C’est une affaire juteuse qui se présente; mais l’histoire ne s’arrête pas là. En réalité, ce sont les réseaux mafieux dépendants du régime qui semblent être à l’origine de cette vague de migration sauvage. Le but serait d’engloutir le Liban d’une masse supplémentaire de réfugiés plus jeunes et plus compétents dans le maniement des armes, d’où la crainte des différentes composantes libanaises. Il faut également souligner le rôle que joue le Hezbollah, la milice pro-iranienne, qui surveille les arrières de cette vague lors de son passage en territoire libanais.
Voilà qui rend la tâche de l’armée libanaise plus difficile encore. Elle se trouve dépassée pas ce flot incessant de réfugiés qui accèdent au territoire grâce aux dizaines de passages illégaux placés le long de la frontière – qui s’étend sur plus de 300 kilomètres – entre les deux pays.
Sur un autre plan, les récents propos du chef de la milice pro-iranienne, Hassan Nasrallah, ont de quoi inquiéter. Ce dernier a suggéré lors d’un discours prononcé lundi dernier d’autoriser les migrants syriens à quitter le Liban par voie de mer. Le but est de faire pression sur les pays européens qu’il accuse d’être, avec les États-Unis, à l’origine de la guerre en Syrie, qui aurait poussé la première vague de réfugiés vers le Liban. Nasrallah leur reproche également d’être responsables de la crise économique qui ravage la Syrie en raison des sanctions imposées au régime.
Ces propos révèlent les véritables raisons de la crise qui secoue le Liban: à Damas, le régime et le Hezbollah tentent de faire chanter la communauté internationale. Leur objectif est de lever les sanctions et de relâcher la pression sur le régime soutenu par Téhéran et Moscou. C’est là un jeu dangereux qui risque de pousser le Liban vers l’implosion.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.