Le débat sur le changement climatique est souvent désespérément sombre compte tenu de la menace existentielle que le réchauffement climatique fait peser sur la planète. Toutefois, à deux mois de la Conférence des nations unies sur le changement climatique (COP28) de 2023, une rare lueur d'espoir et d'optimisme est apparue en début de semaine dans un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui semble redéfinir l'ordre du jour.
L'une des principales conclusions de ce rapport est que, contre toute attente, il reste une petite «fenêtre d'opportunité» pour maintenir en vie les accords de Paris sur le climat. Ce constat s'explique par la croissance remarquable de la production et de l'utilisation d'énergie propre. Plus précisément, la capacité de production d'énergie solaire et les ventes de voitures électriques ont augmenté de manière largement conforme à ce que l'agence estime nécessaire pour atteindre l'objectif de 2050 et limiter l'augmentation des températures mondiales à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, comme convenu à Paris en 2015. Les températures ont atteint des niveaux record cette année dans une grande partie du monde et les moyennes mondiales sont déjà supérieures aux moyennes préindustrielles d'environ 1,1 °C.
L'AIE prédit que l'augmentation de la capacité de production d'énergie solaire et des ventes de voitures électriques permettrait de réduire d'environ un tiers les émissions d'ici à 2030. Les innovations technologiques continuent de créer de nouvelles possibilités et de réduire les coûts.
Une comparaison avec le rapport 2021 de l'AIE montre bien les progrès que cela implique. Il y a tout juste deux ans, l'agence soulignait que les technologies susceptibles de représenter 50% des futures réductions d'émissions n'étaient pas encore sur le marché. Le rapport de cette année révèle que ce chiffre est tombé à 35%, ce qui témoigne de la rapidité avec laquelle les technologies liées aux énergies renouvelables se développent.
Malgré ces résultats positifs, l'AIE soutient que des mesures encore plus fortes seraient nécessaires dans la seconde moitié des années 2020 pour atteindre l'objectif de 1,5 °C. L'agence met en garde contre les effets négatifs de l'augmentation des investissements dans les combustibles fossiles et contre ce qu'elle décrit comme des «émissions obstinément élevées» après le rebond économique qui a suivi la pandémie de Covid-19 et la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine.
Selon l'AIE, un certain nombre de mesures sont indispensables, notamment le triplement – au bas mot – de la capacité des énergies renouvelables au niveau international, une forte augmentation de l'utilisation des voitures électriques et des pompes à chaleur électriques, une réduction de 75% du méthane dans le secteur de l'énergie et un doublement du taux annuel d'amélioration de l'efficacité énergétique.
L'investissement mondial dans l'efficacité énergétique devrait déjà atteindre le chiffre record de 600 milliards de dollars (1 dollar = 0,95 euro) cette année, ce qui donne une idée de l'ampleur de ces obstacles. L'AIE a donc utilisé son dernier rapport pour publier une «feuille de route pour zéro émission nette» qui définit les voies potentielles de la réussite de ce programme. Il s'agit d'une approche à multiples facettes qui comporte des éléments clés pour les pays avancés comme pour les pays en développement.
Le sommet sur le climat COP28 à Dubaï représente un moment charnière dans la lutte contre le changement climatique.
Andrew Hammond
Dans les économies avancées et industrialisées, l'agence appelle le plus grand nombre possible de pays à atteindre des objectifs de zéro émission nette en 2045, soit cinq ans plus tôt que l'échéance de 2050, offrant ainsi aux pays en développement une plus grande marge de manœuvre pour effectuer leurs transitions.
L'AIE précise qu'aucun nouveau projet au sujet du charbon, du gaz ou du pétrole n'est nécessaire, car le développement de nouveaux combustibles fossiles est incompatible avec l'objectif de 1,5 °C, même si certains investissements seront nécessaires dans des projets qui ont déjà obtenu le feu vert.
Il est essentiel, cependant, que la révolution des énergies propres se poursuive à un rythme soutenu. Les prévisions indiquent que la demande en combustibles fossiles atteindra bientôt son maximum, puis il diminuera de 25% vers 2030 et de 80% d'ici au milieu du siècle.
Pour réaliser cette grande ambition, l'AIE estime que les investissements dans les énergies propres doivent passer d'environ 1,8 billion de dollars cette année à quelque 4,5 billions de dollars par an d'ici au début des années 2030. Si les pays avancés sont les moteurs de la transition énergétique, l'agence a souligné la nécessité pour les pays en développement de s'engager plus rapidement dans cette voie.
Un investissement d'environ 45 milliards de dollars sera nécessaire pour permettre à tous les pays en développement d'accéder à des sources d'énergie modernes. Ce chiffre équivaut à environ 1% de l'ensemble des investissements annuels mondiaux dans le secteur de l'énergie.
Si le monde ne parvient pas suffisamment à accroître l'utilisation des énergies propres, l'AIE avertit que des mesures telles que la technologie de captage et de stockage du carbone seraient nécessaires, même si elles n'ont pas encore fait leurs preuves à grande échelle. Avec un tel scénario, l'agence affirme qu'environ 5 milliards de tonnes de dioxyde de carbone devraient être retirées de l'atmosphère chaque année au cours de la seconde moitié du siècle.
Compte tenu de l'élan croissant en faveur des principaux objectifs mondiaux tels que le triplement de la capacité des énergies renouvelables, l'AIE considère que le sommet sur le climat COP28 à Dubaï représente un moment clé dans la lutte contre le changement climatique. Elle appelle toutes les nations à s'engager, lors de cet événement, à renforcer leurs ambitions et à obtenir des résultats au cours de la prochaine moitié de la décennie.
L'agence souligne à juste titre que les défis les plus importants seront probablement de nature politique plutôt qu'économique. C'est pourquoi, selon elle, il est aujourd'hui essentiel que les nations du monde entier, y compris les États-Unis et la Chine, coopèrent étroitement. Il est également nécessaire de dissocier la diplomatie climatique de la géopolitique compte tenu de l'ampleur du défi à relever.
L'AIE souligne ce point à juste titre. On oublie parfois que le traité de Paris de 2015 a été précédé par un accord bilatéral sur le climat entre Pékin et Washington un an plus tôt. Ce dernier a été conclu à un moment où les relations entre le président américain, Barack Obama, et son homologue chinois, Xi Jinping, étaient relativement bonnes, malgré des tensions périodiques.
En considérant l'ensemble de ces éléments, on constate que le monde se trouve à un moment charnière de son histoire. Si le rapport de l'AIE apporte quelques bonnes nouvelles, les prochaines étapes pour obtenir des résultats seront encore plus difficiles et elles nécessiteront un apaisement des tensions géopolitiques, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ce qui exigera une diplomatie éclairée.
Andrew Hammond est chercheur associé au LSE Ideas à la London School of Economics.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com