Le Moyen-Orient à l'ère asiatique de l'ordre mondial

La présidente indienne Droupadi Murmu (2R) assiste à la poignée de main entre le Premier ministre indien Narendra Modi (3L) et le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (R) lors d'une réception cérémoniale à la Maison présidentielle, au lendemain du sommet du G20 à New Delhi, le 11 septembre 2023. (AFP)
La présidente indienne Droupadi Murmu (2R) assiste à la poignée de main entre le Premier ministre indien Narendra Modi (3L) et le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (R) lors d'une réception cérémoniale à la Maison présidentielle, au lendemain du sommet du G20 à New Delhi, le 11 septembre 2023. (AFP)
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Publié le Lundi 18 septembre 2023

Le Moyen-Orient à l'ère asiatique de l'ordre mondial

Le Moyen-Orient à l'ère asiatique de l'ordre mondial
  • La part des pays asiatiques dans l'économie mondiale est estimée à plus de 40%, et elle pourrait dépasser dans les deux décennies à venir celle des États-Unis et de l'Europe
  • Le Moyen-Orient qui est la continuité naturelle de l'espace indopacifique et de l'Asie centrale est un partenaire indispensable pour les puissances en compétition sur l'échiquier mondial

Les derniers accords signés lors du sommet du G20 qui s’est tenu à New Delhi, en vue de créer un couloir logistique reliant l'Inde à l'Europe et au Moyen-Orient, ont consacré le rôle désormais crucial et vital du golfe Arabique dans les projets phares de la mondialisation en cours.

Après l'initiative chinoise ravivant les anciennes routes de la soie (Belt and Road Initiative), visant à relier la Chine à l'Europe par un complexe dispositif routier maritime et ferroviaire qui intégrera l'Asie centrale et le Moyen-Orient, l'Inde entame un vaste projet concurrent de corridor portuaire et ferroviaire qui garantira sa puissance géopolitique et commerciale internationale.

L'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), qui ont été associés au premier plan dans ce projet de grande ampleur, après avoir été récemment admis dans le bloc des États émergents des Brics, seront des acteurs clés dans cette nouvelle configuration qui va changer la face du monde.

Le président chinois, Xi Jinping, a prédit à juste titre que l'avenir de l'humanité se jouera sur l'axe Asie-Pacifique, propos confirmés et partagés par l'ancien ministre des Affaires étrangères américain, Henry Kissinger.

La part des pays asiatiques dans l'économie mondiale est estimée à plus de 40%, et elle pourrait dépasser dans les deux décennies à venir celle des États-Unis et de l'Europe. À la croisée des deux grands pôles commerciaux et géopolitiques mondiaux, le Moyen-Orient, sollicité pour sa position stratégique et ses atouts économiques, arbitrera les grands enjeux de puissance internationale dans l'avenir.

C'est dans ce sens que l'on pourra appréhender la nouvelle orientation diplomatique des pays de la région qui ont adopté une politique réussie de diversification du partenariat stratégique international.

Tout en préservant les relations privilégiées avec les puissances occidentales, les pays de la région se sont rapprochés de l'axe asiatique, en développant les différentes formes de coopération et de partenariat avec les puissances émergentes, notamment la Chine et l'Inde.

L'Arabie saoudite s'est associée dès mars 2023 à l'organisation de coopération de Shanghai, chapeautée par la Chine et la Russie comme «partenaire de dialogue», elle est (en plus de plusieurs autres pays de la région) membre de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII) basée à Pékin, en Chine.

Les nouvelles routes de la soie, moteur de la puissance chinoise, auront besoin du relais moyen-oriental, qui a joué jadis un rôle capital dans les échanges commerciaux entre Chan'gan et les cités islamiques d'Antioche, Samarcande et Boukhara, jusqu'à Rome et les villes commerciales italiennes. Dans la nouvelle perspective, le port pakistanais de Gwadar et celui du Duqm (Oman) sont déjà intégrés au réseau chinois.

Le projet concurrent indien vise directement le grand Moyen-Orient, et pourrait même ouvrir la voie à une nouvelle conception géopolitique de l'intégration régionale, en incluant les trois pôles complémentaires de cet espace: la façade africaine et arabe de l'océan Indien, la zone de la mer Rouge et la Méditerranée orientale.

Ce projet ambitieux pourrait à terme rétablir l'ancienne «économie-monde» (au sens employé par l'historien Fernand Braudel), dont dépendait les pays du golfe arabe et les centres commerciaux du croissant fertile.

Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, avait prédit en 2018 que le Moyen-Orient serait «la nouvelle Europe», pointant les indices de développement dans la région, qui vit de nos jours une dynamique de changement et d'ouverture sans précédent. Il va sans dire que cette dynamique ne pourrait réussir que dans un contexte géopolitique stable et propice.

La nouvelle équation asiatique est à coup sûr le nœud de l'ordre mondial en gestation, et les derniers antagonismes qui ont vu le jour sur la scène internationale sont les signes précurseurs d'une configuration stratégique axée sur l'Eurasie.

Dans cette conjoncture, le Moyen-Orient qui est la continuité naturelle de l'espace indopacifique et de l'Asie centrale est un partenaire indispensable pour toutes les puissances en compétition sur l'échiquier mondial. L'avenir de ordre régional arabe se jouera donc sur ce terrain.

Seyid ould Abah est professeur de philosophie et sciences sociales à l'université de Nouakchott,Mauritanie et chroniqueur dans plusieurs médias. Il est l'auteur de plusieurs livres en philosophie et pensée politique et stratégique.

Twitter: @seyidbah
 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.