L’émissaire spécial du président français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, est attendu à Beyrouth en début de semaine prochaine pour une ultime tentative visant à desserrer l’étau politique qui entrave l’élection d’un nouveau président de la république.
Le Liban est sans président depuis près de onze mois sans qu’apparaisse à l’horizon une lueur d’espoir. Tout porte à croire que le blocage politique n’est pas près de disparaître. En effet, le Hezbollah, milice chiite pro-iranienne, soutient Sleiman Frangié, le chef du parti chrétien Marada, proche et loyal ami et allié du président syrien, Bachar al-Assad, et totalement aligné sur la mouvance pro-iranienne dirigée par le Hezbollah.
Autrement dit, dans l’hypothèse où il serait élu, M. Frangié représenterait une figure politique qui fait partie du noyau dur iranien. Or, le soutien du parti pro-iranien à M. Frangié ne se limite pas aux jeux d’influences politiques au sein du Parlement. C’est avec les prouesses politiques de son allié Nabih Berri, chef du parti chiite Amal et président de la Chambre des députés, que le Hezbollah s’acharne à bloquer le Parlement. Il l’empêche de se réunir de manière à exercer un chantage politique qui vise les opposants au choix de Frangié. La milice en question peut compter sur son corps armé: ce dernier a déjà fait ses preuves en matière de violence en investissant par les armes la capitale Beyrouth en 2008 afin de mettre à genoux les forces politiques rivales, laissant après son passage plus de deux cents morts – essentiellement de simples civils.
Le Liban est sans président depuis près de onze mois sans qu’apparaisse à l’horizon une lueur d’espoir. Tout porte à croire que le blocage politique n’est pas près de disparaître.
Ali Hamade
Ce jeu qui consiste à faire miroiter la puissance de nuisance a pour conséquence que la milice pro-iranienne réussit à imposer son tempo dans la politique intérieure au Liban et provoque, en l’occurrence, la fermeture quasi totale du Parlement. De quoi empêcher l’élection d’un nouveau président de la République.
C’est dans ce contexte que l’initiative française entre en jeu. Même s’il a essuyé plusieurs revers ces derniers mois, l’Hexagone s’efforce d’inviter les principales forces politiques représentées au Parlement à se réunir autour d’une table. En réalité, il s’agit d’une exigence qui avait été émise depuis des mois par le front du tandem chiite. Les forces de l’opposition ont toujours décliné cette offre, avançant que le devoir du Parlement est de se réunir sans délai afin d’élire un président. Aucune forme de dialogue que préconise le tandem chiite ne figure dans la Constitution libanaise.
Mais la nouveauté vient de Paris. L’émissaire du président Macron est attendu lundi prochain à Beyrouth. Il viendra appuyer les exigences du tandem chiite et invitera les forces politiques à se réunir et à dialoguer. Selon lui, cette démarche est susceptible d’ouvrir la voie à l’élection d’un nouveau président. La position française irrite les forces de l’opposition. Ces dernières redoutent un piège dont l’objectif est de diviser leurs rangs. Pour sa part, Paris opte pour le réalisme. Selon les responsables français du dossier libanais, il faut faire preuve de bon sens et accepter la proposition du tandem si l’on souhaite avoir une chance de débloquer la situation.
Quelles sont les garanties? Aucune, répondent ces responsables. Simplement, il s’agit de tenter le tout pour le tout.
C’est donc une étrange tactique qu’adopte la diplomatie française au Liban. Pourtant, de nombreux observateurs considèrent cette tentative comme l’ultime chance de la France pour réussir son pari.
- Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairementcelle d’Arab News en français.