Des voix fusent de temps en temps à Washington pour demander la désignation des Frères musulmans comme groupe terroriste, motivées par leurs agissements douteux dans le monde. Et malgré les hordes de politiciens conservateurs, de groupes de réflexion, et de militants anti-islamistes qui clament haut et fort le danger que représentent ce mouvement radical et ses filiales satellites, le gouvernement des États-Unis tarde à prendre une décision officielle.
Le sénateur républicain Ted Cruz, aux tentatives réputées incessantes à l’encontre du groupe radical, a réintroduit en début de mois un projet de loi sur la désignation terroriste des Frères musulmans. Si elle est promulguée, cette loi permettrait au gouvernement américain d'imposer un large éventail de sanctions contre tout pays, entreprise ou individu qui soutient, finance ou même échange avec les Frères. «Sous l’égide de l'administration Trump, nous continuons fièrement de dénoncer et de combattre le terrorisme radical. J’ai l’honneur de me joindre à mes collègues aujourd'hui pour réintroduire cette loi», Cruz dans un communiqué. Il aussi souligné l'importance de demander aux organisations terroristes étrangères de rendre des comptes pour leurs actions.
La menace des Frères musulmans, fondés en Égypte par Hassan Al-Banna il y a 90 ans, augmente à mesure que leur base s'élargit, et ce grâce au soutien de Qatar et la Turquie, deux alliés américains notoires. Un nombre de pays arabes proches de Washington ont pourtant pris des mesures sévères contre l’organisation, et la classent comme danger #1 dans la région et au-delà.
Les ambitions d’Al-Banna ne se limitaient guère aux frontières de l’Égypte, lui qui a gardé jusqu’au bout l’intime conviction que le programme de la Fraternité, qui veut redonner sa place à l’idéologie transcontinentale de l’islam du califat, devrait être déroulé à l’échelle planétaire. L’ultime objectif serait de former un lien fort de l’idéologie politique pour restaurer le pouvoir et le prestige «authentiques» des musulmans, en plus d’avoir un impact sur les décisions internationales majeures et servir ses propres intérêts politiques et économiques.
Entre 1949, date de l'assassinat d'Al-Banna, et 2020, les Frères musulmans ont appris à jouer le jeu de l'Occident et à jongler avec ses politiques. Mais comment? La persécution politique, les libertés muselées dans des pays du Moyen-Orient, et l’ambition d’une vie meilleure ont provoqué un flux migratoire. Des millions de musulmans ont fui vers l’Occident, plus particulièrement vers l'Europe et les États-Unis. C’est ainsi que les communautés musulmanes ont commencé à mettre en place des institutions et organisations qui ressemblent à leurs idéaux. Mais les personnes les plus intéressées par ces institutions étaient malheureusement affiliées aux Frères musulmans, ou du moins s'inspiraient de leur modèle.
Bien financés, soutenus par des États puissants, les Frères musulmans ont investi un grand pourcentage de leurs actifs dans la manipulation de millions de musulmans à travers le monde. Ils ont donc créé des centaines d'organisations pour les maintenir isolés à l’intérieur de leurs propres communautés. Pendant ce temps, à l’écart des slogans islamiques, l'organisation tentaculaire utilise ses ressources pour influencer l’intelligentsia internationale, les organisations caritatives, les boîtes de relations publiques, et de nombreux médias aux États-Unis et dans un nombre de pays européens. Le but : promouvoir indirectement le groupe et faire avancer son idéologie.
Le Qatar a fourni aux Frères radicaux la plus grande plate-forme médiatique du Moyen-Orient. «Al Jazeera Arabic» a en effet joué un rôle essentiel dans la radicalisation de musulmans arabophones dans le monde entier. Entre incitation à la haine et antisémitisme, la chaine joue sur les émotions de ses téléspectateurs qui vivent dans une région politiquement instable et déchirée par la guerre. La version anglaise de la même chaine recycle par contre certains mouvements islamistes politiques et des groupes terroristes, créant ainsi des victimes imaginaires pour gagner la sympathie de l’Occident.
La propagande en provenance des médias traditionnels de gauche aux États-Unis fait bien le travail des islamistes. Ces derniers n’ont plus besoin de déployer des efforts pour véhiculer le récit selon lequel l'Amérique est un pays injuste et diabolique, qui persécute les minorités dans chaque page de son histoire moderne.
Étonnamment, la confusion générale envers les termes «islamiste» et «musulman» a été délibérément créée par les Frères musulmans. Regrouper tous les musulmans en une seule catégorie est l’ultime stratégie qui sert leurs objectifs, et renforce l’argument radical qui veut que chaque attaque contre le groupe soit une attaque contre l'islam. La vérité est que les mouvements islamistes ont rendu la tâche très difficile aux musulmans laïques qui ne veulent pas jouer le jeu de la politique identitaire; ils sont constamment forcés de se distancier de l’idéologie extrémiste de l’organisation.
Mais quels motifs le monde devrait-il s’incliner devant ces fascistes de Dieu? Les États-Unis doivent apprendre de l'Égypte, des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite pour combattre les opinions radicales qui se multiplient en Occident en général, et aux États-Unis en particulier, et prendre des mesures radicales contre les Frères musulmans et leurs tentatives d’infiltrer la société américaine.
Washington ne devrait pas accorder aux Frères musulmans un meilleur traitement que celui qu’elle réserve au Hezbollah libanais ou au Hamas palestinien. Un avertissement sans équivoque devrait expliquer les conséquences graves aux pays qui soutiennent, financent, hébergent ou fournissent une plate-forme au groupe. Chose qui ne sera évidemment pas facile, du moins dans les quatre prochaines années.
La future administration garde la ferme opinion, comme la plupart des démocrates d’ailleurs, que désigner les Frères musulmans comme groupe terroriste aurait un impact négatif sur les relations de Washington avec un nombre de pays arabes et musulmans. Mais cette opinion devrait être mise à l’épreuve des difficultés auxquelles font face les peuples du Moyen-Orient, perpétuellement en proie à l’insécurité et à l’instabilité politique et économique que causent les groupes radicaux tels que les Frères musulmans.
Une décision audacieuse et courageuse comme celle-ci rendrait certainement le monde meilleur et plus sûr.
Dalia Al-Aqidi est Senior Fellow au Center for Security Policy. Elle est une ancienne candidate républicaine au Congrès.
Twitter: @DaliaAlAqidi
NDLR: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com