La Cisjordanie est au bord du chaos

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu préside une réunion hebdomadaire du cabinet dans son bureau le 17 juillet 2023 (AFP).
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu préside une réunion hebdomadaire du cabinet dans son bureau le 17 juillet 2023 (AFP).
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Publié le Mercredi 19 juillet 2023

La Cisjordanie est au bord du chaos

La Cisjordanie est au bord du chaos
  • Benjamin Netanyahou et ses partenaires de la coalition du parti religieux et de l'extrême droite, MM. Smotrich et Ben-Gvir, iront jusqu'au bout
  • Il faudra bien en effet qu'un jour le peuple israélien admette que la logique de la conquête par la violence et de la répression à tout va n'a qu'un seul débouché possible: alimenter le cycle infernal de la haine

Le raid mené pendant quarante-huit heures en ce début juillet par un détachement israélien fort d'un millier de soldats dans le camp de réfugiés de Jénine a fait douze morts (au moins) et près de cent vingt blessés du côté palestinien et un soldat israélien mort. Il éclaire d'une lumière crue la situation en Israël et en Palestine.

Côté israélien, Benjamin Netanyahou et ses partenaires de la coalition du parti religieux et de l'extrême droite – ses sbires, devrait-on dire –, MM. Smotrich et Ben-Gvir, iront jusqu'au bout. Le Premier ministre, on le sait, est un homme habile: il cherche à finasser pour diviser ses opposants et pour amadouer les autorités américaines; mais il est décidé à briser la résistance de la Cour suprême, sans tenir sérieusement compte ni des avertissements de l'armée ou des milieux d'affaires ni des manifestants de Tel-Aviv.

Cela fait, la prise de contrôle et, bientôt sans doute, l'annexion de la totalité de la Cisjordanie seront menées à terme, les colons ayant désormais quartier libre pour développer des implantations existantes, en créer de nouvelles, et régler leurs comptes avec les protestations palestiniennes comme ils ont commencé de le faire récemment dans plusieurs localités telles que Huwara, Umm Safa ou Turmus Ayya. Bezalel Smotrich, le suprémaciste juif, ministre des Finances, également chargé de l'administration des territoires occupés, a été très clair sur son ambition de porter la population des colons de cinq cent mille à un million.

Itamar Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, ne dit pas autre chose. En visite dans la colonie d’Evyatar, il a déclaré: «Nous devons coloniser la terre d'Israël et en même temps lancer une opération militaire, détruire des immeubles, éliminer les terroristes. Pas un ni deux, mais des dizaines, des centaines, des milliers s'il le faut!»

«Nous devons coloniser la terre d'Israël et en même temps lancer une opération militaire, détruire des immeubles, éliminer les terroristes. Pas un ni deux, mais des dizaines, des centaines, des milliers s'il le faut!»

Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale

Pourtant, du côté des Palestiniens, l'ambiance a tourné. À Jénine, lors de l'invasion israélienne de 2002, la résistance armée des Palestiniens avait été farouche, il y avait eu quarante-trois Palestiniens et vingt-trois soldats israéliens tués. Le camp de réfugiés avait été presque entièrement détruit par l'armée israélienne. Cette fois-ci, il en est allé différemment. La plupart des résistants armés se sont retirés du camp pour échapper à Tsahal. L'un des responsables du Fatah à Jénine l'explique: «La lutte est inégale. Nous ne voulions pas que les Israéliens détruisent tout une nouvelle fois.»

Certes, il y a encore une partie de la jeunesse qui fait facilement le coup de feu, les partisans de la résistance armée à tout prix, les militants du Djihad islamique. Ce n'est pas rien. Mais il y a aussi ceux, de plus en plus nombreux, qui ne veulent plus voir leurs enfants finir en martyrs ou prisonniers à vie en Israël. «Ce sont des adolescents qui ont des armes plus grandes qu'eux et qui ne savent rien», déclare une mère palestinienne. Ceux-là, «ils veulent vivre, sortir, s'amuser. Ils ne sont pas motivés pour combattre», indique un observateur avisé. Et pour tous, les partis politiques et l'Autorité palestinienne ont perdu toute crédibilité. La Cisjordanie n'a plus de projet ni de chefs. Elle est au bord du chaos.

On cherche en vain qui peut l'en sortir, d'où peut venir la lumière. Mais on sait à grands traits d'où celle-ci devait venir. Il faudra bien en effet qu'un jour le peuple israélien admette que la logique de la conquête par la violence et de la répression à tout va n'a qu'un seul débouché possible: alimenter le cycle infernal de la haine. Sur cette base, ni les Israéliens ni les Palestiniens ne connaîtront jamais la paix.

 

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.