La semaine prochaine, la Chambre des communes britannique commencera à débattre d'une mesure législative au titre anodin, mais dont les conséquences pourraient être inquiétantes. Le projet de loi sur l'activité économique des organismes publics (relative aux questions internationales) vise, selon les termes de son préambule, à empêcher les conseils locaux, les universités et autres organismes similaires «d'être influencés par la désapprobation politique ou morale d'États étrangers lorsqu'ils prennent certaines décisions économiques».
Le projet de loi a pour objectif de modifier la législation afin d'empêcher le boycott et le désinvestissement par des organismes publics en raison de leurs préoccupations à l'égard d'un État ou de ses activités – à moins que, par dérogation ministérielle, le gouvernement en place n'approuve ces préoccupations.
De fait, ce projet de loi est conçu pour empêcher ces organismes d'avoir leur propre politique étrangère. En réalité, il concerne Israël, inspiré par la volonté de faire échouer le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions.
Au Royaume-Uni, les conflits entre le gouvernement en place et les conseils élus au niveau local ne datent pas d'hier. En général, ils opposent les gouvernements conservateurs aux conseils travaillistes et remontent à des désaccords politiques sur le Chili, l'Afrique du Sud (sous l'apartheid) et la dissuasion nucléaire du Royaume-Uni. De nombreux conservateurs ont estimé que ces questions n'avaient rien à voir avec les conseils locaux, qui devraient se concentrer sur la fourniture de services publics. D'autres ont estimé que l'expression publique de points de vue divergents est l'essence même de la démocratie, même si elle peut être gênante.
Le projet de loi n'est pas insensible à l'évidence. En théorie, il empêcherait un conseil local d'imposer des sanctions ou d'éviter des contrats d'achat avec la Russie en raison de sa guerre contre l'Ukraine ou avec la Chine à cause de son traitement de la communauté ouïghoure. Il prévoit une procédure d'exemption lorsque les ministres sont convenus que de telles actions sont justifiables et conformes à la politique du gouvernement.
Il s'agit d'un projet de loi sur Israël, inspiré par la volonté de faire échouer le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions.
Alistair Burt
Sauf pour Israël. C’est en effet le seul État désigné par le gouvernement britannique qui ne peut bénéficier d'une telle exemption, ce qui signifie qu'un futur gouvernement devra modifier la loi pour intégrer Israël dans une mesure qui, par ailleurs, englobe tous les autres.
Le débat autour de la mesure se concentrera donc sur deux questions principales. Premièrement, le degré de liberté que les organismes publics peuvent exercer dans les domaines qui relèvent de leur contrôle. Deuxièmement, la mesure dans laquelle Israël devrait être traité différemment des autres. Je crois que c'est cette dernière question qui aura le plus d'impact – et un tel débat ne pourrait pas tomber à un moment plus délicat pour l'État d'Israël au Royaume-Uni.
Le soutien de l'existence de l'État d'Israël est inébranlable au Royaume-Uni parmi les citoyens et les hommes politiques, tout comme la répulsion pour les attaques terroristes dont il fait l'objet. Aucune remise en question d'Israël ne devrait être injustement perçue comme une atteinte à ces principes fondamentaux.
Mais il y a eu un malaise perceptible et croissant en ce qui concerne les événements qui ont lieu en Israël et dans les territoires occupés ainsi que les actions de son gouvernement. Ce sentiment a été progressivement exprimé, au sein de la communauté juive d'ici et d'ailleurs, à mesure que le tabou politique qui entoure toute critique d'Israël a été brisé, non en répondant à l'extrémisme par l'extrémisme, mais par l'inquiétude mesurée exprimée par des voix crédibles et puissantes.
L'historien Simon Schama a écrit au mois de mars dernier que la communauté britannique devrait se joindre aux Juifs «du monde entier» pour s'élever contre la dérive d'Israël vers une «théocratie nationaliste», non comme une «trahison d'Israël», mais comme une «déclaration passionnée de soutien au grand nombre de personnes qui se sentent aussi angoissées que nous».
L'archevêque de Canterbury a condamné l'accélération d'un nationalisme agressif en Israël, notamment les attaques contre la communauté chrétienne de Jérusalem. L'augmentation de la violence extrême des colons, accompagnée d'un manque de maintien de l'ordre approprié, visible à Huwara et ailleurs, ne peut plus être ignorée. Le nombre croissant de victimes innocentes des actions de l'armée israélienne contre les terroristes suscite la profonde inquiétude du gouvernement britannique et de beaucoup d'autres.
Les événements en Israël et dans les territoires occupés suscitent un malaise perceptible et croissant au Royaume-Uni.
Alistair Burt
Les actions et la composition du gouvernement israélien élu en novembre de l'année dernière ont peut-être permis, plus que tout, de rompre le silence qui régnait jusque-là.
L'admission de ministres qui ont des opinions extrêmes sur la Palestine, la communauté palestinienne en Israël et l'annexion des territoires occupés est rejetée ici par de nombreux membres de la communauté juive. Les manifestations publiques qu'ils organisent à Londres contre les efforts du gouvernement Netanyahou pour «réformer» le système juridique sont sans précédent. De nombreux groupes se sont déjà prononcés contre le projet de loi qui sera débattu au Parlement britannique la semaine prochaine.
Nombreux sont ceux qui pensent que ce qui ressemble à une impunité pour les violations du droit international commises par Israël pendant de nombreuses années a encouragé les partisans de ce nationalisme agressif. Les possibilités d'une plus grande stabilité et d'une plus grande justice offertes par un Moyen-Orient en mutation risquent d'être perdues pour de nombreuses raisons, et c'est l'une d'entre elles. Il est donc difficile d'adopter une mesure qui singularise Israël et ferme les yeux sur des arguments alors que, en réalité, nous devons parler davantage d'Israël, en particulier de la manière dont ce pays entend assumer ses responsabilités internationales et, plus important encore, de ce qu'il convient de faire s'il n'y parvient pas.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth – en tant que sous-secrétaire d'État parlementaire de 2010 à 2013 et en tant que ministre d'État pour le Moyen-Orient de 2017 à 2019.
Twitter: @AlistairBurtUK
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com