Sur les 17 pays les plus exposés au stress hydrique dans le monde, onze se trouvent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ces onze États sont le Bahreïn, l'Iran, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, Oman, Israël/État de Palestine, le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Il faut donner à ce dernier la possibilité de montrer sa volonté de changement.
Les Émirats arabes unis ne sont d'ailleurs pas le premier État du Moyen-Orient à accueillir la Conférence des Parties (COP). En effet, la COP18 a été organisée à Doha, au Qatar, et la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte.
C'est d'ailleurs à Charm el-Cheikh qu'une étude alarmante a révélé que le Moyen-Orient subissait un réchauffement climatique deux fois plus important que la moyenne mondiale. L'étude a constaté une augmentation moyenne de 0,45°C par décennie au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale, sur la base de données collectées entre 1981 et 2019, alors que l'augmentation moyenne mondiale est de 0,27°C par décennie.
Ce constat est alarmant.
Le Moyen-Orient subit de plein fouet le réchauffement climatique, à un rythme presque deux fois supérieur à la moyenne mondiale, ce qui pourrait avoir des effets dévastateurs sur ses habitants et ses économies. Dans cette région, plus de 400 millions de personnes sont exposées à des vagues de chaleur extrême, à des sécheresses prolongées et à la montée du niveau des eaux.
Selon l'étude en question, «pratiquement tous» les domaines de la vie seront «gravement affectés» par des climats plus chauds et plus secs. Ce phénomène risque de faire grimper le taux de mortalité et d'exacerber les «inégalités entre les populations riches et les populations les plus pauvres» de la région.
Le Moyen-Orient risque non seulement de souffrir gravement du changement climatique, mais aussi d'y contribuer activement, poursuit l'étude. Elle montre que cette région riche en pétrole pourrait bientôt devenir l'une des principales sources d'émissions.
Le choix de Dubaï aux Émirats arabes unis, aussi aberrant qu'il puisse paraître à première vue, n'est pas anodin. Au contraire, l'organisation de la Conférence place au premier plan un État du Moyen-Orient qui est au cœur de la problématique globale du réchauffement climatique.
L'État émirati a été victime de sa propre croissance économique exponentielle depuis les années 1980. Dubaï a été et reste la ville de la démesure.
Une immense piste de ski couverte, le plus gros Hummer du monde, des jet-skis aux allures de voitures de luxe pour conduire sur l'eau... Dubaï n'en est pas à sa première aberration écologique.
Depuis quelques années, les Émirats arabes unis ont emboîté le pas et veulent se racheter une image de pionnier de l'écotourisme. Sur une étendue de sable à 20 kilomètres du centre-ville, le chantier de Masdar City (Masdar signifiant «source» en arabe) devait être achevé en 2016. Il ne se terminera pas avant 2030... dans le meilleur des cas.
Seize ans après son lancement, l'«écocité» axée sur les énergies renouvelables, un réseau de transport à faible émission de carbone et une stratégie zéro déchet, reste un mirage. La crise financière de 2008 aurait freiné les ambitions des Émirats.
Ceux qui critiquent le lieu de la COP28 ont sans doute oublié qu'à l'instar d'un virus pandémique, le réchauffement climatique ne connaît pas de frontières.
Sultan Ahmed al-Jaber : un acteur clé dans la lutte contre le réchauffement climatique
Sultan Ahmed al-Jaber a annoncé en 2022 :
«Les défis fondamentaux de la transition énergétique sont les suivants :
Premièrement, comment faire croître les économies tout en réduisant les émissions.
Deuxièmement, comment maintenir à la fois la sécurité énergétique et les progrès en matière de climat ?
Troisièmement, comment veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.
Je pense que nous pouvons, que nous devons et que nous n'avons pas d'autre choix que de relever ces défis ensemble.»
À noter la détermination sans faille du président de la COP28, qui sera chargé de diriger les débats et qui, en 2006, avait fondé l'entreprise d'énergie renouvelable Masdar, à seulement 33 ans.
Il est considéré depuis longtemps le référent émirati aux Nations Unies. En 2009, Ban Ki Moon, secrétaire général de l'époque, l'avait nommé dans son Groupe consultatif sur l'énergie et les changements climatiques. Ce même groupe avait publié un rapport important l'année suivante. À la même époque, Sultan Ahmed al-Jaber avait obtenu l'autorisation d'installer le siège de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abu Dhabi, alors qu'il était président-directeur général (PDG) de Masdar.
Depuis 2010, Sultan Ahmed al-Jaber a effectué deux mandats distincts en tant qu'envoyé spécial pour le changement climatique. Il avait pour mission d'aider le pays à respecter son engagement en faveur de l’objectif zéro émission nette de carbone d'ici 2050 à la suite de l’Accord de Paris de 2015, où les Émirats arabes unis sont devenus le premier pays du Moyen-Orient à prendre une mesure décisive en faveur de l'action pour le climat.
Sultan Ahmed al-Jaber a proposé une approche pragmatique pour la transition énergétique, appelant à un plan réaliste, pratique et économiquement viable pour assurer à la fois le progrès climatique, la sécurité énergétique et la croissance économique.
«Une action climatique progressive n'est pas seulement nécessaire, elle peut aussi être un puissant moteur économique et, si nous le faisons bien, elle peut effectivement orienter le monde vers un développement à faible émission de carbone et à forte croissance. Nous devons donc commencer à considérer le défi climatique comme une opportunité», a déclaré al-Jaber en 2021, lors d'un entretien avec Fred Kempe, PDG de l'Atlantic Council.
«Pour répondre aux besoins énergétiques actuels et futurs, le monde a besoin de toutes les solutions possibles. Il ne s'agit ni d'hydrocarbures, ni de solaire, ni d'éolien, ni de nucléaire, ni d'hydrogène. Il s'agit de toutes ces solutions, auxquelles s'ajoutent des énergies propres qui n'ont pas encore été découvertes, commercialisées et déployées. Autrement dit, le monde a besoin d'un maximum d'énergie et d'un minimum d'émissions.»
Sultan Ahmed al-Jaber fait preuve d'une cohérence pragmatique et réaliste en accord avec l'Accord de Paris : élever les ambitions climatiques.
À travers leur approche, les Émirats arabes unis se montrent précurseurs dans le domaine des énergies renouvelables et se positionnent comme le premier pays de la région à avoir déployé l'énergie nucléaire.
En outre, conformément à l'article 4 paragraphe 4 de l'Accord de Paris, ces avancées sont portées de l'avant par des partenariats et des engagements pris avec d'autres pays afin de rendre le système énergétique actuel plus propre tout en investissant dans l'énergie propre de demain.
En effet, l'Accord de Paris stipule le suivant :
«Les pays développés Parties devraient continuer de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l'échelle de l'économie. Les pays en développement Parties devraient continuer d'accroître leurs efforts d'atténuation, et sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction ou de limitation des émissions à l'échelle de l'économie eu égard aux différentes situations nationales.»
Par ailleurs, la nomination de Sultan Ahmed al-Jaber, a souvent été critiquée en raison de son statut de PDG et de magnat du pétrole.
Il convient de souligner que la Conférence des Parties réunit les représentants des Parties mais aussi des acteurs non étatiques : des autorités locales, des ONG et des scientifiques. Chaque COP se doit donc d'inclure le plus large éventail possible de parties prenantes pour faire face à l'urgence climatique.
Cette richesse tend vers un seul et unique objectif : accélérer et renforcer l'action collective en faveur du climat.
Le statut de PDG de Sultan Ahmed al-Jaber ne doit pas être perçu comme un conflit d'intérêt mais plutôt comme le signe qu'en tant que spécialiste de l'énergie, il peut agir pour la transition écologique.
Produire plus d'énergie et cesser d'émettre des gaz à effet de serre.
Pour l’instant, il est nécessaire de se concentrer sur les priorités de fond sans se perdre dans des questions de forme qui nuisent aux enjeux liés au réchauffement climatique.
Selon la doctrine chrétienne, les derniers seront les premiers et miséricorde pour tous les péchés !
Selon les principes du droit international, une présomption de bonne foi devrait également prévaloir.
En effet, les Émirats arabes unis sont membres du Conseil de sécurité des Nations unies et membre important de la communauté internationale, acteur de la lutte contre l'islam radical et les Frères musulmans, victime annoncée du réchauffement climatique et autrefois grand consommateur d'énergie. Accueillir et présider la COP28 est donc tout à fait justifié.
Les polémiques stériles doivent cesser car l’avenir de notre planète est en jeu.
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs !», s'était écrié Jacques Chirac, président de la République française de l'époque, au début de son discours devant l'assemblée plénière du quatrième sommet de la Terre, le 2 septembre 2002, à Johannesburg, en Afrique du Sud.
Vingt-et-un ans plus tard, ces propos sont toujours d'actualité.
Nathalie Goulet est une femme politique française. Sénatrice de l'Orne depuis 2007, elle est membre du groupe Union des démocrates et indépendants au Sénat.
Twitter: @senateur61
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com